▪ Nous sommes parcouru de frissons. Un sentiment d’angoisse a empli notre cortex frontal.
Nous avons lu un article censé donner courage et espoir aux investisseurs. Mais en ce qui nous concerne, nous l’avons interprété comme un verdict de culpabilité dans un procès pour meurtre. Même avec un comportement exemplaire, notre sentence durerait probablement plus longtemps que nous.
Un graphique disait tout. Il montrait trois marchés haussiers au cours des 20 dernières années. Dans les années 90, le rendement total du S&P 500 a été de 227%. Il y a eu ensuite un autre marché haussier, entre 2002 et 2007 : cette fois-ci, le rendement total a été de 108%. Enfin, entre 2009 et 2014, les investisseurs ont engrangé 195% de plus.
La leçon est immanquable. Elle vous dit d’investir en actions… et de ne pas en bouger. Si le marché fait un malaise, ne cédez pas au vertige… gardez vos actions !
"Oui, il y a eu des périodes de faiblesse", disent les gestionnaires de fonds, les conseillers en investissement et les courtiers. "Mais elles ont toujours été suivies par renouveau de vigueur. Chaque sommet a mené à un pic encore plus élevé".
En 1960, le S&P 500 était à 59. A l’heure où nous écrivons ces lignes, il est à 1 964 |
Tel est le message intégré par toute une génération d’investisseurs. Si l’on remonte encore un peu, on s’aperçoit que la même leçon a été retenue par leurs pères… et même leurs grands-pères. Depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale, il y a eu des marchés en hausse, des marchés en baisse, des marchés stagnants. Mais si vous vous étiez simplement positionné et que vous n’aviez pas bougé… sur toute période de temps substantielle… vous vous en seriez bien tiré. C’est vrai de quasiment tous les actifs financiers — du moins sur les 35 dernières années — et particulièrement vrai pour les actions, surtout au cours des 70 dernières années. En 1960, le S&P 500 était à 59. A l’heure où nous écrivons ces lignes, il est à 1 964.
▪ Le jour où le soleil ne se lèvera pas
La leçon est désormais inscrite dans notre inconscient collectif… et dans nos cerveaux, notre culture et nos muscles. Même après une attaque ou la maladie d’Alzheimer… après la démence sénile et les couches pour adultes… nous réciterons sur notre lit de mort : "achetez les creux".
Nous n’avons pas besoin d’y réfléchir. Nous craignons peut-être la prochaine récession ou le prochain krach des marchés, mais nous sommes confiants dans le fait que la nuit la plus sombre sera toujours suivie par une aube lumineuse — ça a toujours été comme ça !
Et ce le sera toujours. Du moins jusqu’à ce que ça ne le soit plus.
Mais… et si M. le Marché était sur le point de réussir son plus gros coup ? Si la nuit sombre durait 10… 20… 30 ans ? Si l’expérience des 70 dernières années était sui generis ? Si elle était le résultat de conditions particulières qui ont désormais changé… et ne peuvent être répétées. Si nous étions en train d’assister à des sommets que nous ne reverrons plus jamais de notre vivant ?
Bien entendu, on pourrait faire une encyclopédie avec ce que nous ignorons de l’avenir. Mais ne serait-ce pas un joli coup de la part de M. le Marché ?