La Fed admet que les valorisations des actions sont excessives. Le secteur des valeurs technologiques est en bulle et un scandale de publicité mensongère se profile…
Le 27 juin, trois responsables de la Fed (la présidente Janet Yellen, le vice-président Stanley Fischer et le président de la Fed de San Francisco, John Williams) ont mentionné les niveaux élevés des actions/que le marché actions était mûr pour une correction.
D’abord, c’est le vice-président de la Fed, Stanley Fischer, qui a souligné de façon explicite que les actions étaient extrêmement surévaluées, selon leurs valorisations actuelles.
« Sur les marchés actions, les ratios cours/bénéfice se situent désormais aux quintiles supérieurs de leurs distributions historiques, alors que les spreads sur les obligations d’entreprise sont proches de leurs plus-bas postérieurs à l’après-crise. »
Stanley Fischer, vice-président de la Fed
Source : site internet de la Réserve fédérale
Fischer admet littéralement que le marché est surévalué si l’on se réfère aux bénéfices (les fondamentaux).
Ensuite est venue la déclaration du président de la Fed de San Francisco, John Williams (le conseiller privilégié de Janet Yellen) :
« ‘Le marché actions a tout l’air de rouler sur ses dernières réserves‘, a déclaré John Williams, le président de la Réserve fédérale de San Francisco […]. ‘Cela représente clairement un risque pour l’économie américaine, [il pourrait y avoir] une correction : c’est quelque chose à quoi il faut se préparer afin de réagir si cela se produit vraiment' ».
John Williams, président de la Fed de San Francisco
Source : Reuters
Mais avant que quiconque se mette à paniquer, Janet Yellen s’est manifestée afin de nous assurer que la Fed était prête à empêcher toute crise financière de se produire lorsque surviendra cette chute.
« Janet Yellen, la présidente de la Fed, a déclaré mardi que les banques ‘étaient bien plus fortes‘ et qu’il était peu probable qu’une nouvelle crise financière se produise de sitôt.
Elle a également fait une prédiction audacieuse : une nouvelle crise financière semblable à celle qui a éclaté en 2008 ne se produirait probablement pas ‘de notre vivant’. »
Janet Yellen, présidente de la Fed
Source : CNBC
Ces trois discours ont tous été tenus le même jour.
Il s’agit d’une campagne claire et coordonnée de la Banque centrale américaine. C’est la première fois en huit ans que la Fed se montre ouvertement et publiquement baissière (bearish) sur les actions.
Je ne m’attends pas à ce que tout le marché chute. La chute interviendra en premier lieu sur les valeurs technologiques : le secteur le plus surévalué, et celui que l’on a utilisé via différentes manipulations pour porter le marché à bout de bras.
J’anticipe un krach des valeurs technologiques touchant les sociétés dont on s’est servi pour propulser le marché à la hausse. Il s’agit d’Apple (AAPL), Amazon (AMZN), Alphabet (GOOGL), Microsoft (MSFT) et Facebook (FB). Tesla (TSLA) et Nvidia (NVDA), quant à elles, méritent la mention honorable.
S’agissant des raisons fondamentales expliquant le sell-off brutal subi par les « tech », elles ne manquent pas. D’abord, les grands noms du secteur s’échangent tous à des prix étourdissants, à l’exception d’Apple (AAPL).
- Amazon (AMZN) se négocie selon un ratio cours/bénéfices de 187.
- Alphabet (GOOGL) se négocie selon un ratio cours/bénéfices de 32.
- Facebook (FB) se négocie selon un ratio cours/bénéfices de 39.
- Nvidia (NVDA) se négocie selon un ratio cours/bénéfices de 50.
- Microsoft (MSFT) se négocie selon un ratio cours/bénéfices de 31.
- Tesla (TSLA) n’affiche même pas de bénéfices et se négocie à un ratio P/CF [ratio cours/cash flow] de 1 022.
Apple (AAPL) est la seule société qui se négocie selon un ratio raisonnable de 17. Toutefois, même cette société se situe au-dessus de la moyenne sur cinq ans de ses ratios cours/bénéfice, cours/actif net (P/B), cours/chiffre d’affaires (P/S) et cours/cash flow (P/CF)… alors que son chiffre d’affaires comme ses bénéfices sont en baisse.
Au-delà des questions de valorisation, un véritable scandale se prépare dans le secteur des technologies, bien que les médias passent outre.
Le scandale de la publicité mensongère en ligne
Des sociétés telles que Facebook et ses semblables génèrent une part considérable de leur chiffre d’affaires avec la publicité en ligne. Selon ce business model, les clients payent Facebook en échange d’un espace publicitaire en ligne, dont le tarif se base sur le trafic Internet.
Toutefois, il apparaît désormais que des robots, et non des humains, génèrent un énorme pourcentage du trafic Internet. Autrement dit, les coûts de publicité (ce que Facebook et les autres facturent à leurs clients en échange de l’espace publicitaire) sont fondés sur une tromperie.
En septembre dernier, on a appris que Facebook surestimait d’au moins 60% à 80% la durée de visionnage des vidéos publicitaires.
« Selon des sources informées, les grands annonceurs et spécialistes du marketing sont mécontents de Facebook Inc., car ils ont appris que, depuis deux ans, ce géant de l’Internet surestimait énormément le temps de visionnage moyen des publicités-vidéo sur sa plateforme.
Il y a plusieurs semaines, Facebook a publié un message dans son ‘centre d’assistance publicitaire’ expliquant que son indicateur de temps moyen passé par un utilisateur à regarder des vidéos était gonflé artificiellement car il ne prenait en compte que les visionnages de plus de trois secondes. La société a déclaré qu’elle allait mettre en place un nouvel indicateur afin de régler ce problème…
Les agences achetant de l’espace publicitaire, telles que Publicis Media, ont été informées par Facebook que les méthodes de comptage initiales avaient probablement surestimé de l’ordre de 60 à 80% le temps de visionnage des vidéos, selon un courrier que Publicis Media a adressé fin août à ses clients, et que The Wall Street Journal a analysé. »
Source : ici
Quelques mois plus tard, Facebook a révélé qu’elle surévaluait plus que le visionnage des vidéos.
« La société de réseaux sociaux a mené une vaste étude après avoir découvert trois mois auparavant qu’elle avait surévalué le temps de visionnage des vidéos sur son site. Cette erreur de calcul n’a pas été révélée de façon générale, ce qui a suscité des critiques à l’égard du réseau social. A présent, Facebook déclare avoir découvert d’autres exemples de calcul erroné concernant l’audience de son site, notamment la durée que consacrent les gens à la lecture d’articles instantanés, et le nombre de personnes consultant les pages-entreprises de Facebook. »
Source : Bloomberg
Depuis, la situation s’est aggravée, les personnes en charge d’énormes budgets publicitaires en ligne ayant remarqué que l’escroquerie est encore pire qu’ils ne le pensaient. Voici ce qu’a déclaré la semaine dernière le responsable marketing du géant des produits de consommation, Unilever :
« Avec 8,4 Mds$ de budget publicitaire annuel, le secteur de la publicité est attentif lorsqu’Unilever est mécontent. Lors du festival de la créativité ‘Cannes Lions’, le responsable marketing et communication d’Unilever, Keith Weed, a souligné les trois inquiétudes qui ‘l’empêchent de dormir la nuit’ :
‘Si vos annonces ne sont pas vues, vous êtes mort’, a déclaré Weed face à son auditoire à Cannes mercredi.
Il veut que les publicitaires ‘envisagent de façon globale le secteur du numérique’. Selon Weeds, cet écosystème est perverti. Environ 60% du trafic Internet est généré par des ‘bots‘ [NDR : logiciels automatisés de conversation]. ‘Nous voulons acheter des vues, et non des bots’, a déclaré Weeds. ‘Si quelque chose est trop beau pour être vrai, alors [effectivement]’est probablement le cas' ».
Source : MediaPost
Le problème n’existe pas que chez Facebook.
Yahoo!, Google et d’autres géants de l’Internet sont également impliqués dans des problèmes concernant la publicité. Considérant que ces géants du secteur génèrent une part importante de leurs recettes à partir de la publicité en ligne, si ce scandale prend de l’ampleur, il pourrait sérieusement perturber le cours des actions.
[NDLR : Tous les mois, dans Crise Or & Opportunités, Graham Summers passe au crible les marchés financiers pour en déduire des opportunités en or, au sens propre comme figuré. Pour découvrir les recommandations de Graham, cliquez ici.]