▪ Je suis toujours le déroulement des transactions qui se font sur les marchés, le remaniement des actifs par le biais de fusions, d’acquisitions, d’introductions en bourse, etc. Ces opérations reflètent d’importantes tendances d’investissement. Elles peuvent beaucoup nous apprendre sur ce qui se passe sur les marchés, où les opportunités se trouvent… ou ne se trouvent pas.
A ce titre, la seule acquisition qui ait réellement suscité mon intérêt ces derniers jours a été le rachat par Caterpillar de Bucyrus, un fabricant de matériel minier, pour 8,6 milliards de dollars. Caterpillar veut booster son développement dans les produits miniers. Racheter Bucyrus est une façon facile de le faire.
Avant de considérer la somme que Caterpillar a déboursée et ce que cela dit du secteur minier, étudions auparavant l’activité minière plus généralement. Ce dont il est le plus important de se rendre compte, c’est que l’exploitation minière est méchamment cyclique. Les seules affaires d’extraction qui soient invariablement rentables se font chez les dentistes. Mais en ce moment, les entreprises minières ont des sous. Comme l’a fait remarquer le Wall Street Journal : "l’industrie minière rapporte gros : Citigroup estime qu’elle aura un cash net cumulé de 70 milliards de dollars d’ici fin 2012".
Par conséquent, lorsque les mineurs vont bien, il en va de même pour les entreprises qui vendent les pelles et les pioches. "Les liquidités vont de pair avec une lente croissance dans l’offre d’outils, faisant monter les prix et les profits pour les entreprises comme Bucyrus", peut-on lire dans le WSJ.
Mais qu’en est-il de cette histoire de cyclicité ? En fait, le monde a pas mal changé depuis ces vingt dernières années. Doug Oberhelman, PDG de Caterpillar et vieux routier du métier, explique : "lorsque je suis entré dans les affaires, les trois-quarts du monde étaient fermés — la Chine, la Russie, le Vietnam, l’Inde, la majeure partie de l’Afrique… En 2010, le monde entier est grand ouvert, les pays en développement croissent deux fois plus vite que les pays développés et il reste encore sans doute plusieurs milliards de personnes dans le monde qui vont se moderniser et se développer".
▪ J’écris sur cette tendance depuis plusieurs années déjà. Selon moi, le développement de ces marchés émergents est la plus grande histoire d’investissement du 21ème siècle. Cela a impacté pratiquement tout. Et les industriels américains ayant une exposition sur ces marchés ont conduit la reprise des bénéfices en 2010. Concernant l’industrie minière, l’impact est tout aussi bouleversant. La Chine, l’Inde, le Brésil et d’autres marchés tirent la demande de charbon, de minerai de fer et des autres matières qui sortent du sous-sol.
Et puisque cette "nouvelle" demande de matières industrielles ne montre aucun signe de baisse, la perspective long terme de l’industrie minière est plus que jamais incontestable…et probablement moins cyclique.
"L’extraction minière est un secteur merveilleux", renchérit le Financial Times. "Les prospects selon lesquels le boom de 10 ans des prix des matières premières continuera, ont saupoudré une poussière de charbon magique sur les valorisations de toutes les entreprises liées à l’extraction de matières brutes".
Mais tout a un prix à partir duquel celui-ci commence à ne plus être logique. Et c’est là où nous arrivons au prix payé.
Caterpillar a payé 10,5 fois l’estimation 2011 de l’EBITDA ("earnings before interest, taxes, depreciation and amortization", revenus avant intérêts, impôts, dotations aux amortissements et provisions) de Bucyrus. C’est là un multiple bien cher pour une entreprise cyclique. Beaucoup d’acquisitions sont faites à sept-huit fois l’EBDITA. En fait, Bucyrus a payé neuf fois l’EBITDA pour Terex en février. Selon certaines estimations, Caterpillar devra doubler le bénéfice d’exploitation de Bucyrus pour que l’opération soit rentable. (Et même s’il n’y a aucun lien, KKR est en pourparlers pour acheter Del Monte à 7,5 fois.)
Comme on pouvait s’y attendre, les entreprises fabriquant du matériel minier se sont envolées avec le rachat. Joy Global, concurrent de Bucyrus, se négocie à ses plus hauts depuis un an, et déjà à environ 10,5 fois l’EBDITA.
Sous cet éclairage, cette grosse acquisition de la part de Caterpillar est un signal. C’est comme une alarme qui sonne.
La raison est que les fusions et les acquisitions ont tendance à arriver par vagues. Je ne peux m’empêcher de penser que nous nous approchons d’une crête de vague dans les cours des compagnies d’équipements miniers. Je resterais loin de toute cette écume. En fait, une grande partie du marché lié à l’exploitation minière est devenue chère — à moins que vous ne croyiez que l’exploitation minière n’est plus cyclique.
Je pense qu’il reste encore des opportunités remarquables dans le secteur minier. En particulier, je citerais les valeurs or et uranium comme deux industries minières qui restent encore attrayantes. Les valeurs or parce que les actions des valeurs or ont pris du retard sur les cours de l’or. L’industrie de l’uranium n’en est encore qu’au début de sa phase haussière ; le cours de l’uranium est inférieur au coût de nouveaux projets.
J’aime bien aussi le coke métallurgique pour la simple raison que les gisements de haute qualité semblent se tarir et qu’il n’existe aucune opportunité facile en vue pour au moins encore deux ans. Et même si elle est beaucoup plus spéculative, l’exploitation minière de terres rares est également séduisante étant donnée l’offre resserrée sur le court terme.
En résumé, fini l’argent facile ! S’agissant de l’exploitation minière, les investisseurs devront choisir leurs filons plus soigneusement que jamais.