Le mur de la frontière mexicaine sera financé en creusant un trou budgétaire titanesque. Cette architecture absurde deviendra une attraction touristique à défaut d’être utile.
Notre travail, à La Chronique, est de relier les points. Pour de nombreux lecteurs, cela signifie séparer le Paradis de l’Enfer… le bien du mal… « eux » de « nous ».
Cela dépasse de loin nos compétences. Nous essayons seulement de rire un peu, de temps en temps… aux dépens de ce qui en vaut la peine. Dans la mesure où l’argent est la source d’une bonne part de notre hilarité, nous allons continuer.
En ce moment, nous nous intéressons à un trou profond — un trou de 21 000 Mds$ de dette.
Lorsqu’on s’est mis dans un trou, la première chose à faire est d’arrêter de creuser. Depuis 50 ans, aucun président américain n’en a été capable.
Ils creusent pour des guerres à l’étranger et des gabegies à domicile. Sur ce demi-siècle, ils ont probablement dépensé 50 000 Mds$. Nous aurions pourtant du mal à nommer une seule chose… une véritable réussite… qui n’ait pas été une arnaque ou un échec.
Et le trou se fait de plus en plus profond. Trump, Obama, Bush — tous continuent de pelleter. Avec autant de terre qui vole, nous avions à peine remarqué « Le Mur ». Mais quel projet serait plus important qu’assurer la protection du flanc sud des Etats-Unis ?
Nous n’en savons rien, mais cette année, le Congrès en a trouvé pour 4 400 Mds$ : c’est ce que les autorités dépenseront même sans le mur. Evidemment, le gouvernement américain n’a pas 4 400 Mds$. Il prévoit des revenus de 3 400 Mds$ seulement. Il faudra donc emprunter près de 1 000 Mds$.
Est-ce ainsi qu’on gère un gouvernement ? Au lieu d’élaborer un budget raisonnable — avec ou sans mur — les autorités se disputent pour dépenser 5 700 Mds$ supplémentaires.
Aujourd’hui, donc… nous accordons une pensée à la sécurité aux frontières.
Le dessein d’un mur
On construit des murs pour qu' »ils » restent dehors… ou dedans. Les murs de Jericho, les murailles d’Athènes, le Mur de Berlin — tous avaient une utilité.
Hadrien a construit un mur en Grande-Bretagne pour sécuriser la frontière le long de la rivière Tyne. Vingt ans plus tard, les Romains repoussèrent la frontière au nord, sur le Firth of Forth, et bâtirent le mur d’Antonin. La Grande muraille de Chine fut érigée pour repousser les barbares des steppes.
Aujourd’hui, ce sont tous des attractions touristiques.
Pourquoi pas un de plus ?
L’argent, comme nous le disons, est plus que simplement « de l’argent ». C’est un moyen de compter les points et de rester honnête. Lorsqu’on dépense de l’argent, on fait des choix. On accepte un échange, mobilisant du temps et des ressources qui auraient pu être utilisés ailleurs. Et nous devons nous demander : est-ce que cela en vaut la peine ?
Selon les preuves dont nous disposons, les arguments en faveur d’un mur à la frontière sont mitigés, peu concluants et imbibés d’une bonne dose de foutaises.
Les premiers immigrants vers l’Amérique étaient confrontés à un voyage éprouvant, aux menaces d’indigènes hostiles, à la faim et à la soif. La plupart d’entre eux sont arrivés sans papiers. En bien ou en mal, ils sont venus et ont fait de leur mieux.
Le parallèle le plus proche, de nos jours, est l’immigration. Au moins ces immigrants ont-ils du cran. Ils affrontent de telles difficultés et dangers que M. Trump parle de « crise humanitaire ».
Pourquoi font-ils cela ?
Principalement pour avoir la possibilité de faire les travaux minables auxquels peut aspirer un travailleur sans papiers — dans les usines, les champs et les hauts-fourneaux –, en gagnant une telle misère que les Américains bon teint refusent de s’y coller.
Sont-ils un danger pour le reste d’entre nous ? Ces étrangers viennent-ils grignoter nos plans retraite et santé… ou les secourir ? Augmentent-ils le taux de criminalité ou bien le réduisent-ils ?
Des hordes infernales !
Dans notre expérience limitée, les immigrants illégaux sont polis, travailleurs et débrouillards. Ils ne contreviennent pas aux lois ; ils ne font de procès à personne ; ils ne cherchent pas à toucher des allocations ni à déclencher des émeutes — parce qu’ils ont peur de se faire déporter !
Mais attendez… certains de nos lecteurs sont sûrs et certains que l’immigration illégale ruine le pays ; que la frontière avec le Mexique grouille de hordes terroristes… de meurtriers… de violeurs… et de démons infernaux — attendant de traverser le Rio Grande pour tout saccager.
Est-ce vrai ? Les Etats-Unis seraient-ils plus sûrs, plus riches, meilleurs avec un mur pour empêcher cela ? Que nous disent les preuves ?
Comme toujours, les deux partis trouvent les preuves qu’ils recherchent. Ceux qui s’inquiètent de protéger la sécurité sociale affirment que les immigrants, légaux ou non, sont indiscutablement un avantage. Ils sont jeunes. Ils ont des enfants. Ils paient leurs cotisations. Ils ne rejoindront pas les zombies avant des années.
Mais cela en vaut-il la peine ? Qu’en est-il de la criminalité ? La première chose que nous remarquons, c’est que le nombre de meurtres au Mexique est quatre fois supérieur à celui des Etats-Unis. Il y a pas mal de bad hombres au pays de Pancho Villa.
Attendez une minute… nous serions plus en sécurité au Mexique qu’à Baltimore : le nombre de meurtres est deux fois plus élevé ici que là-bas.
Selon la presse, la majeure partie du problème du Mexique, concernant la criminalité, est liée au commerce de la drogue — exactement comme aux Etats-Unis.
Et voici une petite chose intéressante : si des tueurs traversaient effectivement la frontière, on pourrait s’attendre à ce que le nombre de meurtres augmente dans les comtés américains bordant le Rio Grande.
Or c’est tout le contraire : le nombre de meurtres y est bien plus bas. McAllen, où Le Donald s’est rendu la semaine dernière, enregistre le taux de criminalité le plus bas du Texas. Allez comprendre.
Des saints en situation illégale
Une autre petite chose : Donald Trump nous dit que l’Agence des douanes et de l’immigration (ICE) a arrêté des centaines de milliers d’immigrants illégaux ayant un casier judiciaire… mais les garde-frontières affirment que les immigrants illégaux qu’ils ont appréhendés ont en fait un taux de criminalité inférieur à celui de la population américaine dans son ensemble. Moins de 2% d’entre eux ont un casier.
Aux Etats-Unis, 30% des adultes ont été accusés (mais pas nécessairement condamnés) de crime ou délit. Si on les compare aux autochtones, les immigrants illégaux sont des saints.
Qu’en est-il des meutes d’immigrants prêts à franchir les frontières américaines, tels les Huns balayant l’Europe ?
Les garnisons de la frontière nous disent que l’immigration non-autorisée baisse depuis 18 ans, et est désormais inférieure de près de 80% à son sommet de 2000.
Le terrorisme ? Là aussi, les immigrants illégaux sont des modèles de probité.
Les autorités classent les ressortissants de pays « à haut risque » comme la Syrie et l’Irak dans une catégorie à part. Devinez combien ils ont été à entrer aux Etats-Unis illégalement par la frontière mexicaine, pour ensuite tuer ou blesser des Américains ces 42 dernières années ? Zéro.
Le seul incident où le terroriste présumé a traversé illégalement la frontière impliquait un gars qui venait du Canada ! Tous les autres avaient un passeport et un visa… sauf un, qui est venu clandestinement en bateau.
Alors où est l’urgence, exactement ? Nous n’en savons rien. Mais si c’était si important, on pourrait se dire que les représentants du peuple seraient capables de supprimer assez de gabegies pour financer un tel projet.
Sinon, ils laisseront la prochaine génération avec non seulement une cicatrice de 3 200 km de long, visible de l’espace… mais aussi avec la facture qui l’accompagne.