La Chronique Agora

De la croissance, mais de quoi ?

La croissance économique que nous mesurons est celle du crédit et de la dette. Si les taux d’intérêt repartent à la hausse, les désillusions seront cruelles.

L’Insee vient de démouler son chiffre de croissance du quatrième trimestre 2018.

Dans l’ensemble, les commentaires que j’ai pu écouter ce matin, sur les radios, étaient optimistes.

Les gilets jaunes n’ont pas entravé la consommation. Les gens ont continué à dépenser.

Un commentateur attribuait cet optimisme au discours « 10 minutes-10 Mds€ » d’Emmanuel Macron, se réjouissant de cet opportune distribution de pouvoir d’achat.

Ce qui m’a remémoré ce bon Frédéric Bastiat qui écrivait déjà dans Maudit argent !

« Quand les législateurs après avoir ruiné les hommes par la guerre et l’impôt persévèrent dans leur idée, ils se disent ‘si le peuple souffre, c’est qu’il n’a pas assez d’argent. Il en faut faire ». Et comme il n’est pas aisé de multiplier les métaux précieux, […] ‘‘nous ferons du numéraire fictif, ajoutent-ils, rien n’est plus aisé et chaque citoyen en aura plein son portefeuille ! Ils seront tous riches’. »

Les 10 Mds€ de pouvoir d’achat généreusement distribué par Emmanuel Macron ne sont que de la dette. L’Insee mesure la croissance de la dette que tout le monde confond avec la croissance de la richesse. Les gens ne dépensent pas les fruits de leur travail mais de l’argent emprunté.

Le numéraire de 1849,  l’époque de Bastiat, était de la monnaie papier.  Mais dans notre économie moderne, le numéraire est majoritairement du crédit. Multiplier le crédit revient à multiplier la monnaie.

Malheureusement, le cycle du crédit est en train de se retourner. Il va devenir plus difficile de faire passer la croissance de la consommation à crédit pour la croissance de la véritable richesse.

Des activités à l’abri du crédit et de la dette

Avec des taux d’intérêt en hausse, porter de la dette deviendra de plus en plus pénible. Les faillites sanctionneront les projets les plus hasardeux.

Les investisseurs devraient éviter tous les secteurs d’activité reposant sur « l’effet de levier » cher aux financiers, les entreprises dangereusement endettées ou dont les produits s’achètent à crédit.

« Hé quoi », pensez-vous, cher lecteur, « que voilà un conseil bien inutile. TOUT de nos jours repose sur la dette. »

C’est ma foi vrai, tout ou presque : immobilier, actions, obligations. Qui achète comptant un appartement, une automobile, des machines-outils ou même, de plus en plus souvent, un diplôme ?

Hier, j’étais à une réunion de coopérative de propriétaires forestiers.

Le bois n’intéresse pas la finance. La vitesse de croissance d’un arbre sous nos latitudes varie entre 3% et 5% selon les essences et la richesse du sol. Ce sont des taux incompatibles avec les émoluments des intermédiaires financiers.

Les forestiers récoltent tous les 20 ans au mieux (cas du peuplier), voire tous les 70 ans (chênes, douglas).  Personne n’a aucune idée du marché du bois à si long terme. C’est un métier qui rend modeste. Les enfants coupent ce que leurs parents avaient prévu, et ainsi de suite.

Même le fisc français a rabattu ses prétentions. Pour ne pas démembrer la forêt, il ne faut pas massacrer les héritiers en droits de succession ou saigner les propriétaires au moment de leurs rares récoltes.

L’actif se transmet donc de génération en génération. Il participe parfois au lien familial, des frères et soeurs, des cousins, se retrouvant pour prendre des décisions de gestion concernant les coupes, la régénération naturelle ou la plantation, le peuplement diversifié ou la monoculture…

La forêt est un secteur où l’on ne fait pas fortune mais il est à l’abri de la dette et du fisc. C’est assez reposant. Le bois est une matière première qui protège de l’inflation. C’est assez réconfortant.

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