La Chronique Agora

Fonds souverains : bras politiques armés ? (2)

Par Isabelle Mouilleseaux (*)

2 500 milliards de dollars ; et ce n’est qu’un début !
La douzaine de fonds souverains actuels représente quelque 2 500 milliards de dollars. C’est le double du poids des hedge funds. Le double !  

Les hedge funds ont déjà profondément changé le mode de fonctionnement de la planète finance, bouleversant les règles et les habitudes. Les fonds souverains ont une puissance incommensurablement supérieure ; d’ici dix ans, ils pèseront entre 10 000 et 12 000 milliards de dollars.

C’est une force de frappe considérable
Jamais une telle puissance n’aura été concentrée entre si peu de mains. Une concentration inédite du pouvoir ! Avec de telles sommes, vous pouvez tout vous payer. Absolument tout.

Je vois poindre votre question : que font-ils de cet argent ?

Initialement, un investissement "bon père de famille"
L’objectif des fonds a toujours été de placer les excédents de trésorerie des états. Pendant plus de 50 ans, l’objectif était d’investir ces montagnes de cash en vue de s’assurer un bon rendement.

Et les T-Bonds de l’oncle Sam étaient LE placement par excellence ! Les pétrodollars finançaient le déficit américain, en échange d’un rendement correct. Tout allait bien dans le meilleur des mondes…

Mais les choses changent
Les nouveaux venus, notamment Chine et Russie, sont de plus en plus puissants. Et leurs fonds étant opaques, on se demande par qui  ils sont téléguidés et dans quel but. Les fonds seraient-ils des bras armés politiques ? Instruments d’une nouvelle forme de guerre économique internationale ?

Une chose est certaine : les T-Bonds ne les intéressent pas. Direction les marchés actions. Et que trouve-t-on sur les marchés actions ? Tout. De l’entreprise la plus anodine à la plus stratégique que vous puissiez imaginer.

Défense, aéronautique et aérospatial, technologies de l’information, énergies et matières premières… tous ces secteurs sont stratégiques. Et très alléchants pour qui cherche à placer son argent…

La réciprocité ? Un mirage…
Essayez donc de prendre le contrôle d’une entreprise en Chine ! Vous vous rendrez très vite compte que la Chine a considérablement renforcé ses règles en vue de contrôler étroitement l’investissement étranger en Chine.

Même son de cloche aux Etats-Unis. Le président a un droit de veto sur les investissements étrangers réalisés sur son territoire. Il  a suffi  à Bush d’invoquer la "sécurité nationale" pour faire capoter la tentative de prise de contrôle par un fond étranger de ses infrastructures portuaires maritimes.

Pendant ce temps… le fond de Dubaï monte tranquillement en puissance dans le capital du port de Hambourg, à hauteur de 3,5 milliards d’euros. Un port européen stratégique ! Personne n’en parle…

Nous laissons le fond souverain russe prendre 5% d’EADS ; je doute que monsieur Poutine nous aurait permis de prendre 5% de Gazprom.

Tout le monde se protège, sauf nous !
Face à la menace que font peser les fonds sur les entreprises nationales, les pays réagissent.

L’Allemagne a pris les devants. Elle a compris qu’il fallait protéger ses actifs et ses entreprises clés. Le gouvernement planche sur un projet en vue d’assurer la traçabilité des investissements étrangers ; de lister les secteurs stratégiques ; de mettre en place un comité de contrôle étroit des investissements étrangers…

Et en France ?

Chez nous, le patriotisme économique est un épouvantail !
Non seulement nous n’avons pas de fonds de pension français qui nous permettraient de verrouiller au moins le noyau dur de nos entreprises — ce qui explique que presque la moitié du CAC est entre les mains des étrangers (contre 20% seulement aux Etats-Unis par exemple). Mais en plus, on ne peut pas dire que le Français moyen soit porté sur l’investissement en bourse. Impossible de compter sur lui pour sauvegarder nos entreprises…

Aucun conseil de surveillance non plus, aucun comité de contrôle des investissements… rien.

La France est l’une des zones les plus vulnérables car totalement ouverteet sans aucun contrôle des investissements étrangers. Rien n’a été mis en place pour protéger nos entreprises stratégiques.

Il est temps d’ouvrir les yeux
La libre circulation et le capitalisme sont une bonne chose. A condition de fixer des limites claires, qui nous permettent d’assurer notre sécurité nationale. Par "sécurité nationale", j’entends la sécurité de nos entreprises, stratégiques à notre développement. Mieux vaut raisonner européen sur ce sujet.

Et croyez-moi, il y a de quoi faire…

Meilleures salutations,

Isabelle Mouilleseaux
Pour la Chronique Agora

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