La financiarisation de l’économie est un bouc-émissaire bien pratique, qui permet de dissimuler d’autres problèmes fondamentaux affectant le capitalisme actuel.
Beaucoup de keynésiens avancent l’idée que la « financiarisation » a créé une nouvelle source de profit. Elle ne proviendrait pas de l’exploitation du travail mais de l’extorsion d’argent aux travailleurs et aux capitalistes productifs par le biais de commissions financières, de frais et d’intérêts, l’usure. C’est de la poudre aux yeux.
Les auteurs de ces écoles de pensée soutiennent que « les récessions ne sont pas inévitables – ce ne sont pas des actes mystérieux que nous devons accepter. Les récessions sont le produit d’un système financier qui favorise trop l’endettement des ménages ».
Pour moi, la financiarisation est une hypothèse idéologique qui ne regarde que les phénomènes de surface du krach financier et conclut que la Grande récession était le résultat de l’imprudence financière des banques non réglementées ou d’une « panique financière ».
Ben voyons !
Marx a reconnu le rôle du crédit et de la spéculation financière. Mais pour lui, et après lui pour Rudolf Hilferding – dont nous avons parlé mardi –, l’investissement financier était un contrepoids à la tendance à la baisse du taux de profit dans l’accumulation capitaliste.
Du crédit au surendettement
Le crédit est nécessaire pour lubrifier les rouages du commerce capitaliste, mais lorsque les revenus de l’exploitation du travail commencent à baisser, le crédit se transforme en dette qui ne peut être remboursée.
C’est ce que l’école de la financiarisation ne peut expliquer : pourquoi et quand le crédit se transforme-t-il en surendettement ?
Là-dessus, Minsky et ses copains sont sans réponse. Ils sont obligés d’invoquer l’obscurantisme des « esprits animaux » : on a la crise parce que… les esprits animaux ont changé… et qu’est ce qui les fait changer et s‘inverser ? Mystère.
La CNUCED a publié un rapport sur le passage de l’investissement dans les actifs productifs à la spéculation dans les actifs financiers. Ce rapport a révélé que les entreprises utilisaient une plus grande partie de leurs bénéfices pour acheter des actions, payer des dividendes aux actionnaires ou faire du Monopoly.
Il omet cependant de souligner que ce phénomène est une grève de l’investissement productif, et qu’il y a moins d’investissements productifs tout simplement parce qu’ils ne sont pas assez rentables.
Le système est devenu pourri, pervers, non légitime parce qu’il se trompe, il refuse de de regarder là où naissent les problèmes – à savoir le secteur de l’économie réelle productive.
C’est la baisse de la rentabilité de l’investissement productif – « les faibles rendements ajustés du risque sur le capital productif » – qui produit « l’investissement » dans le capital fictif.
L’économiste Guglielmo Carchedi, dans son excellent travail Derrière la crise, déclare :
« Le point fondamental est que les crises financières sont causées par la diminution de la base productive de l’économie. On atteint ainsi un point où il doit y avoir une déflation soudaine et massive dans les secteurs financiers et spéculatifs. Même s’il semble que la crise ait été générée dans ces secteurs, la cause ultime réside dans la sphère productive et la baisse du taux de profit qui en découle dans cette sphère. »
Nous ne sortirons pas des crises à répétition tant que nous n’aurons pas résolu ce problème de l’insuffisance du profit face à l’excès de capital.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]