La Chronique Agora

La fin du quoi qu’il en coûte ?

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Si les banques centrales veulent vraiment aller au bout des choses, plusieurs solutions existent. Aucune ne sera très agréable pour les marchés…

Les banquiers centraux affirment aujourd’hui que « le temps du quoi qu’il en coûte » est terminé. Le 12 octobre dernier, le Financial Times nous indiquait par exemple :

« La Banque d’Angleterre (BoE) a déclaré que des ‘leçons doivent être tirées’ de la crise des retraites qui a déclenché une intervention sans précédent sur les marchés des Gilts britanniques, et a souligné la nécessité d’agir pour atténuer des risques similaires dans d’autres parties du secteur financier.

‘Bien qu’il ne soit peut-être pas raisonnable de s’attendre à ce que les acteurs du marché s’assurent contre tous les résultats extrêmes du marché, il est important que des leçons soient tirées de cet épisode et que des niveaux appropriés de résilience soient assurés’, a déclaré le comité de politique financière de la BoE… »

La question centrale se pose : comment passer d’un état de non-résilience, c’est-à-dire de fragilité généralisée, à un état de résilience, c’est-à-dire de solidité ? Comment passer de l’instabilité généralisée à une situation équilibrée, gérable sans les artifices de la fausse monnaie, des rachats par la collectivité et des promesses fallacieuses ?

Deux solutions extrêmes

Comment tirer les leçons de cet épisode et que des niveaux appropriés de résilience soient assurés ?

Le problème est parfaitement posé, la question est claire, et en bonne logique, les solutions aussi se formulent clairement.

J’ai beau lire toutes les déclarations, scruter toutes les analyses… Je ne vois personne qui avance la moindre solution. Comment faire rentrer le dentifrice dans le tube alors qu’il en est sorti ? Comment résorber l’excès de promesses financières que l’on ne peut et pourra jamais tenir ?

Il y a deux solutions extrêmes.

La première est de détruire les valeurs des promesses financières. C’est la fonction des Bourses que de dévaloriser et de découvrir les vrais prix.

La seconde est de détruire ce en quoi elles – les promesses financières – sont libellées, c’est-à-dire la monnaie, puis de jouer sur le nominalisme. Sur l’illusion monétaire.

Au milieu, il y a un nombre important de variantes et de dosages, mais le principe dans tous les cas est le même : soit on détruit l’excès d’actifs financiers, soit on détruit la monnaie qui leur sert de support.

Pourquoi ? Tout simplement parce que l’on ne peut compter sur la croissance réelle de la production de richesses et de cash-flow : elle est déjà ralentie et elle devrait ralentir encore plus sous le poids du boulet financier.

Eviter le krach

Gageons que nous n’entendrons plus parler de ces questions de résilience, sauf sous la forme administrative, avec son mythe de la multiplication des surveillances et des régulations.

La Première ministre, Truss, est obligée d’apaiser le marché obligataire, de modifier le budget et de virer le ministre des Finances.

Le gouverneur de la BoE, Bailey, doit empêcher les effondrements du marché obligataire et du système de retraite, avec une inflation qui fait rage et une livre fragile.

La planche à billets de la Banque d’Angleterre doit, d’une manière ou d’une autre, jouer le rôle d’acheteur de dernier recours face à l’effondrement du marché obligataire, tout en maîtrisant l’inflation.

Le soutien obligataire d’urgence a expiré vendredi dernier. Bien peu de gens pensent que c’est faisable. A l’heure d’écrire ces lignes, rien de plus n’était en tout cas annoncé.

La plupart restent cependant convaincus que les banques centrales sont à jamais assujetties à la protection « quoi qu’il en coûte » contre les krachs boursiers. Ils n’arrivent pas à se mettre dans la tête que ce qui ne peut être honoré ne le sera pas. C’est la conséquence de 30 ans d’imaginaire financier et d’illusions entretenues au plus haut niveau !

Les rendements des Gilts britanniques sont montés jusqu’à 4,63% mercredi dernier, puis retombés à un creux de 3,89 % tôt vendredi, avant de terminer la semaine en hausse, à 4,34%.

Du côté de la livre sterling, elle a atteint un plus bas de 1,092 face au dollar mercredi et un plus haut de 1,138 jeudi, avant de terminer la semaine en hausse de 0,8% à 1,118.

En danger de contagion

Pour rappel, voici la situation telle que présentée par Reuters le 2 octobre :

« Le gouverneur de la Banque d’Angleterre, Andrew Bailey, a été sans équivoque : la banque centrale mettra fin [le vendredi 14 octobre] au soutien d’urgence aux obligations. […] La banque centrale est prise entre le marteau et l’enclume.

D’une part, elle navigue dans ce qu’elle a appelé un ‘risque important pour la stabilité financière’ avec la déroute du marché des Gilts exposant les vulnérabilités du secteur des retraites. Mais acheter des obligations ne convient pas à la BoE qui doit d’autre part lutter contre la hausse des prix »

J’ai développé l’idée que la situation dans laquelle se trouve la BoE est exemplaire, c’est l’émergence de l’iceberg financier mondial. Tout le monde financier global, y compris – et surtout – le chinois, est fragile, instable, non solvable.

La contagion menace donc : la destruction de l’actif du bilan des banques est lancée dans une course effrénée, et tous les bilans sont faux.

Les risques montent, c’est le « no place to hide ». Il n’y a plus de bénéfice de diversification car, comme je n’ai eu de cesse de vous le répéter, le monde entier a le même sous-jacent et ce sous-jacent c’est la mer de liquidité, la mer monétaire. Quand elle se retire, tout trinque.

L’or migre

Le monde financier, c’est un brave petit monde unifié. L’argent, c’est du mercure, il coule, il glisse, il s’échappe. Qui se décidera à essayer de bloquer le mercure et à s’opposer à la libre circulation des capitaux ?

Pendant ce temps, personne ne vous parle de la migration mondiale de l’or. Bloomberg :

« Il y a une migration mondiale en cours sur le marché de l’or: les investisseurs occidentaux se débarrassent des lingots tandis que les acheteurs asiatiques profitent d’une chute des prix pour acheter des bijoux et des lingots bon marché. »

En fait, cela ne va pas assez vite :

« Les problèmes logistiques combinés aux caprices du marché font qu’il est difficile pour les commerçants d’obtenir suffisamment de lingots là où ils sont nécessaires. En conséquence, l’or et l’argent se vendent à des primes inhabituellement élevées par rapport au prix de référence mondial sur certains marchés asiatiques. »

[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]

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