La Chronique Agora

Fin prêts pour un monde qui n'existe pas

Mots-clé : Etats-Unis, importations, exportations, énergie, dollar, crise alimentaire
Titre alternatif : Les Etats-Unis, importateurs nets d’énergie, d’alimentation… et de dollars

*** Fin prêts pour un monde qui n’existe pas
Les Américains ne sont plus en phase avec la réalité

** "Les Américains sont si gentils… si positifs… C’est toujours un plaisir de revenir aux Etats-Unis", déclarait Elizabeth, qui revient tout juste du Pays de la Liberté.

* "Quand on vit en France, on en oublie combien les étrangers peuvent être gentils. Mais c’est incroyable comme tout le monde a grossi".

* Pour les Américains, il est important d’être "gentil" ; les Français, par contre, ne s’en soucient pas plus que ça. A la surface, ils sont "corrects", ou polis. Plus tard, on s’aperçoit qu’ils sont tout aussi gentils que les Américains, mais pas aussi gros.

** Pendant ce temps, des choses désagréables arrivent aux gens gentils :

* "La crise du crédit va aller en empirant", affirme le Wall Street Journal.

* Ailleurs dans les journaux, on apprenait que le taux de chômage américain grimpe depuis plus de six mois.

* Les Américains gagnent des dollars. Mais "le dollar tout-puissant n’existe plus", déclare l’agence Associated Press. Ils ont une devise sans pouvoir d’achat… ni durabilité.

* Les Américains sont fin prêts — pour un monde qui n’existe pas. Ils ont hypothéqué leur maison et pris des cartes de crédits — mais le crédit facile disparaît. Ils ont des palais de banlieue et des monstres dévoreurs d’essence — mais ne peuvent plus se permettre l’énergie nécessaire pour les alimenter. Même leurs habitudes alimentaires ont évolué pour un monde différent. Les salaires réels n’ont pas grimpé, si bien que les familles ont mis plus de gens au travail… et abandonné les repas faits maison et les jardins potagers en faveur des dîners au restaurant. Les restaurateurs — durant l’ère de l’énergie et de l’alimentation bon marché — se faisaient concurrence en offrant des portions de plus en plus abondantes. Tout est devenu plus gros — les gens y compris.

* A présent, les Américains reçoivent leurs desserts extra-larges. Non parce qu’ils n’ont pas été gentils… mais parce qu’ils n’ont pas été sages. C’est comme ça que fonctionne vraiment la libre entreprise ; elle récompense la vertu — le travail, l’épargne, l’investissement, l’apprentissage, la prise de risque, etc. Et ceux qui dépensent trop et n’épargnent pas assez — elle leur botte le train.

** Aujourd’hui, les Américains doivent emprunter près de 3 000 milliards de dollars par jour simplement pour joindre les deux bouts. Et la moitié de la dette nationale — 5 000 milliards de dollars environ — est due à des étrangers. Une bonne partie de cet argent est entre les mains des banques centrales, en tant que partie de leurs 4 800 milliards de dollars de réserves étrangères. Ensuite, il y a la montagne de dollars aux mains des fonds souverains.

* C’est le plus gros transfert de richesse que le monde ait jamais vu. Et il prend diverses formes. Des milliards sont transférés par les automobilistes américains vers les pays exportateurs de pétrole. Des milliards vont également aux exportateurs d’automobiles. Lorsque les Américains achètent une voiture aujourd’hui, ils sont plus susceptibles d’en acheter une fabriquée par une entreprise étrangère que par des constructeurs US. Et il y a également des milliards expédiés vers les exportateurs de nourriture. Les Etats-Unis étaient autrefois le plus grand exportateur alimentaire de la planète. Aujourd’hui encore, nous avons vu des estimations selon lesquelles on pourrait nourrir la population mondiale tout entière avec ce que les Etats-Unis POURRAIENT produire. Mais sous la pression de la hausse des prix de l’énergie, les Américains ont décidé de transformer leurs récoltes alimentaires en énergie. Résultat : ils paient des prix record pour l’énergie ET la nourriture.

* Bien entendu, les Etats-Unis n’envoyaient pas uniquement de l’argent à l’étranger — ils expédiaient aussi du savoir-faire, de la technologie et des habitudes. L’habitude d’épargner, par exemple, a fait ses valises au début des années 90 et a déménagé en Asie. Les étudiants étrangers remplissaient les meilleures universités américaines et revenaient souvent en Corée, en Chine ou au Vietnam — en emportant leurs équations. De retour chez eux, ils construisaient de meilleures usines, plus modernes — et ont ainsi pris la part de gâteau des Etats-Unis. A la fin des années 90, cette perte ne semblait pas importante. Les Américains en étaient venus à penser qu’ils pouvaient faire mieux que fabriquer des choses : ils pouvaient créer, inventer et financer. "Ils transpirent, nous pensons", imaginaient-ils.

* Mais voilà : il s’est avéré que les étrangers pouvaient réfléchir aussi. Non seulement ça, mais la combinaison réfléchir + fabriquer des choses s’est révélée difficile à battre. Comme le Japon avant eux, les pays exportateurs n’ont pas tardé à égaler la qualité américaine… puis à la surpasser. Les Etats-Unis sont désormais importateurs nets — d’énergie… d’alimentation… et même de technologie. C’est du moins ce que nous avons entendu dire. Et la finance ? Elle s’effondre… et reviendra probablement là où elle était avant la bulle de crédit. Historiquement, l’industrie financière n’a fourni que 10% environ des profits des entreprises américaines. Durant la bulle, ce pourcentage a grimpé à 40%… et commence désormais à redescendre.

* Les salaires grimpent en Chine, en Inde, en Russie et au Brésil… mais stagnent ou chutent aux Etats-Unis. Depuis 1967, les prix à la consommation ont été officiellement multipliés par sept. Les salaires américains ont grimpé exactement dans les mêmes proportions. En d’autres termes, depuis que votre correspondant a atteint l’âge adulte, les salaires horaires des Américains n’ont pas augmenté d’un seul centime.

* Curieux qu’aucun des candidats à la présidentielle ne l’ait mentionné.

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