La Chronique Agora

Une fin d’été sous le signe des tsunamis

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Celui de l’inflation, celui des coups d’Etat… mais aucune alerte en vue à la Bourse, où règne toujours un calme absolu.

« Tsunami » est le mot clé de la fin de l’été. Tsunami de déconsommation en interne, tsunami de coups d’Etat à l’international, pile dans la zone d’influence française, entre le Sahara et le golfe de Guinée.

Alors que les chutes de neige en Haute-Savoie, dans l’arrière-pays niçois (dans le Mercantour) ou sur les sommets du Cirque de Gavarnie (dans les Pyrénées) viennent de congeler le narratif catastrophico-caniculaire du 15 au 25 août, les médias de désinformation ont enchaîné sur le retour des masques (recommandations du ministre de la Santé).

L’invitation à se bâillonner volontairement dans les transports et les établissements de santé a été aussitôt reprise par les « médecins de plateaux », soudain convoqués par les médias qui les avaient mis au rancart depuis mars 2022.

Ils se sont empressés de se faire les VRP du vaccin « bivalent » de l’automne, qui va terrasser d’une seule injection miraculeuse la grippe (après 70 ans d’échecs) et les variants du Covid…. qu’on ne connaît même pas encore.

Le coût de la vie

La « machine à fabriquer de la peur » n’a pas chômé au mois d’août… mais les médias auront beau en faire des tonnes, ils auront bien du mal à distraire de leur sidération les dizaines de millions de Français qui découvrent leur note faramineuse d’électricité – la plus exorbitante depuis 75 ans – et l’explosion de leur facture de gaz – en mode « dérégulé » depuis le début de l’été.

Pour nombre de ménages, gaz + électricité = un second loyer.

Des centaines de milliers de Français avaient occupé les ronds-points pour 20 € de surcoût des carburants par mois… ils découvrent qu’ils passent à 200 € par mois en 2 ans pour s’éclairer, se chauffer, et faire la cuisine.

Et remplir le frigo devient également difficile, avec les prix de l’alimentaire qui ont bondi de 25% depuis décembre 2021, et de 14% en un an (selon le magazine Que Choisir) : le combo « énergie + nourriture » débouche ainsi sur un « tsunami de déconsommation ».

L’expression est d’Alexandre Bombard, le PDG de Carrefour, qui fait d’ailleurs le même constat que ses concurrents Auchan et Leclerc : la consommation s’effondre dans les supérettes ou les hypermarchés comme jamais depuis que la grande distribution a pris son essor au milieu des années 1970 (hors épisode Covid naturellement).

Les ventes de denrées alimentaires ont chuté de plus de 11% ces 12 derniers mois. Il faut le répéter, c’est du jamais vu : un pourcentage de plus en plus alarmant de Français n’a plus les moyens de remplir son caddie et saute un repas sur deux, renonce à la viande et au poisson, zappe les « achats gourmands ».

L’inflation qui se voit

Et Alexandre Bompard, tout comme Michel Edouard Leclerc, ne mâche pas ses mots : l’inflation a bon dos… car ce sont les géants de l’agroalimentaire qui se gavent en augmentant leurs marges. Cela aurait pu passer inaperçu, puisque la valse des étiquettes est mise sur le compte de la guerre en Ukraine, de la hausse du pétrole, des engrais, du coût du chauffage des serres ou symétriquement du stockage au froid, de la nutrition animale (élevages), ou encore du transport (maritime ou routier).

Tout ceci renchérit le panier de la ménagère, ce n’est guère contestable (à part le coût du fret maritime, qui s’effondre), mais une bonne partie du surcoût est bien due à l’avidité des fournisseurs.

Ils se disent qu’au-delà de 20% d’inflation en 2 ans, plus personne ne se soucie de savoir si quelqu’un s’en met plein les poches : la situation sociale devenant explosive, l’Etat va forcément distribuer des aides au plus défavorisés, augmenter les minima sociaux et les salaires des fonctionnaires… ce qui alimentera derechef la spirale inflationniste.

Les Etats qui s’endettent et les banques centrales qui arrosent feront des coupables idéaux… puisqu’ils seront en état de récidive.

Mais, à un moment, ça commence à se voir. Par exemple quand un paquet de 20 biscuits n’en contient plus que 18, quand le pot de rillettes de 250 grammes n’en pèse plus que 225, ou quand la barre chocolatée de 100g n’en fait plus que 90… pour le même prix à la caisse naturellement. Une arnaque mesquine qui porte le nom anglais de « shrinkflation » (inflation par réduction, en quelque sorte).

Les classes moyennes ont du mal à faire leur marché, mais les marchés ont du mal à prendre en compte les difficultés des classes moyennes. Le risque de voir la récession ressurgir du fait de l’effondrement du pouvoir d’achat ne les effraie pas. Pas plus que le dérèglement climatique, symbolisé par des cartes météo saturées de rouge cramoisi et des chaînes d’info qui interrompent leur édition pour un « flash spécial » consacré à une averse de grêle dans la Drôme ou une équipe s’est empressée d’aller filmer deux vélux et un pare-brise cassés… et d’en conclure que « le climat est devenu fou ».

Tsunami de putschs

Alors nous allons rester dans la métaphore météorologique avec le tsunami de coups d’Etat qui déferle sur l’Afrique sub-saharienne : après le Tchad, la Guinée et le Mali en 2021, le Burkina Faso en 2022, le Niger au milieu de l’été 2023, c’est au tour du Gabon de s’offrir un putsch visant à mettre fin à un système autocratique – soutenu par la France – qui dure depuis plus de 50 ans dans le pays.

Ce sont pas moins de six pays qui ont vu leur gouvernement – ou, souvent, leur dictateur – renversé. C’est trois de plus que le printemps arabe, en à peine moins de temps.

Quel sera le prochain domino à tomber ? Que va-t-il rester de l’influence française en Afrique de l’Ouest ?

Et combien cela va-t-il coûter aux entreprises françaises, sachant que leurs rivales chinoises guettent la moindre opportunité de les remplacer, et ce ne sont pas les moins habiles pour s’attirer les bonnes grâces des nouveaux dirigeants qui revendiquent la « libération de leur pays du joug colonial » ?

Le coup d’Etat militaire au Gabon n’a pas encore donné lieu à un discours viscéralement anti-français, comme au Burkina et au Niger, et une partie de la famille du désormais ex-président Bongo – destitué suite à une élection qui aurait été trop manifestement truquée – s’est ralliée aux militaires qui ont pris le pouvoir mardi.

Les intérêts des entreprises françaises ne semblent pas directement menacés, mais il semble prématuré d’affirmer que tout va continuer « comme avant », avec le plein soutien des autorités de Libreville.

Pas de panique à la Bourse

Quand la France aura fini d’être rejetée de tous ses anciens protectorats africains, elle n’aura plus qu’à se tourner vers son allié américain, qui lui fournira les mêmes matières premières (uranium et or au Niger, manganèse, cuivre, phosphates…) dont elle a besoin, à prix d’or, comme à toute l’Europe d’ailleurs.

La subordination de l’Europe par les Etats-Unis (et ses alliés, Canada et Australie, comme fournisseurs de minerais divers) est en phase de finalisation.

L’ordre ancien se disloque sous nos yeux. Les BRICS sont passés de 5 à 11 il y a une semaine. Alors, quel impact tant de bouleversements ont-ils sur le CAC 40 ou sur Wall Street ?

Tout simplement aucun. Même si Maurel et Prom – qui exploite du pétrole au Gabon – ou Eramet, qui exploite la première mine de manganèse au monde (minerai qui constitue l’essentiel de ses revenus) et fait travailler 8 000 salariés gabonais, ont perdu 20%… avant de regagner 15% par rapports à leurs « plus bas ».

Le VIX (baromètre du stress) a même chuté de 4%, sous les 14.

Et le Nasdaq aligne tranquillement une série de quatre hausses journalières consécutives pour un gain cumulé de 4%, indifférent même à la révision à la baisse du taux de croissance du PIB américain au deuxième trimestre de 2,4% à 2,1%.

Avons-nous déjà observé des marchés financiers aussi indifférents – et aussi inertes – face à la dislocation du pouvoir d’achat d’une majorité d’occidentaux, et à la dislocation de leur influence géopolitique au profit des BRICS ?

Le mois d’août s’achève à la Bourse de Paris exactement au même niveau que le 6 mars, le 16 juin ou le 14 juillet dernier. C’est comme s’il ne s’était rien passé ces six derniers mois.

Nous voyons pourtant réunis tous les ingrédients d’un tsunami boursier… mais le film semble bloqué sur une image de grand soleil printanier !

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