La Chronique Agora

FESF : le pari de l'inévitable monétisation

▪ La rumeur de la création d’une nouvelle banque européenne, émanation du FESF (fonds économique de stabilité financière), chargée de racheter les obligations des Etats européens en difficulté s’est confirmée : les choses vont-elles vraiment changer ? Auscultons le problème.

Cette nouvelle banque permettrait enfin à l’Europe de se lancer à son tour dans la seule solution crédible à court terme : la monétisation. C’est-à-dire faire tourner la planche à billets aussi longtemps que nécessaire pour éviter la thrombose et l’arrêt cardiaque du système vers lequel nous courrons tout droit si rien n’est fait.

Je ne suis pas fondamentalement partisan de l’utilisation de la planche à billets. Néanmoins cette solution est inévitable car elle est la seule disponible. Pour toutes les autres il est désormais trop tard. Il fallait y penser et le faire avant.

▪ Plans de rigueur, plans de relance : rien ne fonctionne
Les plans de rigueur ? Baisse de l’activité économique, baisse de la consommation des ménages (dans des économies qui dépendent trop de la consommation), baisse des rentrées fiscales, et in fine aggravation des déficits qu’ils sont censés combattre. Bref les plans de rigueur, c’est à l’arrivée une insolvabilité au final.

Les plans de relance ? Ils ne fonctionnent que le temps de leur durée. Si on stoppe les injections de monnaie et de pouvoir d’achat via des primes à la casse, des aides sociales, des grands travaux, l’aide à la recherche, l’aide à la pierre (peu importe), on arrête net la reprise. Je ne parle pas de croissance mais de reprise parce que lorsque l’on dépense quatre dollars en nouvelles dettes pour créer un dollar de nouvelle richesse on ne se situe pas fondamentalement dans l’idée de la croissance.

Bon quelle autre solution alors ? La « rilance » ? Cet hybride génétiquement modifié de relance et de croissance, inventé par notre ancienne ministre de l’Economie, Christine Lagarde, a beaucoup fait gloser — voire franchement rigoler. Imaginez une voiture qui réussirait à avancer tout en reculant n’est pas une solution d’avenir. Exit la « rilance » donc.

▪ Que nous reste-t-il alors ? Le défaut…
C’est-à-dire la faillite. Une petite faillite (défaut partiel) ; une grande faillite (défaut partiel plus grand avec participation du privé) ; une énorme faillite (c’est-à-dire totale avec le risque systémique qui se matérialiserait aussitôt) ? Là aussi, les autorités politiques et économiques tentent à tout prix d’éviter ce scénario. Il serait susceptible d’entraîner l’explosion de l’euro et une crise économique destructrice pour l’Europe.

▪ … ou la planche (à billets)
Alors que pouvons-nous faire ? Eh bien monétiser pardi ! Comme tout le monde. Oui mais les Allemands ne veulent pas. Certes. Mais ils n’auront pas le choix. Leur économie dépend à 80% des échanges intra-communautaires. Une crise européenne est une crise pour l’Allemagne. Une crise de l’euro est une crise de la monnaie allemande. C’est l’héritage géostratégique essentiel de Mitterrand qui a su arrimer l’Allemagne à la France avec le traité de Maastricht. Cet accord arraché aux Allemands contre la réunification des années 90 leur a ôté l’essentiel de leur souveraineté. Comme nous d’ailleurs. Sauf que nous avions plus à y gagner qu’eux. Nous voyons aujourd’hui l’utilité et les bienfaits d’une telle stratégie française. Les Allemands eux ne décolèrent pas. Dépendants, ils seront obligés de boire le calice de la monétisation jusqu’à la lie et jusqu’à ce qu’hyperinflation s’ensuive.

Avec une telle création monétaire, fini les problèmes des banques ! Les cours peuvent s’apprécier et les marchés repartir de l’avant. Pareil pour l’once d’or, qui va s’envoler vers de nouveaux niveaux stratosphériques après une purge « technique » finalement nécessaire (en tout cas graphiquement pour nos amis chartistes).

▪ Le pari des autorités : monétiser les dettes
Reste le pari partagé par les autorités monétaires européennes et américaines. Par la Fed et par la BCE. Il existe une possibilité pour que l’utilisation massive de la planche à billets n’entraîne pas une hyperinflation incontrôlable. Laquelle ? Monétiser les dettes existantes ce n’est pas injecter de la monnaie dans l’économie réelle. C’est racheter un stock de dette existant qui a déjà été « consommé » par l’économie réelle. Les dépenses sont déjà effectuées. Par définition une telle action n’est pas forcément inflationniste et n’est pas de nature à augmenter la vitesse de circulation de la monnaie (qui est l’une des principales composantes de l’inflation).

A cela il convient d’ajouter que la mise en place concomitante de plans de rigueur progressifs a un aspect clairement déflationniste — que l’on a détaillé un peu plus haut. On peut aussi additionner la mondialisation et les progrès technologiques qui renforcent les tendances déflationnistes.

Résumons-nous, cher lecteur :
1. beaucoup d’inflation par la monétisation ;
2. moins de la déflation par les plans de rigueur ;
3. moins de la déflation par les progrès technologiques ;
4. moins de la déflation par la mondialisation ;
5. moins pas ou peu de hausse de salaire ;
6. moins un niveau de chômage élevé ;
7. est égal à une inflation relativement maitrisée.

Voilà le pari des autorités. Réussir de la monétisation à outrance sans hyperinflation. Cela ne s’est jamais vu dans l’histoire. Mais les conditions macro-économiques qui prévalent actuellement (mondialisation, progrès techniques, etc.) sont inédites également.

▪ Ce pari peut-il marcher ?
Cela peut-il fonctionner ? Oui. Cela peut marcher.

Cela va-t-il régler les problèmes ? NON.

Pourquoi ? Parce que le défi que doit relever l’économie mondiale n’est pas uniquement un défi sur le paiement de la dette actuelle. Il faudra payer les dettes futures (les retraites, les protections sociales, etc.), relever le défi environnemental, celui du partage des ressources, le défi alimentaire (nourrir huit milliards d’êtres humains n’est pas une mince affaire).

Cela ne règlera pas les problèmes, mais cela peut donner au monde et au système le temps de s’adapter à une nouvelle réalité et à un nouveau paradigme. Lequel ?

Notre vision économique était basée sur une consommation de masse avec une croissance économique perpétuelle. Or par définition, il ne peut, dans un monde fini, avoir de croissance infinie. C’est à cette réalité que nous sommes confrontés.

Pour nous adapter à un nouveau modèle cohérent, nous avons besoin de temps. Nous avons besoin d’acheter du temps pour laisser à tous le temps de s’adapter. Réussir à acheter du temps c’est maintenir le système en vie. Ce n’est déjà pas une mince réussite.

Vous pouvez retrouver Charles Sannat sur le site http://www.loretlargent.info/

Première parution dans le Billet du Trader du 04/10/2011.

 

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