La Chronique Agora

Que ferait Milei à la Maison-Blanche ?

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L’Argentine a choisi la tronçonneuse. Les Etats-Unis, eux, préfèrent la fuite en avant. Tandis que Javier Milei tranche dans l’appareil d’Etat, Washington continue d’empiler dettes et déficits.

« Nous ne sommes pas des faiseurs d’histoire. Nous sommes faits par l’histoire. » – Martin Luther King Jr.

« On ne peut plus continuer comme ça. »

C’est le constat amer d’un éleveur local. Comme beaucoup d’Argentins, il réclamait du changement et a voté pour Javier Milei – un fou authentique armé, littéralement, d’une tronçonneuse.

La méthode de Milei pour rompre avec les déficits chroniques et l’hyperinflation repose sur un principe simple : une cure d’austérité radicale. Il s’agit de réduire les dépenses publiques, rétablir l’équilibre budgétaire, tailler dans les effectifs de la fonction publique, couper les aides et subventions et libérer les forces du marché.

C’est peut-être la seule chose qui fonctionne. John Dienner explique :

« Milei a rapidement démantelé plusieurs ministères, licencié des dizaines de milliers de fonctionnaires, dégagé le premier excédent budgétaire en plusieurs décennies et réduit l’inflation de plus de 80 % – tout cela en moins d’un an de mandat.

Bien entendu, la bureaucratie gouvernementale en place et ses nombreux bénéficiaires se sont opposés à chacune de ses actions… Malgré leur résistance, il a prouvé qu’il était possible de réformer un gouvernement profondément corrompu et inefficace. »

Mais la tâche n’est pas simple. Ni terminée.

« Buenos Aires est aussi chère que New York, poursuit notre informateur. Sauf que nos salaires, eux, sont bien plus bas. Je ne sais pas combien de temps les gens vont pouvoir tenir. »

Les prix peuvent s’aligner rapidement sur les standards internationaux. Mais les revenus, eux, mettent plus de temps à suivre. Il faut d’abord accumuler du capital, l’investir dans de nouveaux projets, créer des entreprises, embaucher… Ce n’est qu’ensuite que la croissance se diffuse : le PIB grimpe, les ventes s’accélèrent, les salaires augmentent.

A terme, le projet de Milei pourrait déboucher sur une économie plus dynamique et plus prospère, mais la transition sera longue. En attendant, les partisans du « tout, tout de suite » – militants, politiciens, syndicats – reprennent du terrain. Ils s’organisent, contestent, minent les fondations du changement. Ils font appel aux foules en promettant un soulagement immédiat.

Il est donc fort probable que de grandes manifestations éclatent prochainement à Buenos Aires. Le soutien massif dont bénéficie aujourd’hui Milei – son parti vient de remporter haut la main les élections de mi-mandat – pourrait vite s’éroder. Et la libéralisation de l’économie argentine pourrait bien ne jamais atteindre l’âge adulte.

L’Histoire donne aux peuples ce dont ils ont besoin. L’Argentine, au bord de l’effondrement et menacée d’un scénario à la vénézuélienne, avait besoin d’un réformateur authentique, prêt à trancher dans le vif. Les Etats-Unis, toujours au sommet mais déjà engagés sur la pente d’un long déclin, avaient besoin d’un homme capable de maintenir le cap.

Ne vous attendez donc pas à voir des foules défiler sur Pennsylvania Avenue pour protester contre la fin des aides et des privilèges. Parce que ces privilèges continuent d’affluer.

Depuis l’arrivée au pouvoir du soi-disant grand perturbateur, de combien les dépenses fédérales ont-elles été réduites ? Pas d’un seul centime.

Et aujourd’hui, son « grand et magnifique » projet de loi budgétaire réduit à peine quelques lignes de crédits nationaux, augmente les dépenses dites de « sécurité » et laisse le pays poursuivre sa trajectoire : toujours plus de déficits, et une bombe à retardement de dettes prête à exploser !

CBS News rapporte :

« Le projet de loi sur les impôts et les dépenses soutenu par les républicains, qui est en cours d’examen à la Chambre des représentants, est soumis à un test de réalité par Wall Street. En effet, selon les économistes et les experts politiques, les allègements fiscaux proposés devraient largement dépasser les économies réalisées dans le cadre du projet de loi, ce qui pourrait entraîner une augmentation de la dette américaine et une détérioration des perspectives budgétaires. Au cours de la prochaine décennie, le projet de loi du GOP pourrait coûter 3 800 milliards de dollars aux Etats-Unis, selon un rapport publié au début du mois par le Joint Committee on Taxation (comité mixte sur la fiscalité), qui a examiné l’impact des mesures fiscales par rapport aux réductions de dépenses. »

Le nouveau projet de loi pourrait « ajouter 4 000 milliards de dollars au déficit primaire fédéral », a déclaré Moody’s, la dernière grande agence de notation à avoir abaissé la note de la dette américaine.

Cela signifie que ces montants s’ajoutent aux 22 000 milliards de dollars de déficits déjà chargés dans le train, soit plus de 2 000 milliards de dollars par an qu’il est prévu d’ajouter à la dette fédérale au cours des dix prochaines années.

La dette fédérale américaine s’élève désormais à 37 000 milliards de dollars. Si le budget actuellement en discussion est adopté, ce ne seront pas 3 800 milliards de plus… ni un total de 40 800 milliards. Non : ce sera plutôt vers 60 000 milliards de dollars, voire 70 000 milliards.

Thomas Massie, l’un des rares membres du Congrès à conjuguer honnêteté et lucidité, résume la situation :

« Il y a un autre problème majeur : ce budget va renchérir le coût de nos 36 000 milliards de dette existante, car les acheteurs d’obligations vont comprendre que nous ne sommes pas responsables sur le plan fiscal.

Nous frôlons déjà les 1 500 milliards de dollars de paiements d’intérêts annuels, soit plus de 4 000 dollars par citoyen américain, chaque année.

La partie du ‘Big Beautiful Bill’ qui prolonge les baisses d’impôts du TCJA (l’héritage fiscal de Trump) offrira en moyenne 1 600 dollars de gains par foyer. Mais les autres dispositions – maintenues ou modifiées – entraîneront pour une famille de quatre personnes 16 000 dollars de paiements d’intérêts… au nom de l’Etat fédéral. »

Autrement dit, la marche vers la faillite continue. Le grand perturbateur n’a rien fait pour l’interrompre… et rien pour empêcher ses conséquences, évidentes et inévitables – l’inflation, le chaos et la crise.

D’un point de vue historique, nous pensons que les Etats-Unis ne sont qu’au début d’un long déclin, amorcé vers l’an 2000. Il faudra probablement des années de souffrance avant de toucher le fond.

Trump ? Il ne fait qu’accélérer l’inévitable.

Et aujourd’hui, on s’arrête un instant, on pousse un soupir, et on rêve à ce que serait un véritable perturbateur à la Maison-Blanche. Quelqu’un comme Javier Milei. Non, il n’est pas nécessaire d’adopter ses excentricités – le tantrisme ou les conseils canins posthumes – mais il serait temps de se concentrer sur l’essentiel.

Imaginez-le, le jour de l’investiture :

« Ecoutez, c’est un pays magnifique. Vraiment magnifique. Les gens sont formidables. On les aime. Et on va faire pour eux des choses merveilleuses. Des choses incroyables. Des choses que personne n’a jamais faites.

Mais quand on a touché le fond, la première chose à faire… c’est d’arrêter de creuser.

Aujourd’hui, on repose les pelles.

Je viens de signer un décret. Je ne sais pas s’il est légal, ni s’il est constitutionnel. Mais il dit ceci : je ne signerai aucune loi qui augmente les dépenses, tant que le budget ne sera pas équilibré.

Quant à l’expulsion des violeurs, des meurtriers… et de ceux qui mangent nos animaux de compagnie… on verra plus tard. »

Si seulement.

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