La Chronique Agora

La Fed est restée suffisamment floue dans son discours de Jackson Hole pour contenter les marchés

▪ La dernière semaine du mois d’août a été marquée en Europe par une succession de trois séances de consolidation — le repli cumulé dans l’intervalle a été intégralement effacé par la seule séance de vendredi — et de trois séances de stagnation à Wall Street.

Le CAC 40 semblait bien parti pour effacer ses pertes de mardi, mercredi et jeudi. Mais il a malencontreusement reperdu une quinzaine de points au cours des cinq dernières minutes de la séance, de telle sorte que le bilan hebdomadaire ressortait négatif de 0,6%.

L’indice paneuropéen n’a rien lâché dans la dernière ligne droite, dopé par la Bourse de Madrid (3,1%) et Milan (2,15%). L’Euro-Stoxx 50 affichait une hausse de 1,55% vendredi soir.

Les opérateurs — les oreilles tendues vers Jackson Hole — n’ont tenu aucun compte de la contre-performance des places asiatiques quelques heures plus tôt : -0,4% à Hong Kong, -1,6% à Tokyo et -0,25% à Shanghai.

Un petit repli des actions chinoises qui n’a l’air de rien… mais elles inscrivaient vendredi un nouveau plancher annuel et retrouvaient des niveaux plus observés depuis début mars 2009.

▪ Les mauvais chiffres font grimper les indices
Une réalité très vite occultée vendredi matin par une déclaration de M. Coeuré (membre français du directoire de la BCE) invité sur le campus HEC à l’occasion de l’université d’été du Medef.

Il n’a en fait rien dit que l’on ne sache déjà : « la situation de crise en Europe est très sérieuse (…) un rachat de dette souveraine ne se fera qu’à des conditions strictes ».

Peu importe ces précautions oratoires. La BCE communique avec les marchés, donc les marchés en déduisent que la BCE souhaite les voir monter, et c’est ce qui s’est produit… D’autant plus facilement que la plupart des opérateurs qui suivent les fondamentaux ont jeté l’éponge — chaque mauvais chiffre constituant un nouveau prétexte pour faire grimper les indices.

Il n’y avait aucun vendeur en vue à Wall Street à la veille d’un week-end de trois jours — c’est la fête du travail ce lundi aux Etats-Unis. Les marchés américains ont achevé le mois d’août pratiquement au zénith, assurés par les propos de Ben Bernanke qui s’est conformé à son habitude de ne jamais décevoir les marchés.

Les indices boursiers US ont fini le mois d’août sur une belle progression. Le S&P (0,5% vendredi) engrange globalement 2,3%, le Nasdaq (0,6%) s’est envolé de 5%… une nouvelle fois grâce au titre Apple qui a fini à 666 $ (soit +10% sur le mois), capitalisant sur ses victoires juridiques face à Samsung.

▪ La Fed est restée suffisamment floue pour contenter les marchés
En ce qui concerne les échos de Jackson Hole, pas de surprises. La Fed n’a évoqué aucun engagement précis mais a réitéré sa détermination à agir en cas de besoin… une notion suffisamment floue pour que chacun voie midi à sa porte.

Le recours aux mesure non conventionnelles — notamment le recours à la planche à billets — ne fait pas l’unanimité au sein des membres de la Fed. En effet, certains soulignent que les conséquences inflationnistes des précédentes injections de liquidité ont occulté les bienfaits attendus en termes d’activité et de croissance.

Les cambistes ont réagi comme si la ligne Bernanke avait de plus fortes chances de s’imposer au cours des prochains mois. Le dollar a subi une nette correction vendredi, testant un plancher de 1,2638/euro, niveau qui correspond au sommet du canal baissier long terme sur la monnaie unique.

Un débordement des 1,2650 $ signifierait que l’euro en a terminé avec la correction qu’il a entamée sous les 1,60 en juillet 2008.

Cela amènerait à se demander si la BCE va procéder à des rachats de dette souveraine aussi massifs que ce qu’espèrent les marchés ou des membres de l’OCDE comme Angel Gurria — qui s’exprimait en ce sens dimanche.

En attendant, les anticipations d’assouplissement monétaires continuent de faire reculer les taux longs américains (ils se sont fortement détendus de 1,62% vers 1,56%) puisque la Fed confirme sa volonté de les maintenir « très bas, très longtemps ». Les marchés obligataires ont terminé symétriquement la semaine au plus haut.

▪ Qui sera le dindon de la farce ?
Quand bien même la Fed continuerait d’acheter de la dette américaine à tour de bras — disons 200 à 250 milliards de dollars de prêts étudiants en 2013 — le montant des intérêts à verser aux créanciers augmente inexorablement d’année en année.

Que survienne une tension passagère (et il n’est pas question d’évoquer un scénario à l’espagnole) comme celle observée en France fin mars (taux longs à 3,75%), les Etats-Unis seraient bien incapables d’honorer leurs engagements.

Et quel créancier figurerait au premier rang des dindons de ce genre de farce ?

La Chine, suivie de peu par le Japon.

Le premier de ces deux pays présente tous les symptômes précurseurs d’une crise telle que le second ne s’en est jamais remis depuis les années 90. Le pays du Soleil Levant doit faire face aujourd’hui à un taux d’endettement équivalent à celui de l’Italie et des Etats-Unis réunis.

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