La Chronique Agora

Entre Charybde et Scylla, la Fed n’a pas d’autre choix que maintenir le crédit

▪ Revenons-en à nos récentes méditations — et notamment au fait que la classe moyenne ne peut plus se permettre un style de vie de classe moyenne .

Nous sommes également confrontés à une vérité encombrante : les Etats-Unis (et une bonne partie des pays occidentaux) sont plus une oligarchie qu’une démocratie. Dans une étude universitaire, il a été démontré que le gouvernement écrase souvent la volonté de la majorité démocratique afin de répondre aux exigences des groupements d’intérêts et de leurs fricotages.

Nous avons également un nouveau mot — « poligarques » — pour désigner les masses qui permettent à ce système d’exister.

Richard Duncan est venu nous rendre visite hier. C’est l’économiste qui a développé une théorie sur la manière dont l’excès de liquidités affecte les marchés d’actifs :

« Milton Friedman a déclaré que c’était l’offre de devise qui comptait. Il basait son point de vue sur son analyse de la Grande dépression. Il avait raison. Mais il y a 40 ans, l’argent réel a été remplacé par de la devise basée sur le crédit. A présent, ce n’est plus la masse monétaire qui compte — c’est l’offre de crédit ».

Et là, nous simplifions la conclusion de Duncan :

Tant que le crédit augmente à un rythme vigoureux, les marchés et le PIB grimpent. Quand il ne grimpe pas, attendez-vous à la récession et aux marchés baissiers.

Supprimez le crédit et toute l’économie sombre dans la morosité.

▪ Pour l’instant, tout va bien
L’expansion du crédit à commencé quand Eisenhower jouait encore au golf. Elle se poursuit aujourd’hui, à un niveau plus de 50 fois supérieur à ce qu’elle était à l’époque. Et désormais, la finance et l’industrie — sans parler des prix des actifs — y sont totalement accro. Supprimez le crédit et toute l’économie sombre dans la morosité. Duncan :

« La Fed sait que le crédit doit se développer, sans quoi nous avons une dépression. Or aujourd’hui, les niveaux de dette sont si élevés qu’une dépression serait catastrophique. Le désastre serait mondial, il ne se limiterait pas aux Etats-Unis. Et des gens mourraient. Parce qu’une dépression aux Etats-Unis signifierait que des dizaines de millions… voire des centaines de millions… de personnes en Chine et en Asie du sud-est perdraient leur emploi. Des entreprises feraient faillite. Des gouvernements feraient faillite. Les gens vivant à la marge — c’est-à-dire sans épargne — seraient vite désespérés. Je ne pense pas que notre civilisation survivrait.

Voilà pourquoi la Fed ne permettra pas une véritable contraction du crédit ».

Pour l’instant, le soleil brille et le crédit se développe encore. Les prix des actifs grimpent. Mais c’est sur le point de changer.

« Au troisième trimestre, l’excès de liquidité va plonger. Nous devrions voir bien plus de volatilité dans les prix des actifs. Je pense qu’avant la fin de l’année, nous verrons une chute très inquiétante du marché boursier. La Fed fera une pause… interrompant son programme de tapering. Ensuite, selon la manière dont les marchés réagissent, elle laissera probablement entendre qu’elle mettra en place un nouveau programme de QE pour 2015. Cela devrait faire remonter les marchés ».

▪ Les deux mandats de l’Etat
M. Duncan envisage la situation à peu près de la même manière que nous — jusqu’à un certain point. Il voit la dépendance à une dette en expansion constante. Il voit la catastrophe qui arrivera quand cette expansion prendra fin. Il s’attend, tout comme nous, à ce que la Fed réagisse avec plus de QE. Jusque là tout va bien. Mais il n’a pas notre profond cynisme et notre insensibilité. Il voit le tunnel, mais il pense apercevoir un petit scintillement au bout.

« Les gouvernements peuvent encore emprunter… et développer le crédit. D’une manière ou d’une autre, ils vont tenter de maintenir l’expansion du crédit. Ainsi, au lieu de jeter l’argent, autant investir dans des choses qui pourraient développer la future production — de nouvelles technologies, de nouvelles infrastructures et nouveaux secteurs ».

Le souci premier du gouvernement n’est pas de protéger ses citoyens ou leur économie.

Ahh… mais ça, c’est sans compter avec les oligarques, poligarques et la nature du gouvernement lui-même. Le souci premier du gouvernement n’est pas de protéger ses citoyens ou leur économie. Au lieu de ça, il a pour objectif de transférer plus de pouvoir, de statut et de richesse à l’élite qui le contrôle (les oligarques). Pour ce faire, il doit maintenir les masses sous sédatifs. Charles Hugh Smith explique :

« L’Etat a deux mandats clé : mettre en place des quasi-monopoles et des cartels pour les capitaux privés, et satisfaire assez de demandes de la part des citoyens pour maintenir la stabilité sociale ».

Si l’Etat échoue à maintenir des cartels monopolistiques, les marges plongent et le capital ne peut plus maintenir ses dépenses d’investissement et de main-d’oeuvre. En deux mots, l’économie coule alors que les profits, l’investissement et la croissance stagnent.

Si l’Etat échoue à répondre aux demandes de ses citoyens, il risque l’instabilité sociale.

Les autorités seront les emprunteurs de dernier recours. Mais l’argent ne sera pas investi dans un avenir plus brillant. Il sera pillé et gaspillé.

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