La Chronique Agora

La Fed a les bons outils… pour ruiner l’économie

La Fed et les autorités multiplient mesures exceptionnelles et déclarations fracassantes pour « sauver » l’économie. Le problème ? Elles font en réalité tout le contraire…

Mi-mars, la Fed a assuré qu’elle été « prête à utiliser l’éventail complet des outils à sa disposition pour soutenir la distribution de crédits aux ménages et aux entreprises, et ainsi promouvoir le plein emploi et la stabilité des prix ».

Elle a joint les actes à la parole en annonçant tout un ensemble de nouvelles mesures. Elle a réduit son principal taux directeur d’un point, à 0%, et a relancé son programme d’assouplissement quantitatif, promettant d’acheter pour 700 Mds$ de bons du Trésor et de titres adossés à des prêts hypothécaires au cours des prochains mois. Cela vient s’ajouter aux opérations d’injections temporaires de liquidités sur le marché monétaire au jour le jour, dont le lancement a été annoncé le 12 mars.

Multiplication des mesures…

Parallèlement, la Fed a participé à une annonce coordonnée avec plusieurs autres banques centrales, notamment la banque centrale d’Angleterre, la banque du Japon et la Banque centrale européenne, concernant une réduction à 0,25% du taux d’intérêt sur les contrats de SWAP en dollars et la mise en place d’une ligne de swaps avec une maturité à 84 jours, en plus de la ligne actuelle à maturité sept jours.

Au cours d’une autre annonce, la Fed a réduit son taux d’escompte de 1,5 points, à 0,25%, ainsi que son taux de réserve obligatoire pour l’ensemble des banques et institutions de dépôts à 0%.

Enfin, lundi 23 mars, elle a décidé d’effectuer des rachats sans limites de titres hypothécaires et de bons du Trésor US, ainsi que de nouvelles mesures d’apports de liquidités.

A la suite de ces annonces, certains commentateurs se sont demandés si la Fed avait épuisé l’ensemble des « outils » de politique monétaire à sa disposition pour faire face à la récession à venir et assurer le redressement de l’économie.

Donald Kohn, ancien vice-président au conseil des gouverneurs de la Fed, a exprimé un point de vue ambivalent, écrivant :

« Ils ne sont pas à court d’outils de politique monétaire, mais ils ont déjà utilisé le plus important à leur disposition, celui des taux d’intérêt, celui qui a prouvé au fil des années qu’il était le plus efficace. »

Michael O’Rourke, responsable des stratégies de marché chez JonesTrading, a exprimé un point de vue beaucoup moins nuancé au sujet de la situation difficile dans laquelle se trouve la Fed, déclarant :

« Ils se sont plantés. La Fed a paniqué et maintenant le marché est terrifié. Le S&P 500 atteignait des plus hauts historiques il y a moins d’un mois, et la Fed a déjà déployé l’ensemble des outils de politique monétaire conventionnels et non conventionnels à sa disposition. »

… Et multiplication des déclarations

Pendant ce temps-là, les responsables politiques se sont empressés d’assurer au public ainsi qu’aux marchés que la Fed disposait déjà ou obtiendrait les outils nécessaires pour empêcher l’économie de chavirer malgré la panique.

Le secrétaire au Trésor US, Steven Mnuchin, a indiqué qu’il demanderait des outils supplémentaires qui avaient été retirés à la Fed par la loi Dodd-Frank :

« Certains outils lui ont été retirés, je vais retourner devant le Congrès et demander qu’ils lui soient rendus. »

Le président de la Fed, Jerome Powell, a quant à lui assuré aux journalistes que la Fed possède toujours les outils nécessaires pour aider l’économie à traverser la crise du Covid-19 et accompagner son redressement.

Mais quels sont ces « outils » qui préoccupent tellement les responsables politiques, les professionnels de la finance et les commentateurs ?

Le redémarrage du programme d’assouplissement quantitatif, l’objectif de baisse des taux d’intérêt à 0%, la mise en place d’une ligne de swaps en dollars avec une maturité à 84 jours, les injections exceptionnelles de liquidités sur le marché monétaire au jour le jour par la Fed de New York, la réduction à zéro du taux de réserve obligatoire et ainsi de suite…

… Tout cela n’est rien d’autre que des techniques retorses et obscures pour créer plusieurs milliers de Mds$ à partir de rien et les déverser dans l’économie mondiale.

Un seul outil de manipulation

Depuis qu’elle a été instaurée, la Fed n’a jamais eu, au final, qu’un seul outil pour manipuler l’économie : la création monétaire. Cet outil ne s’émoussera ou ne se brisera jamais, il peut être utilisé encore et encore, quelles que soit les circonstances, excepté en cas d’hyperinflation.

La véritable question est de savoir si cet outil fonctionnera pour atténuer la contraction économique qui suivra inévitablement le choc sur l’offre que constitue l’épidémie de Covid-19 et le dégonflement de la bulle sur le marché boursier (qui sera potentiellement suivi d’une déflation sur d’autres classes d’actifs).

Le bon sens et les principes élémentaires de la théorie économique nous enseignent que créer des dollars à partir de rien sur un ordinateur n’atténuera en rien l’aggravation de la pénurie de biens et services réels causée par la fermeture des usines et des établissements commerciaux, ainsi que par la réduction de la productivité des salariés contraints à travailler depuis chez eux.

De surcroît, comme l’illustre l’histoire récente, la théorie autrichienne des cycles n’incite pas à faire preuve d’optimisme en ce qui concerne l’idée selon laquelle le déversement imminent de dollars entraînera une reprise rapide et robuste de la croissance économique après la récession qui s’annonce.

En fait, entre 2010 et 2019, la masse monétaire (M2) a augmenté de 80% aux Etats-Unis, passant de 8 475 Mds$ à 15 243 Mds$, et l’économie américaine n’a pourtant connu qu’un redressement péniblement long après la récession provoquée par la crise financière, suivi d’un « boom » caractérisé par une croissance du PIB historiquement faible, malgré la formation d’une bulle sur les marchés financiers.

La croissance trimestrielle du PIB a fluctué entre 1% et 3% au cours de cette période, à l’exception de quatre trimestres au cours desquels elle a légèrement dépassé le seuil de 3%.

On ne pouvait pas plus mal tomber

Plus important encore, la politique monétaire expansionniste qui a été annoncée ne pourrait pas tomber à un plus mauvais moment.

Il est en effet impératif, lors d’une contraction causée par une guerre, une catastrophe naturelle ou une épidémie, que le système des prix reste libre et non faussé afin de révéler le meilleur usage possible des facteurs de production dont les quantités ont été significativement réduites.

Seule cette politique permettrait de trouver la voie optimale dans le contexte d’une économie temporairement affaiblie et de s’assurer que les besoins les plus urgents des consommateurs soient satisfaits durant cette période de plus grande rareté des ressources.

Malheureusement, les intentions déclarées de la nouvelle politique de la Fed sont précisément de stabiliser l’économie, c’est-à-dire de soutenir et maintenir en place les entreprises, industries et activités productives telles qu’elles existaient déjà avant la crise. Or c’est clairement impossible, étant donné la raréfaction de la quantité de facteurs de production disponibles.

Ce n’est pas en inondant l’économie de monnaie que la Fed réussira miraculeusement à augmenter cette quantité ; cela aura plutôt pour effet de fausser la structure des prix et d’encourager une mauvaise allocation des ressources, de mauvais investissements et de gaspiller des facteurs de production, ce qui ne fera qu’aggraver et prolonger la récession.


Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile