La Chronique Agora

La Fed, accro à l’inflation ?

Les prix à la consommation continuent d’augmenter à un rythme environ deux fois supérieur à l’objectif de la Fed.

« Le principe consistant à dépenser de l’argent devant être remboursé par la postérité, au nom du financement, n’est rien d’autre qu’une escroquerie à grande échelle des générations futures. » – Thomas Jefferson.

Nous nous sommes quittés hier sur l’idée audacieuse que la Fed ne souhaite pas vraiment étouffer l’inflation. Elle veut plus d’inflation… suffisamment pour réduire la valeur réelle de la dette américaine.

Aujourd’hui, nous allons examiner l’escroquerie qui se cache derrière cette idée.

Avec une inflation de 5%, toutes choses restant égales par ailleurs, les Etats-Unis réduiraient la valeur réelle de leur dette publique de 1 700 milliards de dollars en une seule année.

Le problème, c’est que toutes les autres choses ne sont pas égales. Au niveau actuel des déficits, les Etats-Unis ajoutent 1 700 milliards de dollars de dette par an.

La situation est délicate. Les autorités fédérales doivent soit augmenter l’inflation, soit réduire les dépenses. Notre prédiction de longue date est la suivante : ils choisiront l’inflation.

En apparence, la Fed est à quatre pattes, fermement opposée à l’inflation. Elle jurera sur la Bible qu’elle a l’intention de ramener l’IPC à 2% et qu’elle ne regardera ni à droite ni à gauche jusqu’à ce que le travail soit fait.

La suite de l’histoire

Mais il y a toujours une face cachée de l’Histoire.

Qui gagne ? Qui perd ? Qui décide ?

Il y a l’analyse superficielle, politique… et il y a les courants plus profonds de l’Histoire, ou autrement dit l’analyse mégapolitique. En public, la Fed combat l’inflation ; en privé, elle l’encourage.

Les médias rapportent qu’il y a deux choses qui tirent la Fed dans des directions différentes.

Certaines nouvelles récentes concernant l’inflation, par exemple, sont « négatives ». En d’autres termes, elles nous indiquent que l’économie s’affaiblit et qu’elle aurait besoin d’une bonne dose d’argent frais. Le marché de l’emploi s’affaiblit. Les nouveaux emplois créés en avril ont été moins nombreux que prévu. Le total des emplois a augmenté… mais au taux le plus bas depuis trois ans. Le chômage a augmenté. Les offres d’emploi ont diminué.

Une mesure du marché de l’emploi plus fiable est le nombre réel d’heures travaillées ; le dernier relevé de cette mesure était négatif, ce qui indique un affaiblissement de l’économie. Et l’industrie manufacturière (selon l’indice des directeurs d’achat) a donné le signal d’une récession.

Mais, en surface, il y a eu aussi des nouvelles « positives » (inflationnistes).

L’indice Case-Shiller des prix de l’immobilier a atteint un nouveau record historique en février. Les coûts de main-d’oeuvre (y compris les salaires et les avantages sociaux) ont augmenté plus que prévu. Les prix de gros ont atteint leur niveau le plus élevé depuis deux ans. (Signe d’une inflation plus forte à venir ?) Et la baisse de la masse monétaire américaine semble avoir atteint son point le plus bas.

Fausse conclusion

Tous ces éléments suggèrent que l’économie américaine n’a pas besoin d’un crédit moins cher. Au contraire, elle pourrait utiliser des taux d’intérêt plus élevés pour réduire l’inflation. A l’heure actuelle, les prix à la consommation continuent d’augmenter à un rythme environ deux fois supérieur à l’objectif de la Fed.

Les économistes se disputent pour savoir lequel de ces points de données est le plus important… et si la balance des opinions penche en faveur d’une baisse des taux ou d’une hausse des taux.

L’observateur lambda pourrait tirer une conclusion totalement erronée : la Fed a le pouvoir de faire pencher la balance dans la direction qu’elle souhaite. Il pourrait penser que la Fed peut toujours contrôler les taux d’intérêt et qu’avec une sagesse qui dépasse l’entendement, elle peut guider l’économie sur la voie de la prospérité et de la croissance pour toujours, en faisant gonfler l’économie proprement avec de l’argent bon marché lorsque c’est nécessaire, et en coupant le stimulus lorsque la croissance et l’inflation menacent de devenir incontrôlables.

Mais ce n’est pas ainsi que les choses fonctionnent.

Derrière tout ce bla-bla, se cache une histoire bien différente, avec un début et une fin… et une morale.

La genèse a eu lieu en 1971, avec l’introduction d’un nouveau dollar que les décideurs pouvaient manipuler. Au fil du temps, l’argent facile de la Fed – en particulier durant la phase de « taux d’intérêt zéro » 2009-2021 – a incité les gens à emprunter bien plus qu’ils ne l’auraient fait autrement.

Aujourd’hui, la dette totale des Etats-Unis (ménages, entreprises et gouvernement) approche les 100 000 milliards de dollars, soit près de quatre fois le PIB américain.

On voit bien le problème. Plus la dette est élevée, plus vous devez utiliser vos revenus actuels pour payer les intérêts. Avec un taux d’intérêt de 5%, par exemple, les Etats-Unis devront utiliser près de 20% de leur PIB uniquement pour payer les intérêts de la dette, tout en escroquant la génération suivante en laissant le principal impayé.

Le principal emprunteur était, bien entendu, le gouvernement américain lui-même.

Le revers de la médaille de l’emprunt est le remboursement.

Mathématiquement, les Etats-Unis pourraient rembourser leur dette. Mais il faudrait pour cela qu’ils abandonnent leur empire mondial. Il faudrait aussi réduire les programmes nationaux de protection sociale. Politiquement, il est impossible de procéder à ces changements ; tout comme un alcoolique, le pays devra d’abord « toucher le fond ».

L’inflation reste donc la seule véritable option. Les autorités fédérales le savent. Ils doivent faire monter le taux d’inflation, et non le faire baisser, afin que la valeur réelle de la dette publique soit ramenée à un niveau plus gérable. C’est pourquoi, même si l’inflation est deux fois supérieure à l’objectif de la Fed, M. Powell continue d’insister sur le fait que la prochaine étape consistera à abaisser les taux, et non à les augmenter.

Le public ne veut peut-être pas de prix plus élevés. Mais ceux qui comptent – les grandes fortunes, les grandes entreprises et les gouvernements, oui.

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