La Chronique Agora

Faut-il craindre la déflation ?

Street Sign the Direction Way to Inflation versus Deflation

Alors que la pensée économique dominante craint la chute des prix, la théorie montre qu’elle peut refléter une production accrue et une vraie création de richesse.

Selon une grande partie des tenants de la pensée économique dominante, la politique dite de « stabilité des prix » ne signifie pas toujours que la banque centrale doit lutter contre l’inflation. Il incombe également à la banque centrale d’empêcher les épisodes de forte désinflation ou de baisse générale des prix.

Pourquoi ?

D’aucuns affirment qu’une baisse générale des prix – un phénomène que l’on appelle « déflation » – provoquerait une contraction de la consommation et des dépenses des entreprises et, partant, une paralysie de l’activité économique. De plus, un ralentissement de la hausse des prix augmenterait les taux d’intérêt réels, ce qui fragiliserait encore davantage l’économie. Quand les dépenses se contractent, les capacités de production inutilisées augmentent, ce qui pousse les prix à la baisse.

La plupart des économistes estiment qu’il est plus difficile pour la banque centrale de lutter contre la déflation que contre l’inflation. En cas de forte inflation, elle peut, en théorie, la « ralentir » en relevant fortement les taux d’intérêt. Mais en cas de déflation, le taux d’intérêt nominal ne peut descendre au-dessous de zéro. En effet, en dessous de ce seuil, les gens rechignent à prêter. Selon une croyance populaire, le taux d’intérêt réel correspond au taux d’intérêt nominal, diminué du taux d’inflation. Autrement dit, le taux d’intérêt nominal est égal au taux réel majoré du taux d’inflation.

Supposons que le taux d’inflation passe de 1 % à -1 %. Les responsables de la banque centrale estiment alors qu’un taux d’intérêt réel de -0,5 % est nécessaire pour contrer la déflation et éviter une récession. Avec une inflation de -1 %, il faudrait abaisser le taux nominal à -1,5 %. Mais, sous le seuil de 0 %, les gens rechignent à prêter de l’argent.

Une inflation très faible est également problématique. Imaginons qu’elle chute de 2 % à 1 %. Avec un taux nominal de 0 %, la banque centrale peut viser un taux réel de -1 %, mais pas moins. Descendre en dessous impliquerait un taux nominal négatif. Si l’économie continue à ralentir et que l’inflation tombe à 0,5 %, la banque centrale ne peut plus viser qu’un taux réel de -0,5 %.

Ainsi, selon cette logique, une inflation faible ou un épisode de déflation limitent la capacité de la banque centrale à relancer l’économie. C’est pourquoi la politique de « stabilité des prix » vise à maintenir un certain niveau d’inflation, qui offre à la banque centrale une marge de manœuvre pour soutenir la croissance et éviter la déflation. L’idée centrale est que l’inflation serait nécessaire à la prospérité et à la stabilité économique. Le « matelas » inflationniste doit être assez épais pour permettre à la Réserve fédérale de tenir l’économie à distance du risque de déflation. Les économistes dominants considèrent qu’un taux d’inflation d’environ 2 % ne nuit pas à la croissance. Ils estiment que cela est bon pour l’économie, mais qu’un taux plus élevé – par exemple 10 % – serait néfaste.

Pourquoi ? Avec une inflation aussi forte, les consommateurs anticipent une hausse continue des prix et augmentent leurs dépenses pour acheter immédiatement, ce qui, en apparence, stimule la croissance.

L’inflation et la hausse des prix sont deux choses différentes

L’inflation ne consiste pas en une hausse générale des prix, mais en une augmentation de la masse monétaire. En règle générale, une création monétaire artificielle provoque une hausse des prix, mais ce n’est pas toujours le cas. La valeur monétaire d’un bien correspond à la somme d’argent demandée pour une unité de ce bien. Si la quantité de monnaie reste stable alors que la production augmente, les prix baissent. L’inflation est néfaste non pas parce qu’elle fait monter les prix, mais parce qu’elle nuit à la création de richesse.

Voici pourquoi…

La fonction première de la monnaie est de servir de moyen d’échange. Elle permet à chacun d’échanger ce qu’il possède contre ce qu’il désire davantage. Avant tout échange, il faut détenir quelque chose de valeur à échanger contre de la monnaie. Une fois l’argent obtenu, il est possible d’acheter les biens souhaités, sur le moment ou plus tard.

Imaginons à présent qu’on crée de la monnaie « à partir de rien ». Cette nouvelle monnaie ne diffère en rien d’une fausse monnaie. Le faux-monnayeur obtient des biens en échange d’un argent sans valeur réelle. Il échange le néant contre quelque chose. Il s’approprie la production des autres sans rien produire lui-même. Il appauvrit ainsi les épargnants et les créateurs de richesse.

La monnaie créée artificiellement détourne la richesse vers ceux qui la détiennent. Cela affaiblit la capacité des producteurs à créer de la richesse, ce qui finit par ralentir la croissance économique. Quand la masse monétaire augmente artificiellement, on se retrouve avec une plus grande quantité d’argent pour la même quantité de biens ; les prix montent, toutes choses égales par ailleurs. Le problème essentiel est cet « effet faux-monnayeur ». Tout ce qui favorise une création monétaire artificielle aggrave donc la situation. Chercher à compenser un ralentissement de la hausse des prix par une politique monétaire expansionniste (autrement dit, par la création d’inflation) nuit à la création de richesse et, partant, à l’économie.

Toute baisse des prix résultant de l’effondrement d’activités improductives nées de l’expansion monétaire est une bonne nouvelle. Moins il y a d’activités spéculatives ou non productives, plus les véritables créateurs de richesse prospèrent et plus la croissance économique se porte bien. Si les prix baissent parce que la production augmente, c’est une excellente nouvelle. Ainsi, contrairement à la croyance populaire, un ralentissement de la hausse des prix favorise la création de richesse et, par conséquent, l’économie.

Selon Joseph Salerno, l’histoire montre que, sous un régime monétaire fondé sur une marchandise comme l’or, les prix avaient naturellement tendance à baisser. L’accumulation de capital et le progrès technique augmentaient sans cesse la production de biens. Ainsi, tout au long du XIXᵉ siècle et jusqu’à la Première Guerre mondiale, les pays industrialisés ont connu une légère déflation, car la production progressait plus vite que la masse monétaire sous l’étalon-or classique. Par exemple, aux Etats-Unis, entre 1880 et 1896, le niveau des prix de gros a chuté d’environ 30 % (soit 1,75 % par an), tandis que le revenu réel a augmenté d’environ 85 % (soit 5 % par an).

Une politique qui crée de l’inflation pour permettre à la banque centrale d’orienter la croissance conduit à des cycles de booms et de récessions et appauvrit l’économie. Les épisodes de déflation sont toujours une bonne nouvelle, en ce qu’ils marquent la disparition d’activités qui érodent la création de richesse.

Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.

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