La Chronique Agora

Un voyage dans l’Europe malade de la dette

"La seule personne sensée dans un monde insensé […] On aurait dit le passager solitaire d’une petite embarcation qui aurait regardé en silence le Titanic foncer vers l’iceberg".

Michael Lewis décrit ainsi les rares visionnaires qui ont vu venir la crise de 2008 et son dommage collatéral, la crise de la dette en Europe. Boomerang – Europe voyage dans le nouveau tiers-monde est un tour du Vieux Continent après quelques faillites.

Notre voyage commencera par l’Islande. Vous y apprendrez que le gouverneur de la Banque centrale, David Odsson, était un poète et que la plupart des traders y étaient d’anciens pêcheurs à la morue.

"La principale leçon de finance américaine que les Islandais avait retenue : il était important d’acheter autant de biens que possible avec de l’argent emprunté car le prix des biens ne faisait qu’augmenter".

Une poignée d’Islandais empruntaient à court terme des dizaines de milliards à l’étranger, se prêtaient cet argent entre eux et faisaient monter les prix de… tout. Ce que décrit Michael Lewis de l’Islande est un capitalisme de copinage mais pas au sens où nous l’entendons en France, comme du trafic d’influence. Du cousinage plutôt dans une île de pêcheurs où la parole donnée prime sur tout et où les noms de famille ne figurent pas sur les annuaires car ils sont trop courants. On ne met donc que les prénoms. Le premier ministre Haarde aurait dit aux gens d’arrêter la finance et de reprendre la pêche. Un conseil avisé…

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▪ Poursuite du périple par la Grèce

En Grèce ce ne sont pas les banques qui ont coulé le pays. C’est le pays qui a coulé les banques

"Curieusement les financiers en Grèce demeurent plus ou moins irréprochables. Ils n’ont jamais cessé d’être autre chose que des banquiers assoupis à l’ancienne. Ils sont pratiquement les seuls banquiers européens à ne pas avoir acheté d’obligations adossées à des subprime, à ne pas s’être endettés jusqu’au cou, à ne pas s’être versé des salaires mirobolants. Le plus gros problème des banques étaient en fait qu’elles avaient prêté environ 30 milliards d’euros au gouvernement grec — où ils furent volés et gaspillés. En Grèce ce ne sont pas les banques qui ont coulé le pays. C’est le pays qui a coulé les banques".

C’est un pays où les impôts ne rentrent pas mais où les redistributions pleuvent du ciel, où les comptes publics sont maquillés, un pays profondément incivique. L’enquête de Michael Lewis nous entraîne dans le superbe monastère orthodoxe de Vatopaidi, considéré comme l’âme de la corruption.

▪ Retour sur une île avec l’Irlande

"Les bulles immobilières ne s’achèvent jamais par un atterrissage en douceur. Une bulle ne repose sur rien de plus solide que les attentes des gens. A l’instant où ils cessent de croire que le prix des maisons continuera de monter éternellement, ils remarquent que l’immobilier est devenu un investissement à terriblement long terme, alors ils fuient le marché et le marché s’effondre".

La décision de couvrir les pertes des banques fut désastreuse pour tous ceux qui s’étaient tenus à l’écart du marché immobilier mais c’était une infime minorité.

▪ Et pour finir…

Passage en Allemagne en 2011 au moment où se noue le sort de la Grèce. Michael Lewis se retrouve face à un "genre de type commun en Allemagne mais absolument insolite en Grèce ou d’ailleurs aux Etats-Unis : un fonctionnaire profondément intelligent et hautement ambitieux mais qui n’a d’autre ambition que de servir son pays. Il manque à son CV étincelant une ligne que l’on trouve sur le CV des hommes dans sa position partout ailleurs dans le monde — la ligne où il quitte le gouvernement pour aller gagner de l’argent chez Goldman Sachs".

L’Allemagne reste un cas : pas de bulle immobilière, pas de bulle du crédit, peu de prêts à la consommation

Michael Lewis lui demande pourquoi : "mais je ne pourrai jamais faire ça s’est-il indigné. Ce serait déloyal !". L’Allemagne reste un cas : pas de bulle immobilière, pas de bulle du crédit, peu de prêts à la consommation, un consensus populaire pour avoir un budget équilibré. Son talon d’Achille est cependant les produits dérivés, armes de destruction massive manipulée par Deutsche Bank et des banques régionales aux pertes mal digérées car acheteuses de crédits subprime au sommet de la bulle.

La faiblesse de l’Allemagne c’est de croire que tout le monde respectera les règles.

"Les Allemands sont dans l’ensemble des gens crédules. Ils font confiance et ils croient. Ils aiment faire confiance. Ils aiment croire".

Ce portrait de l’Europe n’a pas vraiment vieilli. Il en ressort une image sympathique, disparate, parfois irritante. Michael Lewis fait dans un genre en voie de disparition : le journalisme d’investigation.

Votre voyage se terminera dans les municipalités américaines en faillite. Tout autant que les aspects financiers, les réactions des bipèdes confrontés à la faillite de l’Etat font l’intérêt de ce livre. Une chose en ressort : l’incrédulité face à la catastrophe. Souvenez-vous, le spectateur seul dans sa chaloupe…
[NDLR : La France est peut-être la prochaine, au tableau des catastrophes européennes : assurez-vous que votre canot de sauvetage est en bon état ! Plus d’informations par ici...]

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