La Chronique Agora

Euphorie de Wall Street ou comment occulter le péril du krach systémique généralisé

▪ Savez-vous pourquoi les indices américains s’envolent de 10% en dix jours alors que la Fed a cessé d’injecter 2,5 milliards de dollars par jour dans le grand casino financier ?

Tout simplement parce que personne ne croyait la chose possible !

Pourquoi le Nasdaq déborde-t-il ses sommets de mi-février et retrace-t-il son zénith de fin avril alors que les perspectives de croissance ont été abaissées en Europe et aux Etats-Unis ?

Tout simplement parce que personne ne croyait la chose possible !

Pourquoi voit-on refleurir des explications délirantes concernant la sous-valorisation des actions alors que beaucoup d’entreprises commencent à revoir à la baisse leurs estimations de chiffre d’affaires et de bénéfices pour le second semestre 2012 ?

Tout simplement parce que la naïveté des commentateurs est insondable et le suivisme des gérants hégémonique.

▪ Aucun scénario absurde ne peut être écarté lorsque les robots achètent parce que le marché monte et vendent parce que le marché baisse. Plus le comportement des indices échappe à toute logique, plus les opérateurs s’en remettent aux machines.

Une machine ne trouve jamais un mouvement boursier absurde ; elle peut donc suivre aveuglément une tendance qui s’auto-alimente sans lien identifiable avec le réel.

Et plus la Bourse se détache du réel, plus le gérant chevronné qui se fie à son bon sens se sent dépassé par les événements — il s’agit le plus souvent de manipulation indicielle pure et simple.

C’est exactement le genre de circonstances auxquelles nous sommes confrontés depuis dix jours. La spirale haussière s’emballe, les mini-robots ont de la peine à suivre les gros et Wall Street jubile.

Plus c’est gros, plus c’est excessif et mieux ça marche !

Au bout de seulement trois heures de cotation, le Nasdaq, qui était anticipé en hausse de 0,3% jeudi matin, affichait un gain cinq fois supérieur. Il égalait ainsi son record annuel de clôture du 29 avril dernier (2 873,5 points) et poussait même le curseur aux alentours des 2 875 points vers 19h30.

Le Nasdaq reprend 10,5% en trois semaines depuis le 20 juin. Il s’agit tout simplement de sa plus forte hausse depuis juillet 2009, avec une envolée vertigineuse de 11,5%.

▪ Les chiffres de l’emploi publiés ce jeudi ne sont peut-être pas mauvais… Mais si le cabinet ADP comptabilise 157 000 nouveaux postes, il en faudrait juste le double durant plusieurs trimestres pour commencer à faire reculer le chômage aux Etats-Unis. Et comptez au moins trois ans à ce régime pour retrouver des niveaux d’emploi comparables à l’été 2007.

▪ Le S&P (1%) tutoyait également ses sommets annuels à 1 355 points. Le Dow Jones, quant à lui, repassait le cap des 12 730 points (il faut remonter à mai 2008 pour obtenir un tel score). Les deux indices historiques effacent en dix jours sept semaines de baisse au prix de performances dignes des grandes périodes d’euphorie de la décennie.

Le Nasdaq composite aligne par ailleurs sa huitième séance de hausse consécutive. Cela commence à ressembler à l’une de ces spirales haussières caractéristiques des périodes précédant le recours à la planche à billets pour renflouer les finances américaines.

La Fed prépare-t-elle une nouvelle campagne d’injection de liquidités sous une forme ou une autre (qui ne s’appellerait pas un QE3 mais aurait des effets similaires) ?

Autre possibilité, la circulation de rumeurs de fuites concernant de très bons chiffres de l’emploi publiés ce vendredi.

Un seul constat : les gains des valeurs américaines tranchaient de façon spectaculaire avec les scores timides de leurs homologues européens. En effet, l’Euro-Stoxx50 ce jeudi affichait un pâle 0,42%.

Les opérateurs parisiens ont même vécu une véritable désillusion au cours de la dernière heure de cotation. Ils ont pu constater la fonte de près des deux tiers des gains. Le CAC 40 est passé de 4 020 à 3 980 points, c’est-à-dire les niveaux d’ouverture de cette séance de jeudi.

▪ L’un des grands rendez-vous de cette journée, ce fut l’annonce par la BCE du relèvement d’un quart de point ses trois grands taux directeurs (soit 1,5% sur le « repo »).

J.-C. Trichet n’ayant pas employé le terme de » forte vigilance » lors de la conférence de presse, cela signifie que les taux ne devraient plus bouger avant la rentrée.

Quant à la Banque d’Angleterre (BoE), elle a annoncé à l’issue de son comité de politique monétaire un maintien de son taux de référence à 0,5%. Il est à ce niveau depuis mars 2009, quand il avait été abaissé de 50 points de base.

▪ Toutes ces stratégies étant considérées comme un fait accompli depuis une semaine, elles n’ont eu aucun impact sur les marchés. En revanche, l’inquiétude grandit au sujet des taux longs portugais (dix ans) qui dépassent les 13%, tandis que les taux grec culminent à 16,5%.

Voilà un commencement d’explication aux médiocres performances des actions européennes. Mais comment Wall Street qui fonce droit dans le mur de la dette parvient-il à occulter le péril du krach systémique généralisé ?

Tout simplement parce que personne ne croyait un tel degré d’inconséquence possible !

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile