La Chronique Agora

L’euphémisme du siècle

▪ L’ère de la création monétaire décomplexée bat son plein.

Je veux parler bien entendu des mesures non-conventionnelles (sans doute l’euphémisme du siècle) mises en place aux Etats-Unis et désormais au Japon.

Bill Bonner nous donnait quelques explications mercredi :

« La semaine dernière, le Japon a annoncé qu’il se lancerait dans une expérience hardie et radicale. Après 23 années de déflation par intermittence, le pays a décidé qu’il en avait assez que les choses deviennent moins chères. Il imprimera de l’argent jusqu’à ce que l’inflation atteigne les 2%. Selon les banquiers centraux, ça encouragera les gens à dépenser. L’économie décollera ».

« Pourquoi vaut-il mieux que les gens dépensent plus demain que ce qu’ils veulent dépenser aujourd’hui ? Pourquoi vaut-il mieux que les prix grimpent de 2% au lieu de baisser de 2% ? Pourquoi une économie qui ‘décolle’ vaut-elle mieux qu’une économie restant tranquillement sur le tarmac ? »

« Ces questions devront attendre un autre jour ; personne ne se donne la peine de les poser aujourd’hui. Les économistes disent que le secret de la prospérité, c’est de stimuler la demande. Tout ce qui stimule ladite ‘demande’ est censé être une bonne chose ».

Résultat de ce geste sans précédent : les marchés ont grimpé et grimpé… et grimpé encore.

▪ Contrefaçon et impression « à partir de rien » : ce qui se pratiquait autrefois en secret, de manière honteuse et clandestine, est désormais placardé en première page des journaux. Mieux encore, on s’en félicite !

Regardez ce qu’en disait Philippe Béchade hier :

« Certes, la stratégie de Shinzo Abe et de son allié de la Bank of Japan, Haruhiko Kuroda, est aussi audacieuse qu’inédite, mais elle est applaudie par Christine Lagarde ».

« Qu’est-ce qui pourrait mal tourner puisque les plus grands esprits du monde de la finance internationale s’extasient sur le recours hyper massif à la planche à billets ? »

« Que le plus petit client de Wells Fargo rédige un chèque sans provision de 12 $ et la colère céleste du système bancaire américain s’abat sur sa tête… Que la Bank of Japan décide d’imprimer 1 200 milliards de dollars — comme le malheureux épargnant à découvert de 10 $ — que le prix de l’encre et du papier, et toute la communauté financière la comble de louanges.

« C’est tout naturel puisque tout cet argent surgi de nulle part se répand en quelques clics sur l’ensemble de la planète, en quête de rendement et de plus-values faciles », explique encore Philippe.

Enfin, quand on dit l’ensemble de la planète… il s’agit surtout de « l’ensemble de la planète des riches » — les initiés, ceux qui se trouvent en tête de file quand on distribue l’argent gratuit.

Pour l’économie réelle, en revanche… l’idée d’imprimer jusqu’à la prospérité est « d’une bêtise manifeste », pour reprendre les propos de Bill :

« Les gens veulent toujours des choses. La ‘demande’ est infinie. Le gouvernement n’a pas besoin de la stimuler. Ce qui compte vraiment, c’est le pouvoir d’achat. Or il est limité. Les autorités tentent de contourner ce problème en imprimant de la devise. Ensuite, avec ce nouvel argent en main, c’est presque comme si les gens avaient de la vraie demande ! »

« Voilà ce qu’il y a de si vertigineux et drôle concernant notre époque. Qui croit vraiment qu’on peut augmenter la demande… et rendre les gens plus riches… simplement en imprimant de l’argent ? Qui pense vraiment qu’on peut donner plus de pouvoir d’achat aux gens en leur donnant plus de morceaux de papier ? »

Pas mal de monde, apparemment… et c’est bien ça le plus inquiétant : surtout, n’attendez pas pour prendre vos précautions financières !

Meilleures salutations,

Françoise Garteiser
La Chronique Agora

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