La Chronique Agora

Les Etats-Unis, en route vers l’Argentine

Quand l’argent tourne mal, tout le reste suit – les Argentins le savent bien… et les Etats-Unis sont en train de l’apprendre à leurs dépens. 

Ces jours-ci, nous faisons le ménage. Nous nettoyons notre bureau. Nous rangeons les outils à la ferme. Notre séjour aux Etats-Unis s’achève.

D’abord, nous irons au Nicaragua jeter un œil à notre projet immobilier sur place. Les choses n’ont pas été faciles. Une quasi-révolution en 2018 a fait peur aux visiteurs. Ensuite, le gouvernement américain a conseillé à ses citoyens de ne pas s’y rendre, ce qui n’a rien fait pour attirer retraités et touristes.

Cela reste pourtant un magnifique endroit. Les gens sont chaleureux. La bière est fraîche. Que demander de plus ? Un jour, il y aura probablement des millions de retraités américains disséminés tout le long de la côte. C’est plus joli et moins cher qu’à peu près n’importe où aux Etats-Unis.

Ensuite, nous irons en Argentine. Nous sommes curieux de voir comment le pays fonctionne avec une inflation à 55% et un nouveau gouvernement décidé à empirer la situation.

Depuis notre dernier séjour, l’an dernier, le peso a perdu environ la moitié de sa valeur.

« C’est génial, ici », disent nos amis, « tant qu’on a des dollars ». Nous verrons bien.

Riche comme un Argentin

Les chiffres montrent un déclin clair de la devise argentine. Un dollar achetait 30 pesos il y a un an. Il en vaut désormais 60.

Mais comme nous l’avons vu hier, même si les chiffres semblent plus « scientifiques » que les sentiments, ils ne racontent qu’une partie de l’histoire.

En 1853, les Argentins se sont mis d’accord sur une Constitution, largement inspirée du modèle US. Il y a les branches habituelles, législatif, exécutif, judiciaire. Il y a des représentants élus. Il y a un équilibre des pouvoirs. Le bureau du président est dans une maison spéciale, appelée Casa Rosada – rose et non blanche, donc.

Le système a fonctionné relativement correctement durant les 100 premières années. En 1914, les Argentins étaient plus riches que les Français. L’expression « riche comme un Argentin » ne provoquait pas le rire, mais la jalousie.

Et puis, dans les années 1940, Juan Perón a trouvé comment manipuler les foules urbaines en promettant plus de choses aux gens. Durant la décennie qui a suivi, il a nationalisé des secteurs clés, s’est lancé dans des programmes de dépenses agressifs et des redistributions de richesse à grande échelle.

La production a décliné. L’inflation a grimpé. Elle a continué jusqu’en 1980, où les prix grimpaient au rythme de 1 000%.

L’inflation (ainsi que d’autres choses, vraisemblablement) a gangrené la société dans son ensemble. La corruption a augmenté. Et la politique s’est transformée en spectacle grotesque…

De nos jours, en Argentine, un groupe fait des promesses extravagantes et irréalistes. Il est élu. Ensuite, une fois qu’il a fait un véritable gâchis de l’économie, un autre groupe prend le relais.

Ce nouveau groupe tente de corriger les erreurs et bizarreries du premier. Ce retour à la réalité est un choc douloureux pour la plupart des gens. Au bout de quelques années, ils en ont assez et réélisent les arnaqueurs.

Petit à petit, il devient de plus en plus difficile d’avancer honnêtement dans la vie. Les gens commencent alors à excuser et admirer ceux qui s’en sortent avec malhonnêteté.

Lorsque l’argent tourne mal, tout tourne mal. Même la Constitution. Parce que l’argent est la manière dont nous suivons, contrôlons et régulons notre économie, nos dépenses, nos choix… la manière dont nous vivons… dont nous voyageons – tout. Au bout du compte, c’est ainsi que « le peuple » – qui gagne du véritable argent – contrôle le gouvernement.

Lorsque l’argent est factice… lorsqu’il peut être créé à volonté par les autorités… tout le reste devient factice et bidon également.

Ludwig von Mises expliquait :

« L’inflationnisme […] n’est pas un phénomène isolé. […] Tout comme la politique monétaire saine de l’étalon-or allait main dans la main avec le libéralisme, le libre-échange, le capitalisme et la paix, l’inflationnisme fait partie intégrante de l’impérialisme, du militarisme, du protectionnisme, de l’étatisme et du socialisme. »

 Téléréalité

Prenez le discours sur l’état de l’Union. La Constitution américaine l’envisageait comme une réflexion sérieuse sur la situation du pays… et la direction qu’il prenait.
Cette année, l’occasion s’est transformée en une émission de téléréalité aussi tape-à-l’œil qu’improbable, les républicains applaudissant chaque absurdité sortant de la bouche du président. En face, les démocrates, maussades et rétifs, incluaient même un chœur fantomatique de femmes habillées de blanc, hantant tout le spectacle.

Quant à l’état de l’Union lui-même ? Il n’a pas été fait mention des deux plus grandes menaces qui guettent tout empire – la faillite et la guerre. A la place, on a eu de la comédie.

Le président, s’inspirant peut-être de l’Argentin Juan Perón, a promis quelque chose à chacun ou presque : le congé parental, des réductions d’impôts familiales, un remède pour les cancers pédiatriques.

Il a déclaré que les Etats-Unis iraient sur Mars… et planteraient 1 000 milliards d’arbres (probablement pas sur Mars).

Les Américains n’ont sans doute pas su quoi penser de ce remarquable spectacle. « Que se passe-t-il ? » ont-ils demandé. « Les démocrates ont perdu la tête », ont dit certains. « C’est les républicains qui sont fous », ont répondu d’autres.
Les Argentins, eux, ont tout de suite reconnu ce qu’il se passait : ils ont déjà vu cette émission.

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