La Chronique Agora

Une espèce d’idiots

Fed, dette, pauvreté

Insensible à la marée montante des dettes, déficits et défauts, l’Humanité titube vers le désastre…

Nous avons un vieil ami, qui fait partie des hommes les plus intelligents que nous ayons rencontrés de notre vie. Mais il est extrêmement malchanceux. Son entreprise a fait faillite. Son mariage est tombé en morceaux. Ses investissements se sont révélés perdants. Et maintenant, sa santé lui fait défaut aussi.

« Comment en suis-je arrivé là ? », se demande-t-il. « Comment ai-je pu être si stupide ? »

Aujourd’hui, nous nous posons la même question pour les Etats-Unis.

Voici déjà le diagnostic de Business Insider :

« Les ménages américains sont au bord du gouffre avec des stocks d’épargne [constitués pendant la pandémie] qui ont de fortes chances d’être vides d’ici la fin du mois, selon la Fed de San Francisco. […]

Les stocks d’épargne des ménages américains ont chuté d’un niveau record de 2 100 Mds$ en 2021 à 190 Mds$ environ en juin dernier, selon ces chiffres. »

Ce pourrait être le signe d’un serrage de ceinture plus important pour les Américains – qui ont aussi à faire face aux taux d’intérêt les plus élevés en 22 ans.

D’un point… à un point… à un point…

Et voici un addendum du magazine Fortune :

« Une étude de LendingClub révèle que 61% des adultes américains ont eu du mal à boucler leurs fins de mois en juillet 2023, une augmentation de 2 points de pourcentage sur un an. Augmentation qui s’est produite alors même que le taux d’inflation a chuté de 9,1% à 3,2% dans l’intervalle.

Dans le détail, ceux qui ont du mal à boucler leurs fins de mois sont présents dans toutes les catégories de la population. Mais les consommateurs à bas revenus – ceux qui gagnent moins de 50 000 $ par an – ont subi la plus forte hausse, passant de 74% en juillet 2022 à 78% en juillet 2023. »

Que s’est-il passé ? Comment en sommes-nous arrivés là ?

Est-ce simplement la nature des choses… que la classe moyenne soit toujours « au bord du gouffre » de la ruine ? Ou est-ce une caractéristique des politiques publiques ?

Voici un autre point à connecter avec les autres :

« Alors que le portefeuille de titres gérés par la Fed dans son System Open Market Account contenait environ 8 400 Mds$ d’actifs encore récemment, ce montant a désormais chuté à 7 400 Mds$.

Ces efforts de réduction du bilan de la Fed sont plus connus sous le nom de resserrement quantitatif, et font partie d’une stratégie employée par la banque centrale pour réduire les excès de liquidité dans les marchés. »

Elle a donné… et elle a repris

La Fed a donné et le peuple a été heureux. La Fed a repris et le peuple a souffert.

Mais qu’est-ce qu’elle donne et reprend ? La Fed ne crée pas de la « monnaie ». Et quand elle « réduit son bilan », elle ne reprend pas la monnaie qu’elle n’avait pas donnée dans un premier temps.

La monnaie est un substitut, comme un ticket de parking. Elle représente de la richesse réelle. Mais la Fed n’a aucune Cadillac rose… et aucune Ford F-150 argentée. Elle va au parking à pied. Puis, elle s’imprime un ticket donnant droit à son détenteur de partir avec n’importe quelle voiture garée là.

Comment a-t-on pu penser que ce système fonctionnerait un jour ?

La Fed offre du crédit, pas de la monnaie. La monnaie est un droit sur de la vraie richesse, déjà existante. Le crédit ne concerne que l’avenir. Il s’approprie la richesse qui pourrait ou non voir le jour… et l’aspire dans le présent. Le pauvre emprunteur conduit une Mercedes presque neuve. Mais ce n’est pas sa voiture. Et, tôt ou tard, il devra la rendre.

Ce n’est pas qu’une question théorique. Un homme qui dépense toute son épargne est ruiné. Il n’a rien. Tant pis pour lui.

Mais l’homme qui emprunte… dépense… et ne peut pas rembourser son emprunt… ne se déçoit pas uniquement lui-même. Comme un soldat qui craque au milieu d’un champ de bataille, il est dangereux pour l’armée entière.

Les emprunteurs ont des créditeurs. Les créditeurs ont leurs propres créditeurs… et des factures à payer… et des vacances planifiées des mois à l’avance… et, si ce sont des banques, des régulations qui les forceront à fermer si leurs comptes ne sont pas en ordre.

Apparemment, les ménages américains raclent les fonds de tiroirs. Et les agents de recouvrement s’approchent. D’après le Washington Post :

« Les Américains prennent plus de retard dans le remboursement de leur prêt automobile et de leurs cartes de crédits, qu’à aucun moment de la dernière décennie. C’est un signe troublant de danger pour les consommateurs, alors que des prix plus élevés et les taux d’emprunts en hausse font pression sur les budgets des ménages. »

Plus pauvres et pas plus riches

Comment est-ce possible ? Nous avons vu hier que le travailleur moyen gagne en réalité moins d’argent par heure qu’en 1966.

Les matières premières de base sont moins chères (en termes d’heures de travail nécessaires pour les acheter). Mais les produits finis – ceux qu’il achète vraiment… ceux qui devraient bénéficier de nos progrès technologiques – sont bien plus chers.

Et les taux de croissance du PIB ont baissé… décennie après décennie… depuis les années 1960. Aux Etats-Unis, nous pouvions nous attendre à des taux de croissance de 3 à 5%. En 1966, le PIB a augmenté de plus de 6%. En 1984, de plus de 7%. Aujourd’hui, nous serons chanceux si ce taux est de 2%. Sur les dix dernières années, la croissance moyenne du PIB américain a été d’environ 1,5%.

Les chiffres sont toujours à prendre avec des pincettes. Mais dans le cadre de notre réflexion du jour, supposons que nous ayons raison : cela voudrait dire que 90% de la population des Etats-Unis s’est appauvrie, et non pas enrichie, au cours du dernier demi-siècle. Ils doivent 12 000 Mds$ en prêts immobiliers. 1 000 Mds$ de plus pour leurs cartes de crédit. Et maintenant, il est temps de rendre la Mercedes.

Demain, nous tenterons de comprendre quel genre d’idiot pourrait être responsable de ce genre de chose.

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