A quand d’énormes cratères incandescents à la place d’immeubles entiers au Qatar, au Caire, à Amman, Ankara, Kuala-Lumpur, ou même des « banlieues » de Londres ou de Paris ?
L’élimination en dix jours de la quasi-totalité des cadres de haut rang du Hezbollah, puis de son leader Hassan Nasrallah ce vendredi 27 septembre, via un déluge de bombes « blockbuster » d’une tonne – qui a anéanti un quartier entier de Beyrouth-Sud (cette frappe a permis de détruire un PC du Hezbollah enfoui à 30 mètres de profondeur) – soulève des questions qui vont au-delà de l’efficacité supposée des services de renseignement israéliens.
Car pour que Tsahal ait obtenu de tels résultats contre le Hezbollah, il fallait être sacrément bien « renseigné », et pour cela, que les « services » israéliens aient infiltré les rangs du Hezbollah, à tous les niveaux, et jusqu’aux niveaux les plus élevés.
Etonnant quand les mêmes services de renseignement prétendent n’avoir rien su des préparatifs de l’attaque du 7 octobre 2023 : ils n’ont rien décelé, à un quelconque niveau, parmi tous les responsables du Hamas qu’ils surveillent sans relâche.
Le Hamas semble beaucoup plus doué pour déjouer les « taupes » israéliennes que le Hezbollah !
Les malheurs des membres du Hezbollah ont débuté les 17 et 18 septembre avec l’explosion simultanée de milliers de « pagers » qui a blessé, mutilé ou tué des milliers de personnes à travers tout le Liban.
Tous les services de renseignement au monde ont tout de suite mesuré l’aspect sensationnel d’une opération sans précédent depuis la seconde guerre mondiale : il a fallu convaincre des « décideurs » du Hezbollah de se doter de dispositifs électroniques spécialement fabriqués pour les « neutraliser ».
Les boîtiers des « pagers », que l’on peut se procurer en Asie (ils sont de conception très ancienne, parfois 50 ans), sont trop compacts pour qu’on puisse y rajouter en quelques manipulations simples un dispositif de mise à feu, plus une charge représentant un volume supérieur à 1Cm3 (explosif et système de détonation).
Ces « pagers tueurs » ont donc sûrement été soit conçus à dessein (en imitant juste le boîtier original avec son design « années 80 ») ou modifiés (remplacement d’éléments d’origine par des matériaux détonants) par les Israéliens.
Personne n’est capable d’identifier l’entreprise qui a intégré l’explosif et le système de détonation « by design ».
Une certitude cependant, les 5 000 « pagers » – puis les 3 000 talkies-walkies – ont été fabriqués ou modifiés un par un par des spécialistes des dispositifs électroniques contrôlables à distance et des artificiers fournis par des chimistes spécialisés dans la fabrication d’explosifs de très forte puissance.
Cela fait beaucoup de monde dans la boucle, mais surtout, cela suppose des mois et même des années de recherche pour déterminer ce qui peut être piégé et contrôlé électroniquement (smartphones, baladeurs, écouteurs, batteries de véhicules hybrides ou électriques…), puis des semaines ou des mois de fabrication (avec montage de véritables lignes d’assemblage).
Mais ce qui prend encore plus de temps, c’est d’infiltrer le Hezbollah, gagner la confiance de ses cadres, gravir les échelons jusqu’à intégrer le cercle très fermé des leaders, s’imposer comme fiable et apparaître le plus compétent pour gérer l’acquisition de matériel sensible.
La plupart des spécialistes estiment qu’une telle opération d’infiltration ne peut aboutir en moins de deux ans (un excès de précipitation rendrait suspecte(s) la ou les taupe(s).
Parallèlement, la production d’engins explosifs miniaturisés identiques à des objets électroniques anodins fabriqués sous licence depuis des décennies, cela prend également au minimum deux ans (tests préliminaires, production des composants, recrutement d’une équipe, mise en place de la chaîne d’assemblage, tests finaux).
Comme les pagers et talkies-walkies ont été spécialement conçus et fabriqués pour cette opération, la question des faux certificats de conformité (provenant d’un fournisseur étranger au-dessus de tout soupçon) et le lieu de livraison (sous surveillance étroite des « services » israéliens) rentre également en ligne de compte (il faut des équipes en amont, du personnel pour superviser l’opération).
Ils ont pu être acheminés par container dans un port, puis livrés et dédouanés par une société écran du MOSSAD : tout s’est déroulé comme si les commandes de « pagers » étaient un scénario couru d’avance.
A aucun moment, à aucun niveau, et durant 1 à 2 ans, les dirigeants du Hezbollah n’ont rien vu venir ni soupçonné les donneurs d’ordre. Soit ils ont fait preuve d’une forme de naïveté et d’inefficacité au niveau du renseignement interne, soit c’est le renseignement interne lui-même qui a permis à l’opération « pagers » de se dérouler sans accroc.
Et donc, ce pourrait aussi être un responsable de la sécurité de haut rang qui a livré les noms et les coordonnées des cibles éliminées avec une troublante précision du 17 au 27 septembre.
Jamais de tels succès n’ont été observés en 5 000 ans d’Histoire sans qu’un traître au plus haut niveau d’une organisation ou d’un Etat n’ait permis une éradication quasi intégrale.
Et ce traître ne peut qu’être issu du Hezbollah, voire des rangs des plus hauts responsables iraniens.
Quoi qu’il en soit – coup de maître des espions, haute trahison ou un mix des deux – l’Iran va forcément devoir changer de stratégie au Liban et jouer sur le viol de toutes les règles du droit international, comme par exemple l’’interdiction d’éliminer physiquement sur un territoire étranger ses adversaires politiques à coup de missiles, en causant d’innombrable victimes civiles, au prétexte commode qu’ils sont qualifiés de « terroristes » et « menacent sa sécurité ».
Un argument qui ne devrait laisser aucun pays indifférent : il existe des soutiens au Hamas ou au Hezbollah dans tous les pays du monde arabe ou à forte communauté musulmane. Et des membres désignés comme « cibles prioritaires » de ces organisations peuvent s’être réfugiés sous une fausse identité dans n’importe quelle démocratie occidentale.
Si le procédé utilisé à Beyrouth devient légitime, au lieu de discrets assassinats ciblés, à quand d’énormes cratères incandescents à la place d’immeubles entiers au Qatar, au Caire, à Amman, Ankara, Kuala-Lumpur, ou même des « banlieues » de Londres ou de Paris ?