La finance de marché a pourri le système financier. Devenu une gigantesque escroquerie, il demande désormais une attention de tous les instants de la part de ses « maîtres ».
J’annonce la couleur : la finance de marché est mon ennemi.
Pour créer et produire plus de crédit face aux contraintes des capacités bilancielles des banques, on a mis le crédit et toutes sortes de papiers sur les marchés.
On a mis au rencart les credit men qui évaluent les niveaux de risque crédit, on a empaqueté et on a livré tout cela à l’appréciation délictueuse de la communauté spéculative mondiale.
On a libéré les bilans des banques pour les déverser sur les marchés, un peu comme on déverse les camions individuels d’ordures à la décharge commune.
On a, dit-on, disséminé le risque.
Le crédit, sa qualité, la solvabilité, son risque, la valeur des actions, les assurances, la volatilité, tout a fini de proche en proche par être soumis au caprice des « esprits animaux », c’est-à-dire aux sinusoïdes de l’envie et de la peur.
Ce qui était soumis à la rationalité et à la prudence de cadres bancaires chevronnés s’est trouvé transformé en un produit de jeu.
La garantie de toujours pouvoir vendre
Pour que ce système tienne et résiste aux chocs – et Dieu sait s’ils sont fréquents –, il faut faire croire que tous ces actifs liquides, cotés sur les Bourses, sont vendables instantanément. Il faut garantir ce que j’appelle leur « monnaie-itude ».
« Il faut garantir leur monnaie-itude » n’est rien d’autre que dire qu’il faut garantir la possibilité de les convertir instantanément en argent, en dépôt liquide avec une très modeste perte.
C’est l’instauration du fameux put des banques centrales. Il garantit que toujours on peut vendre, et que les actifs financiers sont aussi bons que des dollars, par exemple, mais qu’ils rapportent un peu plus.
En fait, garantir la monnaie-itude permet de brancher une loterie sur la monnaie – et donc d’en émettre beaucoup plus, puisque la communauté spéculative surpaie toujours les billets de loterie.
La communauté spéculative exagère toujours ses chances de gagner au jeu, on sait cela depuis Adam Smith et bien sûr depuis John, le fameux John…
Merci, John !
Vous avez compris ce qu’est la finance de marché : c’est l’escroquerie de John Law, celle qu’il avait branché sur la Compagnie du Mississipi et la rue Quincampoix. On joue sur les statistiques – à savoir que la plupart des gens ne demanderont pas à échanger leurs « paquets d’actifs » en monnaie. On joue sur le fait qu’ils continueront à jouer.
Mais bien sûr, c’est une escroquerie puisque l’on émet beaucoup trop de papier et que tout le monde le sait !
Donc il faut que quelqu’un soit toujours prêt, le doigt sur le bouton, pour offrir la contrepartie à ceux qui veulent ou ont besoin de vendre. Il faut également que quelqu’un offre la contrepartie, vite et gros, afin de casser les effets de boule de neige des ventes. Il faut, comme on dit, que les marchés restent ordonnés et qu’on les maîtrise.
C’est ce qui fut fait une énième fois en mars 2020 et continue d’être fait de façon plus ou moins subreptice.
Bien sûr, tout cela a des limites.
Ces limites sont constituées par le pourrissement des bilans des banques centrales d’une part, et d’autre part par l’élévation continue de la montagne de papiers qu’il faut être prêt à ravaler.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]