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Daniel Ortega - Nicaragua

Daniel Ortega, président du Nicaragua

Quand on vole votre temps, on vole votre vie. La bureaucratie s’emploie à nous faire perdre du temps — c’est son aspect le plus nuisible.

Nous sommes arrivé au Nicaragua hier.

Ce que nous apprécions chez ce vieux Billy, le chien aveugle de notre fille, c’est sa manière de supporter ses afflictions avec grâce – ce qui est le mieux que chacun d’entre nous puisse faire.

Il n’exige pas de traitement spécial. Il ne s’attend pas à monter dans l’avion en premier, ni à trouver une place de parking réservée en sortant de l’aéroport. Il n’est pas devenu si gras qu’il ne peut pas traverser le terminal sur ses propres pattes.

Non : il fait de son mieux et compte sur la bonté des étrangers lorsqu’il en a besoin. Non seulement cela l’aide à aller là où il le souhaite, mais cela donne à ses amis humains une chance de faire preuve d’une authentique gentillesse.

Il offre également un peu de réconfort à ceux d’entre nous qui sont forcés de subir les ignominies habituelles du transport aérien moderne…

La vie, c’est du temps

Parmi lesdites ignominies infligées à un voyageur fatigué aux Etats-Unis, on trouve la TSA, l’Agence américaine de la sécurité des transports. Elle part du principe qu’un passager qui n’a pas été correctement inspecté par la TSA a plus de chances de faire exploser un avion que quelqu’un que l’on a fouillé de fond en comble.

Où sont les preuves de cela ? Il n’y en a pas la moindre.

En ce qui nous concerne, nous causons rarement la pagaille à bord d’un vol commercial. Ce n’est qu’après avoir été tripoté sous toutes les coutures que nous envisageons de le faire.

En ce qui concerne les statistiques, le taux d’incidents violents impliquant des avions était minuscule avant la TSA. Il l’est toujours.

Un test au moins semble indiquer que la TSA ne fait aucune différence de toute façon ; les gens peuvent encore faire passer des armes au nez et à la barbe des équipes de « sécurité »… et pourraient toujours causer des gros dégâts en vol s’ils le voulaient.

Les partisans de la TSA me répondront : « si nous ne sauvons ne serait-ce qu’une seule vie, cela en vaudra la peine ». Vraiment ?

La vie, c’est du temps. Une existence moyenne dure environ 613 000 heures, y compris le temps de sommeil.

Dans la mesure où l’Administration fédérale de l’aviation (FAA) affirme que près de 2,6 millions de personnes s’envolent tous les jours, passant chacune 15 minutes à attendre le feu vert de la TSA, le temps perdu au total doit représenter environ 380 existences entières chaque année.

Nous ne savons pas si la TSA a sauvé une seule vie un jour.

Nous savons en revanche, à peu près, qu’elle a anesthésié environ 6 840 voyageurs sur les 18 dernières années. Sans compter les 57 000 employés de la TSA dont les carrières sont gâchées à mal faire une chose qui ne vaut probablement pas la peine d’être faite tout court.

Lutte de pouvoir au Nicaragua

Mais passons à autre chose : une rapide mise à jour de ce qui se passe ici.

Comme vous le savez, le Nicaragua, à l’instar du Venezuela, est en proie à une lutte de pouvoir. La cause immédiate, c’est une augmentation d’impôts. Mais le problème est bien plus profond…

Lorsque nous sommes arrivé à l’aéroport hier, il y avait très peu de monde. Les rues étaient calmes, le trafic était rare.

Des ordures jonchaient les rues. Du béton armé rouillé encombrait les chantiers en construction. Des bœufs tiraient des chariots — comme toujours. Une cahute au bord de la route indiquait « salon de beauté ».

Des chauffeurs dormaient dans des hamacs tendus sous leurs camions — comme toujours.

« On ne dirait pas que le pays est au bord de la guerre civile », avons-nous dit au conducteur.

« Non… et pourtant, c’est bien le cas ».

Nous n’avons pas eu besoin de beaucoup l’encourager pour qu’il nous en dise plus.

« Le problème est politique. Le gouvernement actuel est corrompu. Tout le monde le sait. Mais il n’y a aucun moyen de nous exprimer par le biais de notre [Congrès]. Il est dominé par les sandinistes [le parti qui contrôle le gouvernement].

« Pour l’instant, environ 300 personnes ont été tuées lors de manifestations, et personne ne sait combien ont été prises et ‘escamotées’ par le gouvernement. C’est bien ça le problème : on ne sait rien. On ne sait pas ce qui se passe.

« On dirait qu’Ortega [Daniel Ortega, le président] essaie d’apaiser les choses en ajustant sa proposition d’impôts de manière à ce qu’elle affecte plus les riches que le citoyen lambda.

« Et un groupe d’Européens est venu à Managua cette semaine. Ils ont dit à Ortega qu’ils ne lui donneraient plus d’argent tant que le gouvernement n’ouvre pas de dialogue avec le peuple et tente de rétablir sa légitimité. Mais ce sera clairement une mascarade… »

Le temps et le travail reprendront le dessus

Plus tard, un vieil ami nous a fait son compte-rendu :

« Personne ne sait rien », a-t-il commencé. « Les rumeurs pullulent. On entend dire qu’Ortega fait du trafic de drogue avec les généraux vénézuéliens. Ensuite, on raconte qu’il est prêt à jeter l’éponge. On entend des choses, on ne sait pas lesquelles croire.

« Voilà l’essentiel, en ce qui me concerne : tôt ou tard, ce gouvernement va partir. Le Nicaragua, lui, sera toujours là. Ensuite, toute cette région va se relever… en partie grâce au travail que vous avez accompli.

« Quiconque vient se rend compte que c’est un paradis. Par ici [nous sommes sur la côte sud, loin de Managua], ça a toujours été très paisible. Nous n’avons pas eu le moindre problème. Je parie donc que quand Ortega partira, les touristes reviendront et ce sera un vrai boom ».

Les vagues s’écrasaient contre les rochers la nuit dernière, tandis qu’un soleil rougeoyant sombrait dans l’océan — comme toujours. Quelques surfeurs ont continué à s’ébattre dans les flots jusqu’à la nuit tombée.

Il n’y a plus beaucoup de Norteamericanos dans les parages. La mauvaise presse leur fait peur. Mais l’un d’entre eux s’est arrêté pour nous saluer. Vêtu d’un short et de sandales, il nous a dit :

« Cela fait des années que je vous lis ».

« Eh bien, toutes mes excuses… »

« Non, non… inutile de vous excuser. C’est à cause de vous que je suis ici. Et j’adore ça. Je viens depuis 2004.

« J’ai acheté une propriété près de la plage. Je suis à la retraite, donc je peux passer les hivers ici. J’ai envoyé une photo de moi sur la plage à mon fils, dans le Michigan. Il m’en a envoyé une en retour… il était habillé comme Nanouk l’Esquimau.

« Le pauvre diable ».

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