La Chronique Agora

En cas de ping-pong monétaire, mieux vaut ne pas affronter la Chine !

▪ Le troisième trimestre calendaire s’achève par une séance volatile et crispante de type « portes de saloon ». On a assisté à une succession de faux signaux intraday qui ont piégé haussiers et baissiers à quelques heures — et parfois même quelques minutes — d’intervalle.

Il fallait que les enjeux soient importants pour qu’une succession de manipulations de cours aussi radicales, et aussi clairement assumées par les intervenants, s’enchaînent à un rythme aussi effréné.

Le CAC 40 a d’abord perdu 1,25% puis gagné 1,2% avant d’en terminer sur un repli de 0,6%, à 3 715 points. A moins d’une heure de la clôture, il évoluait encore au niveau de son zénith du 21 juin (3 760 points), après avoir testé vers 16 h 00 le pic intraday du 13 mai dernier (3 775) et le niveau de clôture du 24 septembre (3 782). L’indice a en outre passé en revue, à cinq points près, les plus basses ouvertures et les plus hautes clôtures depuis le 10 septembre dernier.

De telles variations donnent déjà le tournis mais que dire de titres comme la Société Générale, qui ont connu des parcours encore plus erratiques avec un plongeon initial de 3,8% puis une remontée fantastique à +0,8%… suivie d’une rechute de 3% en 90 minutes pour un score final de -2,3%.

▪ Il y a bien longtemps qu’une fin de trimestre calendaire n’avait donné lieu à une telle foire d’empoigne. La logique voudrait que ces mouvements de cours échevelés reflètent la confrontation à l’issue indécise d’opérateurs poursuivant des buts diamétralement opposés… mais il nous vient un terrible soupçon !

Et si c’était les mêmes qui orchestraient de façon tout à fait sereine une remontée de la volatilité, après l’avoir écrasée — et avec quelle efficacité — depuis la mi-septembre ? Souvenez-vous de la singulière stagnation des indices à l’approche de la séance des « Quatre sorcières ».

Les indices piétinent sous leurs sommets estivaux depuis cette date, de telle sorte que le CAC 40 a de nouveau culminé au niveau des 3 780 jeudi, c’est-à-dire ce zénith testé dès le 13 septembre dernier. L’indice parisien inscrivait dès le 17 septembre sa deuxième meilleure performance de l’histoire pour un mois de septembre, égalant les +8,5% inscrits en 1997.

▪ Les partisans de la hausse éternelle de Wall Street ont cru voir s’ouvrir les portes du paradis ce 30 septembre. Le début de séance s’est fait sur les chapeaux de roue, avec un Dow Jones refranchissant les 10 900 points (meilleure performance en 71 ans), et un S&P affichant sa plus forte progression mensuelle depuis mars 2000 (+9,7% à 1 155 points).

Il est évident que de telles envolées — totalement inespérées quatre semaines auparavant, et ô combien déconnectées de l’actualité macro-économique — ont engendré des tactiques visant à « faire courir » les vendeurs. Cela afin de pousser les indices vers des niveaux que le contexte économique justifie difficilement.

Cela fait maintenant trois semaines que les mauvaises nouvelles, fussent-elles fort nombreuses et souvent inquiétantes, sont systématiquement éclipsées par la moindre petite statistique ou enquête conjoncturelle qui invite à une lecture un peu moins sombre de la situation économique. C’est là le fameux « biais haussier » que nous vous dépeignons depuis le 15 septembre dernier, et auquel les médias participent avec une évidente délectation.

La menace de faillite des trois principales banques irlandaises (dont deux apparaissent en situation critique, avec un besoin immédiat de huit milliards d’euros de liquidités) dominait l’actualité jeudi matin. Malgré tout, le recul de 16 000 demandeurs d’emplois américains à l’issue de la quatrième semaine de septembre (qui contrebalance tout juste les +16 000 de la précédente) a été jugé suffisamment encourageant pour occulter le risque de faillite de nombreux Etats américains.

C’est un danger comparable à la crise des subprime pour les banques américaines, selon l’analyste vedette Meredith Whitney… mais il n’existe aucun problème que la planche à billets ne puisse résoudre, si l’on croit les stratèges des banques de Wall Street. Ils sont d’ailleurs les premiers à voir la couleur de cet argent lorsque la Fed émet des bons du Trésor.

▪ La dernière révision du PIB américain (à +1,7% contre +1,6% en seconde estimation) a été conforme aux anticipations. Les cambistes n’ont pas levé le petit doigt, tandis que les indices boursiers s’envolaient. Le dollar a replongé vers 1,3680 contre l’euro, retraçant son plancher annuel des 83,3 face au yen et inscrivant un nouveau plus bas absolu contre le franc suisse.

La situation de l’Espagne et de l’Irlande recommençant à inquiéter les opérateurs en fin de journée, l’euro a corrigé vers 1,3630 $. Il n’en a pas été de même pour le yen, qui s’est accroché aux 83,40/83,5.

La thématique de la guerre des devises a cessé d’être un concept abstrait. Le Congrès américain vient en effet de voter une loi qui permet de surtaxer les produits exportés par un pays qui « manipule sa devise ». On ne saurait désigner plus explicitement la Chine sans la nommer expressément…

Pékin a protesté pour la forme mais elle dispose d’un moyen bien plus efficace de faire valoir son point de vue et manifester sa désapprobation : il lui suffit de profiter des 10% gagnés par Wall Street pour engranger quelques bénéfices de façon un peu trop enthousiaste… et d’attendre que la Maison Blanche sollicite un temps mort lorsque les indices américains auront reperdu 7% ou 8% en l’espace de quelques séances !

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