Le nombre de Français vivant à l’étranger a explosé depuis les années 1990. Pour quelles raisons ?
En Union soviétique, la Constitution imposait le dogme de la « construction du socialisme » fondée sur la négation des intérêts individuels. Considérée comme une loi de l’Histoire, la « construction du socialisme » ne pouvait pas être remise en cause. Cependant, les résultats ne correspondant pas aux promesses, la propagande se substituait au réel. Les statistiques et les faits étaient « corrigés » pour correspondre à l’attendu et aux objectifs fixés dans les plans quinquennaux successifs.
Toute idée de bilan de la « construction du socialisme » était systématiquement éludée. Les critères devant signer l’achèvement de cette édification n’étaient jamais explicités.
Il en résultait une société désabusée, résignée et dépressive, volontiers portée sur l’alcool et la dérision. Une plaisanterie populaire à la fin de l’Union soviétique témoignait de cet état d’esprit : « Nous faisons semblant de travailler ; ils font semblant de nous payer. »
La jeunesse désespérée rêvait de fuir ce monde mensonger et triste.
Or, la « construction européenne » emprunte bien des similitudes à la « construction du socialisme » puisqu’elle prétend connaître la « loi de l’Histoire », et parce qu’elle est fondée sur la négation non pas certes des intérêts individuels mais des intérêts nationaux.
L’inquiétante similitude avec la « construction européenne »
En France, la Constitution impose désormais que la République participe à l’Union européenne et que nous soyons juridiquement contraints par le traité sur l’Union européenne (TUE) et le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).
Cette soumission au dogme de la « construction européenne » a été introduite par François Mitterrand dans notre Constitution (Titre XIV à l’époque, devenu depuis le Titre XV) au travers de la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 destinée à adapter notre loi fondamentale au traité de Maastricht.
Jacques Chirac puis Nicolas Sarkozy ont chacun confirmé et renforcé l’inscription du dogme européiste dans la Constitution française, le premier en y faisant apparaître le « mandat d’arrêt européen » (mars 2003), le second en y introduisant une référence au traité de Lisbonne et aux obligations qui en découlent (février 2008).
Comme en Union soviétique, les résultats concrets apparaissent contraires aux promesses mirobolantes que l’on avait fait miroiter aux peuples.
Comme en Union soviétique, il est interdit de remettre le dogme en cause, de demander des comptes ou même simplement de demander quand sera achevé le projet grandiose tant promis à la population. Le périmètre final des Etats devant faire partie de l’Union européenne n’est pas davantage connu.
Comme en Union soviétique, il en résulte que la propagande se substitue au réel :
- informations biaisées ou dissimulées,
- élections manipulées par les médias et les instituts de sondage,
- « invisibilisation » des opposants les plus résolus qui veulent en terminer pour de bon avec la « construction européenne » et qui ne se répandent pas en sempiternels projets « d’autre Europe ».
En outre, la même évolution qu’en Union soviétique vers une tyrannie dominée par une petite caste se met en place. Par exemple avec la mise sous surveillance de la population avec les « pass » qui lui sont imposés sous des prétextes fallacieux – aujourd’hui sanitaires, demain peut-être énergétiques ou climatiques.
Mais aussi avec le contrôle des télécommunications et des déplacements (traçage et écoute via smartphone, scandale « prism », projets de puçage des êtres humains par exemple).
Ces techniques n’ont rien à envier à celles employées par le régime soviétique pour encadrer sa propre population. Plus pernicieuses, plus invisibles, en apparence moins violentes et plus indolores, elles sont plus efficaces. La « société de contrôle » redoutée par Gilles Deleuze dès les années 1980 est devenue réalité.
Finalement, cette tyrannie s’exprime par l’accaparement des richesses et des leviers de pouvoir par une petite oligarchie, symétrique privée de la nomenklatura soviétique publique.
Désespérés, les Français jeunes et moins jeunes rêvent de fuir ce monde mensonger. Or, ils partent bel et bien, et en nombre croissant.
L’hémorragie démographique
Les chiffres de cette hémorragie sont éloquents.
Le nombre de Français vivant à l’étranger a ainsi explosé depuis les années 1990. Il est admis qu’il y avait environ 1 à 1,6 million de Français résidant à l’étranger à la fin des années 1990 (les données sont approximatives du fait que les Français résidant à l’étranger ne s’inscrivent pas nécessairement auprès des ambassades et consulats).
Ce nombre a grimpé à environ 2,5 millions à la fin des années 2010. En mars 2021, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a reconnu que le nombre de Français résidant à l’étranger était de 3,5 millions, soit une proportion de 5,2% de la population française. Et la tendance ne devrait pas s’améliorer : selon une étude Yougov de 2018, 72% des jeunes Français de 18 à 24 ans envisagent une vie à l’étranger, soit près des trois quarts. De plus, 23% souhaitent s’installer définitivement à l’étranger, et la tendance à vouloir quitter la France a augmenté d’un tiers en deux ans.
Souvent présenté comme un signal positif d’ouverture au monde, cet exode témoigne en réalité d’un mal-être profond qui ne touche d’ailleurs pas que la France parmi les pays de l’Union européenne.
Selon l’Insee, environ 3 millions de personnes ont émigré en 2017 d’un Etat de l’Union européenne. Le nombre des personnes qui ont émigré vers un État en dehors de l’Union européenne a augmenté de 12% en quatre ans.
Ainsi, la situation en Italie n’est pas plus brillante qu’en France : on estime que, de 2009 à 2019, 300 000 jeunes Italiens, essentiellement des diplômés, ont quitté l’Italie. De même, un nombre croissant de jeunes Allemands quittent leur pays, dégoûtés par les conditions de travail, le niveau de vie ou la politique. Beaucoup s’établissent hors de l’Union européenne, en Suisse alémanique par exemple, à l’instar de beaucoup de Français qui partent vivre en Suisse romande.
Le temps est toujours fatal aux idéologies qui veulent bâtir un paradis terrestre en faisant fi de tout – peuples, nations, histoire, géographie, langues, religions, anthropologie, économie. L’Union européenne pourrait bien finir comme l’URSS, sous les coups de boutoir de la réalité qui finit toujours par s’imposer.