La Chronique Agora

Efficacité gouvernementale : le rêve de Musk part en fumée

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Il rêvait de rationaliser l’Etat fédéral comme on optimise une start-up. Mais à Washington, Elon Musk s’est heurté à une machine politique plus forte que lui. 

A maintes reprises par le passé, Donald Trump a été qualifié de « fini ».

Ses nombreuses gaffes, ses faux pas et ses manies auraient détruit un personnage de moindre importance.

Mais il a survécu… et est devenu plus fort que jamais.

Et aujourd’hui encore, la presse publie des nécrologies pleines d’espoir. Le Washington Post titrait récemment : « Trump pourrait bien s’effondrer ».

Cette semaine, plusieurs sondages ont montré Trump atteignant de nouveaux records d’impopularité. Sa cote est désormais négative à deux chiffres : -19 selon Pew Research Center, -13 selon Economist-YouGov, -11 selon Reuters-Ipsos et également -11 selon Fox News.

A ce stade de son premier mandat, Trump était déjà plus impopulaire que n’importe quel président de l’ère moderne ; aujourd’hui, il s’apprête à tomber encore plus bas que lors de son premier passage à la Maison-Blanche.

Ce qui est peut-être encore plus inquiétant pour M. Trump, c’est que la plupart de ses grandes politiques sont encore plus impopulaires que lui.

Mardi, sa politique phare – la guerre commerciale – a essuyé un revers majeur.

D’abord, son secrétaire au Trésor a reconnu publiquement que les tarifs douaniers prévus pour le « Jour de la Libération » étaient « insoutenables ».

La guerre commerciale a provoqué la panique à Wall Street : The Wall Street Journal publiait des éditoriaux cinglants, et les Républicains menaçaient de se révolter. Trump a dû faire machine arrière.

Depuis, le Dow Jones a regagné plus de 2 000 points. Mais sans menace de guerre commerciale, les partenaires étrangers n’ont aucune incitation à modifier radicalement leurs politiques d’exportation.

The Independent rapporte :

« Trump continue de prétendre qu’il travaille sur un accord avec la Chine. Pékin affirme que tout cela n’est qu’une vue de l’esprit. »

Le South China Morning Post ajoute :

« Il n’y a pas de négociations en cours avec l’administration Trump concernant l’abaissement des droits de douane entre les deux pays. »

Finalement, l’effet sera probablement d’enrichir quelques initiés proches de l’administration Trump… sans changement majeur dans le commerce mondial.

Mediaite explique :

« Un journaliste de Fox a affirmé que la Maison-Blanche partageait des informations tarifaires privilégiées avec des dirigeants de Wall Street. »

Mercredi, comme prévu, un autre programme clé de Trump – le Département de l’efficacité gouvernementale (DOGE) – a mordu la poussière.

Politico rapporte :

« Le DOGE perd son plus grand défenseur alors que Musk quitte Washington.

L’affirmation d’Elon Musk selon laquelle son travail à Washington est ‘presque terminé’ a pu rassurer temporairement les actionnaires de Tesla, mais son départ risque de priver le Département de son énergie perturbatrice, alors même que celui-ci poursuit ses coupes sombres dans la main-d’œuvre fédérale.

Dans le but de calmer les investisseurs après une conférence téléphonique sur les résultats du premier trimestre, Musk a précisé cette semaine que son implication dans le DOGE serait bientôt réduite à un ou deux jours par semaine. »

La campagne du DOGE n’a guère mieux progressé que la guerre commerciale. Le problème n’est pas tant la manière dont l’argent est dépensé… mais plutôt les niveaux de dépenses eux-mêmes – qui sont fixés par le Congrès, non par une agence quasi-gouvernementale dirigée par un milliardaire.

Faut-il réduire le gaspillage et l’inefficacité ? Bien sûr.

Mais chaque centime dépensé finit dans la poche de quelqu’un – même si ce n’est pas toujours la poche prévue par le Congrès – et cette poche est généralement liée à des intérêts politiques.

Tenter de réduire le « gaspillage » sans l’appui du Congrès a toujours été une entreprise vouée à l’échec.

Au départ, Musk avait affirmé qu’il réduirait le budget fédéral de 2 000 Mds$, éliminant ainsi le déficit.

Par la suite, il a reconnu que ce chiffre était « ambitieux » et a abaissé son objectif à 1 000 Mds$.

Finalement, le site web du DOGE revendique des économies de 160 Mds$… dont la majeure partie est probablement illusoire.

Pauvre Elon : il ne semblait pas comprendre dans quelle sale affaire il s’était embarqué. Et aujourd’hui, ses voitures sont rayées, ses salles d’exposition font l’objet de piquets de grève, les bénéfices de Tesla ont chuté de 71 %, et sa fortune personnelle s’est réduite presque autant que ce que le DOGE prétendait économiser.

Pour la plupart d’entre nous, une perte de 1 Md$ serait déjà dramatique.

Elon Musk, lui, a perdu 148 Mds$ depuis le 17 janvier.

L’effondrement de Trump ne se limite toutefois pas à la politique commerciale et au DOGE.

Un ancien initié du Pentagone a déclaré à Politico que l’armée américaine était devenue largement dysfonctionnelle :

« Le mois dernier a été marqué par un véritable effondrement au Pentagone — et cela devient un véritable problème pour l’administration. »

Pour en revenir au budget, le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, a affirmé que l’administration Trump essayait de sevrer l’économie des dépenses publiques pour la ramener vers le secteur privé.

Mauvaise nouvelle pour lui !

Au cours des six premiers mois de l’exercice budgétaire en cours, les déficits atteignent déjà 1 300 milliards de dollars — un chiffre pire que ceux enregistrés depuis l’exercice 2021, une année marquée par la crise du Covid et sur laquelle Donald Trump avait laissé son empreinte.

Pas de tarifs douaniers réciproques. Pas de « Jour de la Libération ». Pas de dividendes issus du DOGE. Un Pentagone en crise. Et toujours une situation de faillite budgétaire.

Un mortel ordinaire aurait probablement démissionné et pris sa retraite. Mais Donald Trump est-il vraiment fini ? Probablement pas. Sa véritable mission reste inachevée.

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