La Chronique Agora

Une économie sous dopamine (1/2)

L’économie est devenue complètement accro au « sucre » des injections monétaires de la part de la Fed. Les conséquences à long terme seront extraordinairement difficiles à gérer.

On peut dire que l’économie que nous avons connue jusqu’ici était un peu… « sous dopamine ». Permettez-moi de vous expliquer.

La recherche scientifique indique que des doses importantes de sucre raffiné pourraient avoir sur le cerveau humain un effet similaire à celui d’une drogue. Eric Stice, professeur à l’université de Stanford et neuroscientifique, a utilisé l’imagerie à résonnance magnétique pour étudier la réaction de notre cerveau lorsque l’on consomme des aliments sucrés.

La consommation de sucre libère de la dopamine, un neurotransmetteur de la récompense. En l’occurrence, l’effet est similaire à celui de la cocaïne et d’autres drogues addictives.

Après avoir fait passer des scanners à des centaines de volontaires, Stice a conclu que les grands consommateurs de sucre développent une tolérance. En conséquence, il faut consommer de plus en plus de sucre pour libérer la même quantité de dopamine. Ce processus rend le « centre de la récompense » de notre cerveau moins sensible et réduit sa réaction à la nourriture.

Le cerveau humain développe une tolérance à la drogue (ou au sucre)… Les économies, elles, développent une tolérance aux déficits gouvernementaux et aux plans de relance des banques centrales. Des budgets équilibrés et un recul de la masse monétaire pourraient provoquer des symptômes de manque qui mèneraient à un effondrement de l’économie.

Doublez la dose !

Pour maintenir le statu quo, le médecin prescrit donc l’administration de plus de drogue, plus de sucre, plus de dépenses et plus de billets. Si les effets commencent à s’atténuer et que des symptômes de manque apparaissent, les économistes en charge de la politique s’exclament (bien entendu) : « Doublez la dose ! »

Les économies alimentées par des bulles développent une tolérance à des doses toujours plus importantes d’argent et de crédit. L’école autrichienne avertit qu’une fois que l’économie a développé une addiction, les conséquences à long terme sont tragiques : effondrement déflationniste ou hyperinflation. Je suis d’accord avec leur diagnostic.

Une alternative pourrait être la mise en place de politiques capables de sevrer progressivement le système de son addiction, mais les mesures nécessaires à cette fin sont politiquement impossibles à mettre en place aujourd’hui.

La Réserve fédérale, comme toutes les autres banques centrales, tente depuis dix ans d’éviter l’effondrement d’une montagne instable de dette tout en évitant simultanément l’effondrement de la confiance dans sa monnaie.

L’augmentation des taux décidée par la Fed en 2017 et 2018 visait en partie à renforcer la confiance dans le dollar. Rien n’augmente la confiance dans l’argent papier plus que la capacité à gagner des taux d’intérêts réels positif tout en conservant l’argent à la banque.

Mais nous savons tous comment cet exercice de renforcement de la confiance s’est terminé fin 2018. La Fed a reculé dès le premier signe d’adversité et a recommencé à calmer les caprices du système financier en lui donnant du sucre.

Taux zéro : encore deux ans minimum

Les taux d’intérêts sur les dépôts bancaires en dollars US et les bons du Trésor US ont été au-dessus de zéro pendant une période de temps si brève que le système économique n’a pas eu le temps de s’y habituer. Nous devons aujourd’hui faire face à la probabilité de taux d’intérêts à zéro pendant des années encore.

Une bonne nouvelle pour les emprunteurs, certes… mais n’oublions pas qu’il y a toujours un prêteur de l’autre côté de cette transaction. Dans l’économie actuelle, les prêteurs emploient de nombreux Américains et engrangent des intérêts ensuite reversés aux retraités.

Il y a des conséquences évidentes à maintenir les taux perpétuellement à zéro, comme le système financier japonais l’a prouvé à tout le monde.

La Fed marche sur la corde raide depuis la reprise économique post-2008. Aujourd’hui, avec l’incertitude radicale concernant les effets en cascade du coronavirus, il devient quasi-impossible pour les banques centrales de proposer aux investisseurs des résultats positifs.

Voici une leçon très importante de notre système accro à la dette, une leçon qui ne donne pas beaucoup de raison de croire en l’avenir :

Lorsqu’une économie s’endette, elle transfert ce qui aurait été son activité économique dans l’avenir vers le présent. Il est donc raisonnable de supposer, étant donné que la quantité de dette mondiale a augmenté en flèche au cours de la dernière décennie, qu’une grande quantité d’activité de production et de consommation a été elle aussi transférée de l’avenir vers le présent.

Si le bilan de la Fed augmente jusqu’à 10 000 ou 20 000 Mds$, les consommateurs ne seront pas plus susceptibles d’emprunter de l’argent s’ils ne le souhaitent pas.

La situation serait pire encore, du point de vue de la Fed, si les consommateurs et les entreprises entraient en mode « consolidation de bilan » et se mettaient à rembourser leur dette. Les revenus d’aujourd’hui serviraient alors à payer les achats fait à crédit hier. Du point de vue de la Fed, ce type de comportement est un véritable « anti-relance ».

Si les consommateurs ne se voient pas offrir le moindre intérêt sur leur épargne et doivent tout de même continuer de payer des intérêts sur leurs dettes, peut-on vraiment leur en vouloir de choisir de rembourser leur dette avec les chèques de relance qui seront envoyés dans les semaines qui viennent ?

A suivre…

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