La Chronique Agora

Une économie sous dopamine (2/2)

Les plans de relance des banques centrales « volent » en réalité l’avenir de ceux qu’elles prétendent protéger, en les poussant à prendre de mauvaises décisions.

La nature même de l’accumulation de la dette est comme un voyage dans le temps, disions-nous hier : un transfert de ce qui aurait été l’activité économique dans l’avenir vers le présent.

C’est aussi l’essence de la manière dont les banques centrales stimulent (soi-disant) les économies. Il s’agit surtout, en réalité, de perturber les préférences temporelles de chacun et de voler notre avenir, ce qui mène à de mauvaises décisions. C’est une vision à très court-terme.

Le transfert de l’activité économique future vers le présent provoque aussi les problèmes que nous avons constatés pendant la bulle immobilière aux Etats-Unis : l’avenir que nous avons hypothéqué arrive, et apporte avec lui un effondrement de la demande pour les biens déjà achetés.

Le cas de l’immobilier

Prenez par exemple le pic suivi d’un effondrement des nouvelles constructions de maisons aux Etats-Unis. Lorsque les nouveaux chantiers de constructions de maisons familiales ont atteint un pic, à 1,6 millions par an au début de l’année 2006, plusieurs années de demande future ont été absorbées par le présent.

Avec de faibles taux hypothécaires et l’abaissement des normes de souscriptions, des années de demandes ont été construites et livrées en un an. L’effondrement économique a rendu des millions d’acheteurs insolvables : ils ne pourront pas revenir sur le marché avant bien des années.

Il a fallu attendre 2012 pour voir la tendance reprendre à la hausse en matière de construction de maisons. Aujourd’hui encore, même si les données démographiques sur les propriétaires sont favorables, il y a toujours 33% de démarrages de travaux en moins qu’au moment du pic de 2006.

Voilà ce qui arrive quand on sponsorise une bulle. Ne vaudrait-il pas mieux éviter que les bulles ne se forment ?

On pourrait le penser… mais les banquiers centraux semblent toujours convaincus de pouvoir garder le contrôle.

Leur objectif, cibler un taux précis d’inflation attendue pour l’avenir, comme si l’économie était un thermomètre, n’est pas réaliste.

Poursuivre cet objectif multiplie les problèmes sans les résoudre, contrairement à ce qu’ils affirment. Pousser les consommateurs et les entreprises à acheter aujourd’hui en attendant que les prix montent dans l’avenir, c’est un peu la même chose que promouvoir la croissance sauvage d’activités de construction alimentée par la dette en 2004/2007.

Un cycle malsain

Les expériences de la Fed en matière d’impression de monnaie provoquent un afflux de sucre dans l’organisme naturel de l’économie… puis une gueule de bois.

Ce cycle gueule de bois/sucre/gueule de bois est la résultante du capitalisme de copinage et de la politique des banques centrales, et non du capitalisme réel. Ce système a eu pour conséquence une fragilisation des bilans des entreprises et des ménages.

Ce qui m’amène aux marges de profit des entreprises, et au fait qu’elles sont en danger dans cette économie alimentée par les hyperglycémies liées aux déficits fédéraux et à l’impression de monnaie.

Un secteur privé qui, par le passé, se nourrissait sainement, va aujourd’hui d’un sac de bonbons à l’autre. Les déficits et l’impression de monnaie ont nui à la santé de la majorité des entreprises.

Plutôt que de se nourrir constamment de l’épargne et de l’investissement de capital, de plus en plus de chefs d’entreprises se tournent vers des astuces de court terme pour conserver leurs postes et leurs sièges au conseil.

L’une de ces astuces a provoqué la vague de rachat d’actions hors de prix et de dividendes que nous avons vu ces dix dernières années.

Il est rare qu’une entreprise dégage suffisamment d’excédent de trésorerie pour pouvoir se permettre de distribuer toujours plus de cash à ses actionnaires. Les entreprises qui ne peuvent se permettre de rendre de l’argent aux actionnaires que dans certaines conditions favorables (c’est-à-dire la plupart des entreprises) finissent avec des réserves à sec pendant les périodes de vaches maigres.

Elles découvrent qu’elles ont gâché leurs ressources lorsqu’un catalyseur comme le coronavirus pointe le bout de son nez… et elles rêvent alors de pouvoir récupérer la trésorerie gâchée pour des rachats d’actions.

Impossible, pourtant. Elles veulent ensuite qu’on les sauve de leurs propres erreurs. Encore une fois, ce n’est pas du capitalisme. C’est du capitalisme de copinage.

Et nous allons tous devoir le payer.

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