Le Dow Jones bat des records… mais l’économie réelle ne confirme pas un tel boom. La Fed est dans l’impasse et les marchés aussi.
Nous avons eu de très belles journées lors de notre séjour en Irlande. Les gens vaquaient à leurs affaires en short et en t-shirt. « C’est un été irlandais », nous a expliqué un charpentier. Des cieux ensoleillés. Des fleurs épanouies. Température maximale : 18°C.
La maison reste un véritable chantier. Tous les matins à 8h, une équipe entière de charpentiers, peintres, plombiers et électriciens arrive. Ils s’affairent à mettre la touche finale à la maison avant l’arrivée de l’équipe de nettoyage.
Comme dans toute équipe, il y a des artisans sérieux… et quelques individus qui profitent d’un marché serré. Dans l’ensemble, cependant, c’est un plaisir de travailler avec le groupe.
Mick, par exemple, est un solide maçon, prompt à sourire, avec un accent à couper au couteau, qui est dans le métier depuis 40 ans. Il prend de la « boue » sur sa truelle, et d’un seul mouvement souple, il la place là où elle doit être. Aucun mouvement n’est superflu. Lorsqu’il soulève une pierre, il la pose directement à sa place.
« C’est soit une pierre, soit un trou », disent les maçons. « Soit on a une pierre qu’il faut mettre quelque part… soit on a un trou à combler. »
Le plus difficile est de faire correspondre les pierres aux trous. Il faut des années d’expérience pour y parvenir correctement – c’est un véritable art. Mick semble avoir la topographie de chaque pierre et de chaque trou gravée dans son esprit. Il rate rarement.
Pendant ce temps, sur les marchés…
Le fret ne confirme pas
La semaine dernière, le Dow Jones a battu un nouveau record à 26 966 points. Selon la théorie classique du Dow, on n’annonce pas un nouveau marché haussier tant qu’il n’a pas été confirmé par le Dow Jones Transportation Average – l’indice qui suit les actions des transports ferroviaire, aérien et routier. Cet indice doit lui aussi atteindre un sommet.
Ce n’est pas arrivé. Le Dow Transport a touché un sommet de 11 570,87 points il y a près d’un an, mais il a reperdu 9% depuis. Le Cass Freight Index – qui mesure le fret nord-américain – chute depuis la fin 2017.
S’il faut un double signal indiciel, c’est parce qu’on n’est pas certain d’avoir effectivement un boom tant qu’on ne voit pas les marchandises circuler – par rail, camion ou bateau. Si elles ne circulent pas… quelque chose ne va pas.
Dans le cas présent, l’économie ralentit. Les commandes manufacturières chutent. Le déficit commercial US se creuse. La Fed d’Atlanta vient de réviser son estimation du PIB pour le deuxième trimestre – à la baisse, à 1,3% seulement. L’emploi dans les petites entreprises, un indicateur avancé, dégringole.
Pourquoi les actions grimpent-elles ?
Il n’y a donc pas de véritable boom. Alors pourquoi les actions montent-elles ? Que s’est-il passé le 3 juin ? C’est à cette date que les actions ont commencé à grimper… tandis que l’économie – telle que mesurée par les rendements des bons du Trésor US à 10 ans, par le Cass Freight Index et par tout le reste ou presque – a continué à chuter.
La réponse a tout à voir avec la tendance à la « financiarisation », qui a commencé il y a environ 30 ans. C’est à ce moment-là que les dirigeants ont commencé à entrevoir toute la magie des politiques d’argent facile. Plus besoin de faire le dur travail du capitalisme gagnant-gagnant. Il suffisait d’entasser les dettes, de racheter ses propres actions et de regarder les cours grimper.
L’économie réelle a trébuché puis s’est affaissée. Les marchés financiers, en revanche, ont continué comme si de rien n’était – les actions grimpant de 200% sur les 10 dernières années.
Le 3 juin, cette divergence s’est élargie. L’économie est devenue de plus en plus faible. Pourtant, le S&P 500 a gagné 9%.
Quoi ? Que s’est-il passé le 3 juin pour que l’économie réelle et les marchés financiers empruntent des chemins aussi radicalement différents ? Nous avons regardé les gros titres. Tout y était : « Wall Street grimpe avec l’espoir de baisses des taux aux US ».
Les investisseurs s’attendent à plus d’inflation des prix des actifs. A présent, la Fed doit les exaucer.
Comme nous l’avons souligné il y a près d’un an, la Fed ne peut pas « normaliser » les taux parce qu’elle a créé une économie qui dépend de leur anormalité.
Aujourd’hui, elle ne peut même plus garder les taux stables. Elle doit les réduire, sinon, les marchés feront une crise de nerfs.
L’inflation ou la mort.