La Chronique Agora

Le dollar, la Fed et l’inflation : quatre scénarios pour la fin du monde

Callum Newman

▪ Imaginez ce scénario, cher lecteur.

En représailles des sanctions américaines suite à l’invasion de l’Ukraine, la Russie réagit ainsi : des pirates informatiques attaquent la Bourse de New York, la contraignant à fermer pour une durée indéfinie ; le gouvernement russe se débarrasse de ses milliards de bons du Trésor US sur le marché, causant une hausse des taux d’intérêts et faisant s’effondrer le marché immobilier américain. C’est la déroute totale parmi les banques, les gens paniquant et retirant leur argent. La Russie aurait frappé les Etats-Unis — sans tirer un seul coup de feu.

Ce n’est là qu’un seul des scénarios décrits par l’économiste, auteur et gestionnaire de hedge fund Jim Rickards concernant la nouvelle ère de « guerre financière ».

Votre argent est en plein milieu du conflit. Nous sommes tous otages sans vraiment y penser

Dans un monde où tout est connecté — les devises, les produits dérivés, les fonds de couverture, les marchés boursiers et obligataires — votre argent est en plein milieu du conflit. Nous sommes tous otages sans vraiment y penser.

Vous pensez que le scénario russe ci-dessus est tiré par les cheveux ? Rickards souligne que les Etats-Unis ont en réalité fait quelque chose de similaire en Iran. Il y a quelques années, le gouvernement américain a exclu l’Iran du système de paiement en dollars US, en réponse au programme nucléaire de l’Iran.

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L’Iran a réagi en tentant de vendre son pétrole en euros (Saddam Hussein avait autrefois menacé de faire la même chose). Les Iraniens se sont vite retrouvés exclus du SWIFT, le système de paiement européen. En un an, les exportations pétrolières iraniennes ont chuté, la devise s’est effondrée, l’inflation est devenue galopante et les banques du pays ont quasiment fait faillite. Rickards affirme que le régime iranien n’a survécu que parce qu’Obama a allégé les sanctions.

▪ Le même destin attend-il le dollar ?
La question principale de Rickards, cependant, est de savoir si le dollar US conservera son rôle de devise de réserve mondiale, tout en maintenant le système actuel en place. Il suffit de lire le sous-titre de son nouveau livre, The Death of Money: the Coming Collapse of the International Monetary System [« La mort de la monnaie : l’effondrement prochain du système monétaire international », ndlr.] pour constater quel est son point de vue sur la question…

Rickards affirme qu’un des principaux soutiens du dollar est vacillant : l’alliance Etats-Unis/Arabie Saoudite. L’accord était simple pendant plus de quarante ans. Les Saoudiens vendaient du pétrole, uniquement en dollars. Les Etats-Unis offraient protection et sécurité à la famille royale. Cet accord a été négocié entre Henry Kissinger et la famille des Saoud dans les années 70. Selon Rickards, cependant, l’administration Obama agit de manière à faire de l’Iran l’hégémonie de la région — ce que les Saoudiens considèrent comme un coup de couteau dans le dos ; ils pourraient en conséquence choisir de s’aligner avec la Russie et la Chine.

Le principal facteur déstabilisant du système basé sur le dollar US reste toutefois la gigantesque inflation de la masse monétaire mise en place par la Fed depuis 2008

Le principal facteur déstabilisant du système basé sur le dollar US reste toutefois la gigantesque inflation de la masse monétaire mise en place par la Fed depuis 2008. Selon Rickards, ceci a tué la période du « Roi Dollar », entre 1985 et 2010 environ. De sorte que le système financier mondial n’a pas d’ancre solide, tandis qu’un conflit majeur se déroule entre inflation et déflation. La dépression mondiale — et j’utilise le mot « dépression » en toute connaissance de cause — est naturellement déflationniste. Les banques centrales ne peuvent se permettre cette déflation. Elles tentent donc de la compenser en imprimant de la devise pour générer l’inflation.

▪ Mais où est cette inflation ?
Cela nous amène au sujet de la vélocité de la devise. Rickards est l’un des rares commentateurs à en parler. A la base, il s’agit de la vitesse à laquelle la devise circule dans l’économie. Et en ce moment, la vélocité est en chute libre aux Etats-Unis. La Fed ne peut générer le résultat qu’elle souhaite pendant que cela se produit. Le problème pour Janet Yellen, c’est que la Fed n’a aucun moyen de renverser cette situation. La vélocité est ce que Rickards appelle psycho-comportementale.

La Fed peut imprimer de l’argent. Mais si personne ne le dépense, cet argent a peu d’effet sur l’économie. La question est donc : si la Fed trouve un moyen de faire augmenter la vélocité, on aura de l’inflation. Si la vélocité augmente vraiment, on verra une gigantesque hausse des prix. Si la vélocité n’augmente pas, le monde sera embourbé dans un piège déflationniste qui donne des sueurs froides aux banques centrales. Pourquoi ? Parce qu’alors les dettes augmentent en termes réels. Les revenus fiscaux chutent. Les banques font faillite.

La Fed et les autres banques centrales ne voient pas de limite à la quantité de devise qu’elles peuvent créer pour générer de l’inflation

L’idée-clé de Rickards, c’est que la Fed et les autres banques centrales ne voient pas de limite à la quantité de devise qu’elles peuvent créer pour générer de l’inflation. Il affirme toutefois qu’elles ignorent la complexité de la situation et mettent le système en danger d’effondrement. Il utilise une analogie familière pour aider à comprendre cette idée. Imaginez que vous êtes assis dans un théâtre rempli. Deux ou trois personnes s’en vont. Vous n’en pensez rien. Vous restez assis à votre place.

Mais si 100 personnes se lèvent et sortent en courant, vous commencerez à envisager de partir avec elles — même si vous ne savez pas pourquoi. 200 personnes, et vous êtes dehors en un clin d’oeil. C’est la situation critique dans laquelle se trouve le système financier selon Rickards. Et si une autre crise arrive, tout le monde pourrait se ruer vers la sortie. Ensuite, il y a quatre scénarios : un retour à l’or, une devise FMI, un panier de devises ou l’effondrement complet du système monétaire. Comme ci-dessus, inutile de vous préciser sur quoi Rickards parie…

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