La Chronique Agora

Le dollar est nu… mais c’est la Zone euro qui frissonne

▪ Difficile d’échapper mercredi à la thématique du « complot » visant à déstabiliser la Zone euro, que ce soit sur les grandes chaînes nationales, dans la presse ou sur les sites économiques et boursiers.

La raison, vous commencez à bien la connaître : nous inaugurions en effet notre chronique de lundi sur les propos vengeurs de Laurence Parisot au sujet des méchantes rumeurs, articles et déclarations aspergeant à jet continu nos marchés du goudron de l’agonie de la Zone euro durant une bonne partie du mois d’août.

Nos lecteurs se sont vus exposer de tels épisodes de « propagande noire » à de nombreuses reprises dans nos chroniques. Les éléments à charge étaient tout aussi accablants, les auteurs toujours aussi anonymes, ceux qui pouvaient en tirer profit presque toujours anglo-saxons ; cherchez à qui profite le crime et vous ne tarderez pas à cerner qui en sont les auteurs…

Laurence Parisot ne vous apprend rien, certes, mais elle ose désigner nommément les coupables — jamais poursuivis — dont vous suivez les nombreux méfaits — toujours impunis — de longue date.

Cette fois-ci, les autorités boursières et judiciaires ne vont pas pouvoir continuer à faire comme si elles ne voyaient rien. Le buzz est trop intense, les langues se délient : des enquêtes vont être diligentées. Cependant, vous devinez déjà que nous ne sommes pas près de voir des coupables dans un box, démasqués et humiliés en public comme un vulgaire Madoff (qui s’était quasiment livré de lui-même à la justice, sans quoi il apparaissait intouchable).

Ne vous faites pas d’illusion, les « malfaisants » auxquels Laurence Parisot fait allusion (ceux que nous baptisons les Nuisibles Anonymes) ne seront ni identifiés ni inquiétés. Rien de nouveau sous le soleil.

▪ Pourtant, quelque chose va changer : la porte-parole du cercle des élites a osé s’écrier « le roi est nu ». Maintenant, toute la cour renchérit soudain : « bon sang, mais c’est l’évidence même, les marchés sont un repaire de traîtres et de félons, ce sont eux qui ont volé à l’insu de notre pleine conscience les habits royaux, dressons vite un échafaud ».

En fait, il aurait aussi bien pu continuer de ne rien se passer… Mais les Nuisibles Anonymes y sont allé un peu trop fort, de façon un peu trop voyante, en réalisant de gros gains un peu trop « immoraux » — si tant est que quelqu’un sache comment s’orthographie le mot « morale » dans le panier de crabes des brasseurs d’argent.

C’est désormais une vérité quasi officielle, admise, intégrée : les marchés font parfois l’objet de sombres manipulations ; le mensonge, l’inconséquence et l’absurdité y règnent en maîtres. Le tir sur l’ambulance est effectivement un sport planétaire, tout du moins au sein de la sphère financière… laquelle nous rappelle par bien des aspects la sphère politique.

La jungle boursière n’est donc pas faite pour les Bisounours !

Cette révélation est accablante, elle va semer la consternation chez les épargnants !

Nous ne les croyons pas si naïfs. Si plus de la moitié d’entre eux a déserté la Bourse depuis 2001 (nombre d’irréductibles ont fini par lâcher l’affaire suite au krach de 2008), ce n’est pas parce qu’ils ont été pris d’une soudaine passion pour le Livret A ou les machines à sous.

Il n’est guère utile de leur demander ce qui leur fait préférer l’or et l’immobilier… et de façon plus ludique, une belle cave garnie de grands crus et d’honnêtes « vins de soif » à boire entre amis.

Mieux vaut une bonne bouteille qui titre ses 12,5° qu’un portefeuille qui affichait encore -12,5% à la veille de l’ultime séance du mois d’août.

▪ Le tableau était un peu moins sombre mercredi au coup de cloche final à Paris. Le CAC 40 a terminé pratiquement au plus haut du jour, sur un gain de 3,07%, à 3 257 points, son meilleur niveau depuis le 15 août dernier.

Malgré l’embellie des toutes dernières séances, le mois d’août se solde par une perte de 9,25%. Il s’agit du pire terme boursier depuis janvier et octobre 2008 ; à l’époque, le CAC 40 avait perdu plus de 13%.

A titre de comparaison, le Dow Jones, qui aligne une septième séance de hausse (+0,5%), ne cède que 4,25% sur le mois écoulé. C’était même -3,25% vers 16h, quand l’indice phare se hissait vers 11 700 points et retrouvait ses meilleurs niveaux depuis le 2 août dernier.

Une contreperformance de 4% ou 5% (voir le Nasdaq) ne laisse pas un bon souvenir, mais ce n’est pas le genre d’écart qui fait désespérer de « revoir ses cours ». Ce n’est pas non plus le genre de cataclysme boursier qui démontre que Wall Street désespère de la conjoncture — si tel était le cas, il n’y aurait pas lieu de lui en faire le reproche !

▪ La journée d’hier a été marquée par une série de statistiques qui confirme la morosité de l’activité aux Etats-Unis. La première concernait le nombre d’emplois créés dans le secteur privé au mois d’août. L’enquête ADP fait état d’un montant inférieur aux prévisions, soit 91 000 au lieu des 100 000 à 105 000 anticipés.

L’indice d’activité PMI de Chicago s’est inscrit en retrait, à 56,5 contre 58,8 en juillet, alors que les économistes anticipaient une contraction plus sévère de l’indice, à 5. Les commandes à l’industrie américaine ont quant à elles rebondi plus vivement que prévu en juillet, de 2,4% contre 1,9% attendu, sous l’effet des commandes aéronautiques (+14,8%, merci Boeing).

Comme l’avait démontré mardi l’accueil quasi surnaturel réservé à l’effondrement de l’indice de confiance du Conference Board, tout ce qui noircit le tableau économique aux Etats-Unis renforce la probabilité de voir la Fed mettre en oeuvre de nouvelles mesures de soutien monétaire d’ici trois semaines.

▪ Les minutes publiées mardi soir démontrent que la Banque centrale américaine était en fait déjà prête à agir le 9 août dernier mais hésitait sur le choix de l’outil le plus approprié.

Le scénario désormais jugé le plus probable, c’est le rachat de créance pourries directement auprès des banques américaines. Cela améliorera mécaniquement leur ratio tier one sans qu’elles aient besoin de faire appel au marché.

Si la BCE ne met pas en place un dispositif comparable (mais de façon plus subtile), c’est l’ensemble du secteur européen qui se retrouvera une fois de plus le dindon de la farce.

Et ça, ce n’est pas une rumeur malveillante de plus, il n’y a aucun complot là-dessous : c’est un simple constat, sans illusion. Si le roi dollar est nu, ce sont bien les dettes souveraines européennes qui ont la chair de poule !

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