La Chronique Agora

La diplomatie de l’ombre

Kennedy, guerre, paix

Si la recherche d’accords honorables entre nations permet parfois d’éviter la guerre, pousser à la paix ne fonctionne pas toujours.

Comme nous l’avons vu la semaine dernière, les Kennedy, une fois arrivés au pouvoir, ont multiplié les programmes. Bobby, comme procureur général des Etats-Unis, s’est attaqué à la mafia. Jack, le président, créait le Peace Corps (Corps de la Paix) en 1961. Et leur sœur Eunice fondait en 1968 les Jeux olympiques spéciaux.

Plusieurs de nos amis ont rejoint le Peace Corps dans les années 1960 et 1970. Ils vivaient dans des huttes en Afrique… ou dans des cabanes en tôle rouillée en Amérique du Sud. Nous ne savons pas s’ils amélioraient les choses… mais ils croyaient que c’était le cas.

Mais tout le monde n’était pas d’accord avec les Kennedy. Jack et Bobby en vinrent rapidement à considérer le complexe militaro-industriel, allié aux intérêts des agences d’espionnage et au Congrès américain, sous un jour nouveau. Ce complexe ne contribuait pas à répandre la véritable vertu de l’expérience américaine, mais à la transformer en vice.

Assassinats de dirigeants étrangers… instigations de révolutions… coups d’Etat : les fauteurs de guerre éloignaient de plus en plus les Etats-Unis de la démocratie honnête qu’ils étaient censés être.

Lors de la crise des missiles de Cuba, Kennedy a ignoré ses conseillers militaires (à l’exception de Robert MacNamara). Au lieu de procéder à une « première frappe » avec des armes nucléaires contre le Kremlin, il a préféré négocier directement avec Nikita Khrouchtchev. Le président russe avait ses propres partisans qui essayaient de le pousser à une action militaire.

Mais Kennedy et Khrouchtchev sont parvenus à un accord honorable pour les deux parties. Les Russes ont décidé de retirer leurs missiles et les Américains se sont engagés à ne pas envahir l’île.

(Notez que cet accord est en grande partie le reflet de la proposition faite par Vladimir Poutine à la veille de son invasion de l’Ukraine. Les Ukrainiens, soutenus par leurs conseillers américains, ont rejeté l’accord.)

Une sorte de paix

Plus tard, Kennedy a élaboré un traité d’interdiction des essais nucléaires.

Dans un célèbre discours, prononcé il y a 60 ans, Kennedy a expliqué ce qu’il essayait de faire : « quelle sorte de paix recherchons-nous ? », a-t-il demandé.

« Non une Pax Americana imposée au monde par les armes de guerre américaines ; non la paix du tombeau ou la sécurité de l’esclave. Je parle de la paix authentique, le genre de paix qui fait que la vie sur Terre vaut la peine d’être vécue ; le genre de paix qui permet aux hommes et aux nations de croître, d’espérer et d’édifier une vie meilleure pour leurs enfants ; non seulement la paix pour les Américains, mais la paix pour tous les hommes ; non seulement la paix à notre époque, mais la paix à toutes les époques. 

Je parle de la paix comme d’une fin nécessaire et raisonnable que doivent envisager des hommes raisonnables. J’ai conscience que la poursuite de la paix n’est pas aussi spectaculaire que celle de la guerre – et souvent les termes employés par ceux qui la poursuivent tombent dans des oreilles lasses. Mais nous n’avons pas de tâche plus urgente. […] »

Robert Kennedy Jr écrit dans son dernier livre que, le 11 octobre 1963, soit cinq semaines avant sa mort, JFK court-circuitait son propre Conseil de sécurité nationale et publiait le mémorandum 263 sur la sécurité nationale, officialisant le retrait du Vietnam de « 1 000 militaires américains avant la fin de 1963 » et de « l’essentiel du personnel américain avant la fin de 1965 ».

Mais le désir de paix a mis les Kennedy en guerre contre l’industrie la plus puissante des Etats-Unis, celle contre laquelle Dwight Eisenhower avait mis en garde en 1961, le « complexe militaro-industriel » mentionné précédemment.

Les choses se sont déroulées telles qu’une personne cynique aurait pu l’imaginer. « Camelot » a pris fin brutalement.

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