La Chronique Agora

Dévaluation de la monnaie, dévaluation de la parole

La parole se dévalue – et la vérité vacille. Dans un monde de fake news et de manipulation, il est impératif d’apprendre à reconnaître le vrai.

Il en va de la parole comme de la monnaie, elle se dévalue.

La parole, comme la monnaie est un signe – un signe articulé à une réalité, la vérité ou la richesse. Un signe qui tire sa valeur de sa capacité à représenter, à venir à la place de quelque chose de réel ; le signe est en quelque sorte le tenant-lieu, le symbole du réel.

Mais bien sûr, on peut tricher !

On peut escamoter le réel ou le remplacer par un faux. C’est ce que font les faux-monnayeurs de la monnaie et les faux-monnayeurs de la parole. Des gens comme Trump ou Macron, par exemple.

Les philosophes ont montré les possibilités de disjonction qui existent entre d’un côté le langage, la parole, le discours – et de l’autre le réel, la vérité, le monde.

Les philosophes ont, sous l’influence de certaines théories issues du marxisme, de la psychanalyse ou même de la physique, introduit la notion de relativité et ouvert la voie à la disparition des référents.

Certains ont affirmé que la vérité n’existait pas et que seules comptaient la loi du plus fort, la répétition et la manipulation. Des gens comme Michel Foucault ont connu un grand succès, et avec lui ceux que les Américains ont récupéré sous le nom de philosophes de la French Theory.

Ces gens qui se sont trompés sur tout et en particulier sur les révolutions socialistes ont tout détruit, tout déconstruit, sous prétexte de tout libérer et/ou désaliéner.

Tout cela donné un monde nouveau, libéré de l’ancrage et du poids du réel, de la pesanteur des valeurs et bien sûr de l’héritage et de la tradition. Le vieux a été déprécié, le moderne survalorisé.

A côté de leurs pompes

Le moderne puis le post-moderne ont pu s’implanter et s’incruster grâce aux progrès des techniques et à la digitalisation. Ainsi a pu s’ouvrir le temps de la post-vérité.

Comprenez que la vérité est le rempart contre la tyrannie. Le vrai est ce qu’il est ; il ne dépend pas du nombre ou de la force, non, le vrai, il est en soi, en lui-même. En tant que référence objective, il est le garant des faibles contre les forts, contre ceux qui prétendent imposer leur vérité, la leur.

La vérité est la même pour tout le monde, aussi bien pour Trump ou Macron que pour un Iranien ou un gilet jaune. La vérité, c’est l’arbitre suprême.

Tout ceci pour vous dire que le progrès a certes des aspects positifs, mais qu’il a également des aspects destructeurs. Il permet la destruction de la référence au monde, au vrai, au réel.

Le progrès, utilisé par les médias des pouvoirs, a – surtout pour les moins cultivés et donc les plus crédules – détruit le lien symbolique entre le discours et ce qu’il est censé refléter. Le progrès permet, dans sa perversion, de faire vivre les gens, la masse, dans un imaginaire. Il fait marcher les gens à côté de leurs pompes.

La toute-puissance de l’image

C’est le progrès qui a ouvert la voie au monde des fake news, au monde de la post-réalité. Au monde de l’opinion manipulée.

C’est le progrès qui a permis de franchir une étape supplémentaire. L’image supplante maintenant les mots.

Une image vaut peut-être 1 000 mots ; rien ne convainc comme un enregistrement audio ou vidéo d’un événement. A une époque où les gens peuvent à peine s’entendre sur les faits, le pouvoir des images est extrême.

Un tel pouvoir de persuasion pourrait sembler apporter une clarté bienvenue. Les enregistrements audio et vidéo permettent aux gens de devenir les témoins directs d’un événement. Grâce aux smartphones, qui facilitent la capture de contenus audios et vidéos, et aux plates-formes de médias sociaux, qui permettent à ce contenu d’être partagé et consommé, les gens peuvent aujourd’hui croire qu’ils peuvent compter sur leurs propres yeux et oreilles à un degré sans précédent.

C’est là que réside un grand danger.

« Imaginez une vidéo montrant le Premier ministre israélien en conversation privée avec un collègue, révélant apparemment un plan visant à mener une série d’assassinats politiques à Téhéran. Ou un clip audio de responsables iraniens planifiant une opération secrète pour tuer des dirigeants sunnites dans une province irakienne donnée. »

Dans un monde déjà préparé à la violence, de tels enregistrements auraient un puissant potentiel d’incitation.

Imaginons maintenant que ces enregistrements puissent être falsifiés à l’aide d’outils disponibles pour presque toutes les personnes disposant d’un ordinateur portable et ayant accès à internet – et que les contrefaçons qui en résultent sont si convaincantes qu’il est impossible de les distinguer de la réalité.

Bien entendu, la situation crée un enjeu politique : celui du contrôle de l’opinion. C’est ce qu’a perçu l’ingénieur social et politique que fut Zbigniew Brzezinski. Une nouvelle ère s’est ouverte avec ce progrès, avec le numérique, avec les réseaux sociaux.

La manipulation peut désormais être à l’échelle nationale ou mondiale, instantanée et quasi sans contre-pouvoir.

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