La Chronique Agora

Deux chocs

** "L’économie a été frappée par deux chocs", annonçait mardi dernier Andrew Sentance, décideur à la Bank of England, dans un discours.

– Il parlait plus spécialement de l’économie britannique, mais ces deux chocs ont également été ressentis comme une grande claque par les grands pontes de l’économie dans les pays développés.

– Les deux horribles chocs en question sont "les turbulences des marchés financiers, et une sévère augmentation du pétrole et des matières premières".

– "[Ils] opèrent dans des directions opposées en termes d’impact sur l’inflation", constate Andrew Sentance. "Juger de la politique monétaire appropriée ne sera pas chose facile".

– Mais a-t-on besoin de juger de la réponse la plus appropriée quand on dispose d’une presse à billet ?

** L’augmentation de la masse monétaire européenne a atteint en octobre un taux record pour les 28 dernières années, a annoncé la Banque Centrale Européenne (BCE).

– La masse monétaire M3 — "que la BCE utilise comme jauge pour anticiper l’inflation", comme le note Bloomberg — a augmenté de 12,3% par rapport au mois d’octobre de l’année dernière, l’augmentation la plus rapide depuis juillet 1979. Mais cette inflation monétaire risque d’augmenter encore plus vite si les chiffres de novembre sortent tard en décembre.

– Rien que la semaine dernière, la BCE a promis de renflouer les marchés monétaires avec 30 milliers de milliards d’euros supplémentaires (44, 27 milliers de milliards de dollars) en fonds à court terme, "un autre indice indiquant que la crise du crédit est loin d’être terminée", comme le rapporte Sean O’Grady pour The Independent à Londres.

– Mercredi dernier, la BCE a effectué son plus gros prêt sur trois mois depuis avril 2001. Ces prêts à court terme sont censés diminuer la pression à la hausse subie par les taux d’intérêts de l’économie de marché, qui ont sérieusement augmenté au cours de la récente crise du crédit.

– Résoudre les tensions dans les marchés financiers ne représente qu’une moitié de la tâche de la Banque centrale. Elle doit également faire face à une autre responsabilité : défendre la "stabilité des prix". En d’autres termes, l’inflation ne doit pas pouvoir dépasser certaines limites, décidées autour d’un café dans la grande salle de conférence où les politiciens et les pontes de la Banque centrale taillent leurs bavettes quotidiennes.

– Le seuil d’inflation, actuellement, est fixé à 2% en Europe et au Royaume-Uni. Mardi dernier, cependant, le Bureau des statistiques allemand a annoncé que l’inflation des prix des produits de consommation — dans la troisième plus grande économie mondiale — allait augmenter de 3,0% en novembre ; la plus grande augmentation depuis février 1994.

– "Un sentiment d’inflation imminente influence actuellement les consommateurs allemands", prévient le cabinet de consultants GfK, hautement reconnu. "Les facteurs positifs évidents, tels que l’amélioration durable du marché du travail et l’augmentation des salaires, semblent insuffisants pour empêcher l’évaporation de l’optimisme".

– "Un ancrage solide face aux prédictions d’inflation est d’autant plus important dans une période de turbulences associée à cette correction du marché", comme l’a dit lundi dernier Jean-Claude Trichet, président de la BCE.

– Cela explique pourquoi les dirigeants de banques centrales du monde entier se sont tous arrachés les cheveux. Soit vous renflouez les marchés monétaires avec un flot de liquidités… soit vous mettez un couvercle sur l’inflation.

– Vous ne pouvez pas faire les deux, l’histoire l’a prouvé. Et la plupart du temps — surtout quand vous êtes coincé entre un terrible resserrement du crédit d’un côté et un choc pétrolier carrément haineux de l’autre — il semble que vous ne puissiez faire ni l’un ni l’autre.

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