Le plus inquiétant dans la dette mondiale n’est pas les montants mais que les chiffres dépassent totalement la dimension humaine.
J’ai récemment lu dans la présentation d’une mine d’or ces trois chiffres :
Dette de l’Etat américain : 20 000 milliards de dollars
Dette mondiale : 233 000 milliards de dollars
Produits dérivés financiers : 545 000 milliards de dollars
La plupart des gens se sont désormais habitués à ces milliers de milliards. Jusqu’à présent tout va bien. Pourquoi cela ne continuerait-il pas… Pourquoi pas des millions de milliards ?
Ces montants sont libellés en monnaie et plus précisément en dollars.
En nous laissant polluer par les discours des politiciens, des banquiers centraux et par les simagrées monétaires, nous perdons de vue l’essentiel.
L’économie consiste avant tout à échanger quelque chose contre autre chose. Dans le cadre d’un accord librement conclu, chacun estime être gagnant dans l’échange, sinon cet échange ne se ferait pas.
La monnaie, l’argent ne « fait » pas l’économie. C’est simplement un stade transitoire ; le seul moteur de l’économie, la seule source de prospérité, est l’échange qui s’avère ensuite fructueux pour l’acheteur et le vendeur. Mais l’intermédiaire, la monnaie, peut parfois brouiller les perceptions et c’est exactement ce que font les banquiers centraux.
La monnaie marchandise est la monnaie la moins polluante car lorsqu’une transaction se noue, on échange quelque chose contre autre chose de tangible qui existe déjà : une marchandise qui a acquis par l’usage un statut de monnaie. L’or et l’argent se sont finalement imposés avant d’être définitivement chassés de tous les systèmes monétaires en 1971.
« La vraie percée de l’histoire monétaire se produisit quand les gens apprirent à avoir confiance en une monnaie qui manquait de valeur inhérente mais plus facile à stocker et à déplacer.
[…]
Si elle instaure la confiance universelle entre étrangers, cette confiance est investie non pas dans les hommes, les communautés ou les valeurs sacrées, mais dans la monnaie elle-même et les systèmes impersonnels qui la soutiennent ».
Yuval Noah Harari, Sapiens – Une brève histoire de l’humanité
Avec la monnaie sous forme de crédit que nous connaissons, l’acheteur n’a pas de contrepartie à proposer au vendeur au moment de l’échange. Mais le vendeur accepte l’échange car il est confiant qu’un jour ou l’autre, la contrepartie se matérialisera.
Marcel Dugenou achète une voiture à crédit. Il n’a pas l’argent correspondant, il pense simplement qu’il pourra l’avoir. Les comptes du constructeur, du concessionnaire sont crédités, le compte de Marcel Dugenou sera régulièrement débité et l’organisme de crédit touche sa commission.
Nous vivons une époque où les grands prêtres, scribes et autres teneurs de registres de dettes ont été remplacés par des banquiers commerciaux et des banquiers centraux garants des premiers. L’économie actuelle repose majoritairement sur l’échange de quelque chose contre une promesse (Marcel Dugenou ne sera pas chômeur, invalide, possède une assurance décès).
Alan Greenspan, Ben Bernanke, Janet Yellen, Jerome Powell, Jean-Claude Trichet, Mario Draghi… ne sont que des intermédiaires, « vendeurs de confiance » et de vagues promesses qu’un jour, ce qui a déjà été vendu et consommé sera équilibré par autre chose ayant une valeur.
Où leurs vagues promesses nous ont-elles emmenés ?
1 million de $ = une dépense de 1 $ par seconde durant 12 jours
1 milliard de $ = une dépense de 1 $ par seconde durant 32 ans
1 000 milliards de $ = une dépense de 1 $ par seconde durant 32 000 ans
Ridicule ? Insoutenable ? Inhumain ? Vous choisissez l’adjectif qui vous convient.
Oublions les produits dérivés. Restons-en à la dette mondiale. Considérons que sur sept milliards d’habitants de la Terre, 3,5 milliards sont capables de gagner leur vie. Ils supportent chacun 32 285 $ de dette. Mais personne ne leur a vraiment dit. Ils pensent que ce n’est pas leur affaire. Ils essaient de gagner leur vie et ils dépensent ce qu’ils gagnent. S’ils veulent plus que ce qu’ils gagnent, ils s’endettent. Aujourd’hui la richesse se mesure à la « capacité d’endettement ».
Si vous croyez que ces dettes seront payées un jour et que la monnaie des banquiers centraux mérite votre confiance, je crains que votre naïveté ne vous coûte très cher.