La Chronique Agora

Le vrai sens de la dette publique ? Un déficit de démocratie

▪ Dire qu’il y a trop de dettes publiques est devenu banal. Le FMI s’en inquiète, la Banque des règlements internationaux s’en inquiète, la Banque nationale suisse s’en inquiète, l’Allemagne s’en inquiète. Le Japon, les Etats-Unis et la France inquiètent…

En France, ce fardeau pèse plus de 33 000 euros par habitant. Il serait plus juste de dire que chaque personne qui travaille doit 87 000 euros. Comment en sommes-nous arrivés là ?

La dette est avant tout de l’impôt qui n’a pas été levé, de l’impôt stocké, prêt à être levé. La dette est le cumul de budgets déséquilibrés depuis 1974. L’Etat dépense plus que ses recettes fiscales. Cependant, notre gouvernement arrive encore et toujours à emprunter à bon compte car nos créanciers étrangers savent que la réserve d’épargne personnelle des Français couvre le passif national ; la France (au contraire de la Grèce) est forte d’une armée de fonctionnaires dévolue à la noble mission de faire rentrer les impôts.

Pour taxer, il aurait fallu débattre, convaincre du bien-fondé de telle ou telle dépense

Pourquoi jusqu’à présent nos gouvernements ont-ils préféré le déficit à lever des impôts ? Parce que pour taxer, il aurait fallu débattre, convaincre du bien-fondé de telle ou telle dépense. Etes-vous d’accord pour offrir pour le statut d’intermittent du spectacle aux artistes ? Pas sûr si le dernier spectacle de votre maison de la culture vous a assoupi après 20 minutes. Etes-vous d’accord pour payer la retraite à 50 ans aux cheminots (personnel roulant) alors que votre boulanger qui fait de l’excellent pain ne la prendra qu’à 62 ans (en admettant qu’il y ait suffisamment de nouveaux entrants pour lui payer sa rente) ? Souhaitez-vous vraiment aider les chauffeurs de taxis face à la « concurrence sauvage » des véhicules avec chauffeur ? Peut-être pas si vous avez attendu 45 minutes sous la pluie la dernière fois que vous avez eu besoin d’un taxi et qu’une fois dans la voiture les odeurs du berger allemand mouillé (pour la sécurité) et de la boule de parfum pendue au rétroviseur vous ont donné la nausée.

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Une discussion parlementaire révèlerait finalement que telle ou telle dépense n’a d’autre but que de favoriser tel ou tel lobby dont le mérite principal est le nombre de voix qu’il peut apporter au gouvernement en place. Politiquement, il est donc bien plus sage d’esquiver le débat et de recourir en douce au déficit financé par l’emprunt.

Le « bon impôt » serait celui qui a été débattu et démocratiquement accepté

▪ Qu’est-ce qu’un « bon impôt » ?
La véritable origine de la dette publique est donc d’abord un déficit de démocratie. Un vieux principe de droit (le Bill of Rights des colons américains) dit « pas de taxation sans représentation » : en démocratie représentative, celui qui paie l’impôt a le droit de participer au débat. Autrement dit le « bon impôt » serait celui qui a été débattu et démocratiquement accepté — et inversement : le déficit est une déviance du fonctionnement démocratique.

Nos ancêtres — qui avaient promulgué le 26 août 1789 la Déclaration des droits de l’homme — avaient bien vu venir ce risque et prévu d’y remédier avec les articles 12 à 15.

Article 12 – La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique ; cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux à qui elle est confiée.
Article 13 – Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés.
Article 14 – Les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée.
Article 15 – La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration.

225 ans plus tard ces sains principes sont lettre morte.

La contribution commune est-elle nécessaire ? Librement consentie ? Egalement répartie selon les facultés ? En matière fiscale, la force publique est-elle utilisée à l’avantage de tous ?

Si nous pouvions répondre assurément « oui » à toutes ces questions, le déficit et la dette n’existeraient pas. Dans ce sens, nous pouvons conclure que la dette et le cumul des déficits sont contraires aux Droits de l’homme.

Est-il légitime ou moral que l’impôt de tous finance ce qui choque des convictions respectables de certains

▪ Et la moralité, dans tout ça ?
La question de la moralité de l’impôt mériterait d’être aussi débattue car, même en supposant un parcours constitutionnel, majorité n’est pas nécessairement synonyme de légitimité et encore moins de moralité. Est-il légitime ou moral que l’impôt de tous finance ce qui choque des convictions respectables de certains : des partis politiques à tendance totalitaire ou xénophobes, des syndicats, des associations, des édifices religieux, l’avortement, l’euthanasie, une agriculture polluante, une pêche dévastatrice, le nucléaire, des interventions militaires ?…

Avez-vous d’ailleurs remarqué que les déclarations de guerre se font rares tandis que les interventions armées justifiées par de vagues principes se multiplient ? Une chose est de débattre puis voter une guerre en assemblée, une autre est de se cacher derrière des organismes internationaux, des principes fumeux et des discours entremêlant des grands mots rassurants comme « Droits de l’homme », « paix », « sécurité » et « stabilité » qui sonnent bien dans les chaumières au JT de 20h00.

La dette publique est d’abord le résultat d’un déficit de démocratie qui promeut le capitalisme de copinage, la distribution de faveurs. Notre démocratie est devenue une farce et les épargnants naïfs en seront les dindons.

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