La Chronique Agora

Dette, inflation, déflation… et leurs conséquences inattendues

▪ "Les chiffres font naître des craintes sur une économie hésitante", disait le Financial Times la semaine dernière.

Quelle surprise ! Qu’est-il arrivé à la reprise ?

Les marchés ont chuté. L’or aussi.

Pourquoi l’or baisse-t-il ? Parce que les gens réalisent enfin que la déflation est le véritable risque, non l’inflation. Le métal jaune pourrait continuer à dégringoler pendant encore longtemps… mais c’est difficile à dire. Il peut grimper durant une déflation, mais tout dépend des marchés — de leur volatilité et de leur incertitude. Durant un ralentissement stable à la japonaise, l’or pourrait baisser et rester bas pendant des années.

Enfin, vous connaissez notre point de vue sur la question. Nous verrons toutes sortes de "’flation" avant que cette crise ne se termine. La déflation. L’inflation. La stagflation. L’hyperinflation. Et ainsi de suite.

Les derniers chiffres nous disent que les emplois baissent. Les bons du Trésor US ont atteint leur point le plus élevé de ces 14 derniers mois. Un T-note à 10 ans rapporte tout juste 2,93%.

Comme vous le savez, cher lecteur, les autorités ne peuvent pas vraiment faire disparaître les mauvaises dettes. Tout ce qu’elles peuvent faire, c’est la faire circuler. Les parties liées à la transaction — les créditeurs et les débiteurs — décident généralement entre eux qui portera la perte. En général, si le débiteur ne peut payer, le créditeur perd son argent. Lorsque les autorités s’en mêlent, tout peut arriver ou presque… mais jamais rien de bon.

▪ Le plan général du gouvernement consiste à collectiviser les pertes — en les faisant porter soit par les contribuables, soit par le public. Lorsque le gouvernement emprunte de l’argent pour financer ses renflouages et autres usines à gaz, par exemple, il ôte les pertes des gens qui les méritent et les refile au contribuable.

Et s’il peut réussir à faire grimper un peu d’inflation des prix à la consommation, c’est encore mieux. Les pertes semblent alors disparaître dans les airs… comme des fumées délétères. Le public tout entier les inhale ; la tête lui tourne un peu. Il ne sait pas quoi penser, ni qui accuser.

Dans le cas présent, certains économistes sont pour qu’on refile les pertes aux contribuables. D’autres sont contre, préférant contraindre le public dans son ensemble à endosser les pertes par le biais de l’inflation.

Le problème, c’est que ces plans bancals tendent à avoir des conséquences inattendues.

▪ Les autorités japonaises ont d’ailleurs réussi un joli coup, dans ce domaine. Elles ont emprunté à leur propre population pour financer un programme de renflouage/usines à gaz sur 20 ans. L’idée était de fournir "un stimulant contre-cyclique".

Naturellement, les stimulants n’ont jamais semblé stimuler quoi que ce soit — sinon plus de stimulants. Le programme s’est poursuivi durant deux décennies… et pour autant que nous en sachions, l’économie japonaise boite toujours.

L’effet que les économistes n’avaient pas anticipé, c’est que l’économie n’a pas décollé. Deux décennies de ralentissement par intermittences s’en sont suivies. Voilà pourquoi il aurait mieux valu laisser le créditeur et les débiteurs régler le problème entre eux… encaisser leurs pertes en 1990… et c’est tout !

Il y a eu un autre résultat inattendu, qui dure encore aujourd’hui. Le gouvernement a pris l’épargne des ménages japonais et l’a dépensée. A présent, toute une génération de seniors japonais se tourne vers les obligations comme source de revenus pour la retraite. Le problème, c’est qu’il n’y a plus de richesse. Les autorités ont pris du crédit et l’ont transformé en débit. Elles ont fait main basse sur l’excès de richesse d’une génération tout entière et l’ont gaspillé. A présent, au lieu de faire appel à leurs économies pour leur retraite, les Japonais espèrent que la génération suivante sera assez gentille — et riche — pour éponger les dettes qui lui sont imposées.

Le souci, c’est que la génération suivante a trop de dettes. Les dettes gouvernementales en suspens représentent près de 200% du PIB. Avec un taux à 0%, il n’est pas très difficile de payer les intérêts. Mais même le Premier ministre japonais commence à se demander comment rembourser. Et les taux d’intérêt ne resteront pas éternellement au plancher.

Imaginez que l’inflation grimpe… et que les investisseurs deviennent nerveux. Imaginez que le coût du remboursement grimpe au Japon comme il l’a fait aux Etats-Unis dans les années 70. A 10% d’intérêt, le coût représenterait un cinquième du PIB — soit environ l’intégralité du budget gouvernemental.

Bien entendu, le système s’effondrera avant… laissant les retraités japonais avec bien moins d’argent qu’ils pensaient en avoir.

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