La Chronique Agora

Dette delenda est

▪ "Dette delenda est", avons-nous dit à notre public londonien la semaine dernière. "Il s’agit d’un problème de dette. Ce n’est pas un problème de liquidités. Ce n’est pas un problème d’échec du capitalisme. Ce n’est pas un problème de régulation. C’est un problème de dette. Trop de dette. Trop à rembourser".

"Comment vont se dérouler les événements ? C’est ce que nous surveillons. En fin de compte quand on a trop de dette, il ne sert à rien de la refinancer. Il ne sert à rien de la rééchelonner. Il ne sert à rien de retarder l’inévitable. Il faut détruire les mauvaises dettes. Aussi vite que possible".

Le Dow a perdu du terrain en fin de semaine dernière. Où est la suite ?

Hm… La Fed promet 600 milliards de dollars aux spéculateurs. Alan Greenspan, écrivant jeudi dernier dans le Financial Times, déclare que la Fed a l’intention de baisser la valeur du dollar. Ben Bernanke, de son côté, dit que la Fed veut augmenter les prix des actifs.

Et malgré tout, les actions ne grimpent pas. Elles baissent.
 
Qu’est-ce que ça signifie ?

L’idée sous-jacente à l’injection d’argent dans le marché obligataire — Bernanke l’a lui-même admis — était de faire grimper les prix des actions. Qu’est-ce que ça aurait pu être d’autre ?

La hausse des prix des actifs est censée faire en sorte que les gens se sentent plus riches. Ils sont ensuite supposés agir comme s’ils étaient plus riches. Et que font les gens riches ? Ils dépensent de l’argent ! Et avant qu’on ait eu le temps de dire "prestidigitation", les gens seront plus riches.

Comment est-ce que ça fonctionne, exactement ? Oh, oubliez les détails… c’est… comme… de la magie !

Ben Bernanke, l’un des plus grands économistes de la planète… et certainement l’économiste le plus puissant au monde, dit que ça fonctionne.

Vous y croyez, cher lecteur ?

Nous non. Si on pouvait enrichir les gens simplement en impriment de l’argent, on en imprimerait nuit et jour. Peut-être même pendant les week-ends. Mais évidemment, ça ne fonctionne pas.

Alors que fait toute cette impression de billets ? C’est ce que nous allons découvrir.

▪ En tout cas, elle semble ne PAS faire une chose — au moins pour l’instant : exactement ce qu’elle était censée faire… augmenter les prix des actifs. Les investisseurs semblent plutôt se méfier. Comme s’ils ne lui faisaient pas confiance.

Et pourquoi le devraient-ils ? Les investisseurs ne sont pas idiots. Ils savent additionner deux et deux. Parfois. Ils savent aussi bien que nous que tout ce nouvel argent pourrait créer une bulle spéculative de court terme. Et il semble que pour l’instant, ils n’aient guère d’appétit pour ce genre de chose.

Donc, pour autant que nous puissions en juger, notre hypothèse de Grande Correction est encore la meilleure explication de ce qui se passe. Les Etats-Unis (et d’autres pays) sont entrés en mode bulle durant la période de 2002-2007. La bulle a éclaté. Et maintenant, ils en paient le prix. Il faudra des années pour réparer les dégâts — même dans le meilleur des cas. Avec Bernanke et les autorités faisant encore plus de sottises, il faudra peut-être des décennies.

Mais le gros risque, c’est que les autorités feront tant d’erreurs… et d’une telle ampleur… qu’il sera impossible de les corriger de manière calme et ordonnée.

Le secteur privé peut se réparer tout seul. Tout ce que les autorités ont à faire, c’est de ne pas se mettre en travers du chemin. Les banques et les entreprises qui ne tiennent pas debout toutes seules chuteront ; nous nous en sortirons mieux sans elles. C’est toujours ainsi que les choses ont fonctionné. Les marchés peuvent détruire les mauvaises dettes. Ils n’ont pas besoin de l’aide des autorités.

Ce ne sera pas sans douleur. Ce ne sera peut-être même pas rapide — entre sept et 10 ans, selon nos calculs. Mais si on laisse les choses suivre leur cours, l’économie peut reprendre pied en terrain solide.

▪ Mais voilà qu’arrivent les autorités… les empêcheurs de tourner en rond, toujours ultra-motivés… assoiffés de pouvoir et sans la moindre prudence. Ils pensent vraiment que l’économie s’en sortirait beaucoup mieux si elle faisait simplement ce qu’ils disent. "Arrêtez de détruire la dette", clament-ils.

Ils ont empêché les banques vacillantes de faire faillite. Ils ont sauvé Fannie et Freddie — pour un coût avoisinant les 300 milliards de dollars, selon les dernières estimations de l’Agence fédérale du financement immobilier.

Ils ont pompé. Ils ont renfloué. Ils ont truqué. Et ils ont ordonné.

"Que la lumière soit", ont-ils dit. Et les ténèbres recouvrent l’économie.

L’économie réagit à ces ordres comme n’importe quelle économie réagirait à une telle planification centrale : elle ralentit et s’enfonce.

Tandis que le secteur privé réduit ses dettes, les autorités les augmentent. Les derniers 600 milliards de dollars de la Fed semblent être de l’argent gratuit. Mais ce sont des dettes. Ce sont des billets de la Réserve fédérale, qui sont ainsi émis. Ce sont des droits sur la richesse du gouvernement américain directement, et sur celle des contribuables américains indirectement. Si vous possédez ces billets, vous pouvez les échanger contre des biens et des services. Ils ont cours légal… c’est écrit sur le morceau de papier vert. Vous pouvez utiliser cet "argent" pour obtenir un grille-pain ou des placards de cuisine… ou une tasse de café.

Mais plus il y a de cet "argent"… moins il permet d’acheter de biens et de services. Simple, non ?
C’est classique, non ? Le dollar baisse ; le prix des choses augmente.

La dette privée grimpe. La dette publique augmente. Puis les marchés détruisent aussi la dette publique.

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