La Chronique Agora

Dette et croissance : le cercle vicieux

▪ Il n’y a pas grand’chose à dire sur les marchés. De toute façon, les éléments les plus significatifs proviennent de l’économie mondiale, non de ses marchés manipulés.

Le prix du cuivre est en train de s’effondrer. Le Baltic Dry Index est au 36ème dessous. Sept ans après le début de la crise de la dette, l’économie est encore à la peine. Et George Soros déclare que l’Europe pourrait subir un ralentissement de 25 ans. Bloomberg nous en dit plus :

« Selon l’investisseur milliardaire George Soros, l’Europe se trouve confrontée à 25 ans de stagnation à la japonaise à moins que les politiciens poursuivent l’intégration du bloc monétaire et changent les politiques qui découragent les banques de prêter.

L’Europe ‘pourrait ne pas survivre à 25 ans de stagnation’, a déclaré Soros lors d’une interview avec Francine Lacqua ».

C’est au printemps 2007 que la première fissure est apparue — dans la partie la plus faible de la structure de la dette, les subprime.

C’est au printemps 2007 que la première fissure est apparue — dans la partie la plus faible de la structure de la dette, les subprime. En mars 2007, la valeur des prêts subprime était passée à 1 300 milliards de dollars. Les taux d’intérêt hypothécaires étaient en hausse. Des défauts de paiement et des saisies s’en sont suivis.

L’automne suivant, le taux d’abandon de prêts avait triplé par rapport à l’année précédente. En janvier 2008, il avait quadruplé… et en mai, quintuplé.

C’était un exemple classique de déflation de la dette. Les propriétaires avaient endossé plus de dettes qu’ils ne pouvaient se permettre. Or la dette tournait au vinaigre et les investisseurs commençaient à avoir la nausée.

▪ Indigestion de dette
Les défauts heurtèrent de plein fouet les propriétaires marginaux — qui perdirent leurs maisons. Ils durent déménager. C’était de mauvaises nouvelles aussi pour ceux qui possédaient les prêts. Cette dette avait été savamment découpée, arrangée et vendue à tort et à travers. Mais les vendeurs semblaient avoir oublié ce qui se trouvait dans ce salmigondis ; ils ne paraissaient pas réaliser qu’il était sur le point de les rendre malades.

C’est Bear Stearns qui, le premier, a quitté la pièce en courant, se tenant le ventre à deux mains. Ensuite est venu le tour de Lehman Bros. A ce moment-là, les autorités sont intervenues avec tous les remèdes de charlatan qu’elles pouvaient imaginer. Des renflouages, des aides, des taux zéro, de l’assouplissement quantitatif — une estimation met le coût total à plus de 10 000 milliards de dollars, soit près de trois fois le coût de la Deuxième guerre mondiale.

La crise a été causée par trop de dette. Et tout ce que les autorités avaient à offrir, c’était… plus de dette.

Le problème avec ces remèdes a toujours été fondamental. La crise a été causée par trop de dette. Et tout ce que les autorités avaient à offrir, c’était… plus de dette.

Comme Bloomberg l’a rapporté la semaine dernière, le stock mondial de saucisses toxiques a explosé, passant à 100 000 milliards de dollars :

« La quantité de dette mondiale a grimpé de plus de 40%, pour passer à 100 000 milliards de dollars depuis les premiers signes de la crise financière — les gouvernements empruntant pour tirer leurs économies de la récession et les entreprises exploitant des taux d’intérêt à des planchers record.

La hausse de la dette telle que mesurée par la Banque des règlements internationaux […] représente près de deux fois la taille de l’économie américaine ».

On ne peut pas maigrir en mangeant plus. Pas plus qu’on ne peut réduire sa dette en empruntant plus. Toute la stratégie était clairement futile dès le départ. Au lieu de laisser le système se purger de la dette, les autorités l’ont augmentée. Au lieu de nettoyer l’économie, les autorités l’ont rendue plus sale que jamais.

La dette est une obligation imposée à l’avenir par le passé. Plus elle augmente, plus l’avenir peine à se produire.

La dette est une obligation imposée à l’avenir par le passé. Plus elle augmente, plus l’avenir peine à se produire. Les taux de croissance ralentissent. Cela a été démontré par plusieurs études — notamment celle de Rogoff et Reinhart. Elle contenait des erreurs dans leurs calculs — qui ont ravi leurs critiques –, mais la conclusion était solide : lorsque le ratio dette gouvernementale/PIB augmente, la croissance ralentit.

C’est ce qui est arrivé au Japon ces 23 dernières années… et en Europe et aux Etats-Unis ces sept dernières. Toutes ces économies luttent encore contre le désendettement, résistent à la déflation par la dette, font semblant qu’elles peuvent éternellement augmenter leur endettement… et que cela leur permettra, d’une manière ou d’une autre, de se sortir de leur piège de dette.

Elles sont condamnées. Sans croissance, elles ne peuvent pas rembourser leur dette. Avec tant de dette, elles ne peuvent pas croître.

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