La Chronique Agora

La dette et le crédit, seules solutions des banques centrales à la crise

p>▪ La semaine dernière, nous avons participé à une conférence d’investissement à Cafayate. Voici ce que nous y avons dit — plus ou moins verbatim…

Aujourd’hui, je vais vous parler de la fin du monde.

Pas de la vraie fin du monde, bien entendu. Mais la fin du système financier mis en place en 1971. Je pense qu’on se croira à la fin du monde à cause du chaos social que ça provoquera.

L’argent, c’est plus que de l’argent. C’est de la vie condensée. Cela peut représenter toute une vie de travail et d’épargne. Ou le statut d’une personne qui s’est hissée jusqu’à un poste important et gagne désormais le salaire qui va avec. Ou l’intelligence d’un trader.

Lorsque l’argent se révèle être une escroquerie, tout le reste peut sembler frauduleux également. Le dur labeur et la discipline, l’activité honnête et l’esprit d’entreprise, l’éducation ou le savoir-faire accumulé au cours des ans — toutes les choses nécessaires pour obtenir cet argent paraissent une perte de temps. Lorsque l’argent est factice, il remet en question les valeurs et les vertus du système dans son ensemble.

Ceci dit, permettez-moi de commencer avec un avertissement si évident qu’il ne devrait pas être nécessaire : je ne veux pas qu’on revienne me voir dans quelques années pour me dire que je m’étais trompé. Je me suis trompé sur un grand nombre de choses… et pendant longtemps. Inutile de me le rappeler.

Et si vous pensez que j’ai tout compris à la situation… vous me confondez avec un autre.

Evidemment que je vais me tromper. Il n’est pas donné à l’homme de connaître son destin. Il y a tant de futurs possibles que les chances que j’ai choisi le bon sont minces. Je vais donc probablement me tromper. Je l’espère, d’ailleurs.

La marque d’un bon économiste est qu’il peut faire de mauvaises prévisions, l’une après l’autre, sans perdre sa conviction

Mais la marque d’un bon économiste est qu’il peut faire de mauvaises prévisions, l’une après l’autre, sans perdre sa conviction.

Si j’ai raison ne serait-ce qu’en partie — ce qui est le plus probable — vous voudrez peut-être garder ça en tête, voire vous y préparer.

▪ L’état du système aujourd’hui
Bien entendu, je prédis la fin du monde — du moins la fin du monde monétaire post-1971 — depuis longtemps. Tôt ou tard, j’aurai raison. Mais je commence à me dire que je ne vous rends pas service en continuant de vous en prévenir. Je suis un peu comme un chirurgien qui vient de rater une opération. Il voit son patient raide sur la table et se demande s’il ne devrait retourner à ses manuels. Peut-être que la cheville n’est pas connectée au fémur, en fait.

Sauf que les manuels sont en majeure partie sans intérêt. Ils sont écrits par des économistes modernes persuadés qu’une économie est mécanique et non humaine. Ils ont du ruban adhésif pour tous les problèmes et une clé à molette dans chaque main.

Ils gèrent les banques centrales. Ils croient savoir ce qui se passe… et ce qu’ils vont y faire. Ils donnent des directives — la forward guidance. Mais elles ne valent rien. Pire encore, ces directives suggèrent connaissance et prévoyance — alors que les autorités n’ont ni l’une ni l’autre.

Est-ce que vous vous rappelez de la forward guidance de la Fed avant la crise de 2008 ? Moi non plus : il n’y en avait pas. En fait, Ben Bernanke et Janet Yellen n’avaient pas la moindre idée de ce qui se passait. Ils ne pouvaient pas donner de forward guidance sur cette crise-là… et ils ne peuvent pas plus en donner sur la suivante.

La dette, c’est tout ce qu’a la Fed. Et c’est tout ce qu’elle, la BCE et la Banque du Japon offrent : plus de crédit — et le revers de la médaille, plus de dette

Ils réagissent simplement aux événements. Ils ne peuvent ni les prédire ni les contrôler. Ils ont une seule solution majeure — plus de crédit. Sauf qu’on ne peut pas résoudre un problème de dette avec encore plus de dette. La dette, c’est tout ce qu’a la Fed. Et c’est tout ce qu’elle, la BCE et la Banque du Japon offrent : plus de crédit — et le revers de la médaille, plus de dette. Ils sont engagés dans cette politique consistant à fournir de plus en plus de crédit à un monde qui s’y noie déjà.

Je devrais m’interrompre ici pour dire quelques mots sur le fonctionnement réel de cette économie. Les mécaniciens maladroits de la Fed, de la BCE et de la BoJ pensent pouvoir tourner des boutons, ajuster des leviers et ainsi de suite. Mais une économie est une chose organique, avec des rétroactions compliquées et des systèmes d’ajustement délicats. Elle réagit aux gros bras de la Fed… mais pas forcément comme les autorités le souhaiteraient. Une économie est bien plus complexe que ce qu’ils comprendront jamais — sans parler de la contrôler.

Pour l’instant, ils s’en sortent avec des politiques à couper le souffle. Les marchés ne les punissent pas encore. En fait, ils semblent même récompenser ce genre d’innovation. Et la Fed américaine n’est de loin pas la plus innovante, ni même la plus agressive des banques centrales dans le monde, comme nous le verrons demain…

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