La Chronique Agora

La dette américaine perd son « triple-A » !

Alors que Wall Street fêtait son mois de mai historique, Moody’s a jeté un pavé dans la mare en retirant à la dette américaine sa note « triple-A ».

Moody’s a attendu que les bouchons de champagne sautent par milliers vendredi 16 mai et que l’heure soit à la célébration du mois le plus haussier de l’histoire de Wall Street pour faire son annonce : la dette américaine perd son « triple-A ». Et les particuliers représentaient 36% de volumes d’achat.

Du jamais vu depuis mars 2000 !

Pour être franc, il a fallu attendre que la dette US dépasse les 37 000 Mds$, dont +1 000 Mds$ depuis le début de l’année fiscale fin octobre, et que plusieurs récentes adjudications de T-Bonds se passent « moyennement bien » – la Fed a dû se substituer aux acquéreurs étrangers absents – pour que Moody’s se réveille.

Qui peut s’étonner, depuis le 2 avril, que les annonces de tabassage douanier – notamment à l’encontre de la Chine et du Japon – n’incitent pas ces deux pays à se ruer sur les « Treasuries » US ?

Le Japon a d’autres soucis avec ses propres bons du Trésor de maturité longue, dont le rendement flambe à plus de 3,45% sur le « 40 ans » (l’une des références en matière de prêt hypothécaires au Japon). C’est tout simplement un record de 35 ans.

Moody’s est donc la dernière des grandes agences à faire perdre son « 20/20 » aux T-Bonds US, notés 19/20 chez ses concurrents depuis début août 2023 par Fitch et début août 2011 par Standard & Poor’s, qui n’a pas bougé depuis 14 ans malgré le triplement du déficit fédéral.

Comment Wall Street, qui affichait ce vendredi 16 mai des niveaux de surachat historique à l’occasion des « Trois sorcières », va-t-il réagir ?

Pour les institutionnels qui se tenaient à l’écart du marché depuis mi-avril voyant les taux US se tendre inexorablement, ce sera la confirmation qu’il y a bien un problème de soutenabilité de la dette – ce que Moody’s mentionne, en précisant qu’une situation de crise est encore très éloignée. C’est exactement ce que disait la Fed en août 2008.

Pour les particuliers qui payent le marché comme des forcenés depuis cinq semaines, cela ne sera qu’un « bruit de fond » supplémentaire, couvert par le grondement du moteur qui actionne le funiculaire haussier depuis six semaines.

Parce qu’un indice boursier, ça monte tout le temps !

Et si jamais ce n’est plus le cas, la Fed fera le nécessaire pour que ça reparte de plus belle. La preuve : elle n’a même pas eu besoin d’agir cette fois-ci, le « marché » a anticipé qu’elle le ferait.

Le ratio record de 36% des achats (à fin avril) provenant des particuliers provient de la première banque du monde : JPMorgan. C’est plus du TRIPLE de la moyenne observée sur 10 ans (soit 12%) et c’est presque deux fois la moyenne depuis le 1er janvier (21%).

Et au moins 50% des achats restants proviennent de la gestion « passive », qui se contente de suivre le mouvement.

La frénésie des particuliers tranche avec la faible activité globale (rebond sans forts volumes) et la prudente réserve des investisseurs institutionnels.

Ces flux peu étoffés (faible activité institutionnelle), malgré une progression indicielle inexorable et un risk-on généralisé, créent une dynamique fragile qui trahit un climat de « FOMO » et une déconnexion de plus en plus criante avec les fondamentaux.

Historiquement, une forte participation des particuliers, basculant psychologiquement vers un appétit pour le risque effréné et un sentiment d’invulnérabilité, a précédé les corrections boursières majeures de 1929 et de 2000.

Le momentum fut la clé de toute de l’échéance « mai » et – puisqu’il fallait bien « rationaliser » le mouvement – les (bons) résultats des entreprises ont constitué une vague excuse au « FOMO » avec ce leitmotiv omniprésent depuis 15 ans : c’était meilleur que prévu.

Donc, l’évolution des taux « moins bonne que prévue » et la dégradation « pas prévue » annoncée par Moody’s devraient fournir un nouveau prétexte d’achat à bon compte aux adeptes du « buy the dips ».

Vous voyez bien qu’une correction boursière est impossible et que celui qui n’a pas compris un principe de fonctionnement aussi simple est un idiot !

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