Les intervenants sont convaincus que le risque n’existe plus, que les autorités ont réussi à l’éliminer… mais la réalité pourrait se rappeler à leur bon souvenir dès le 3 novembre.
Les marchés sont convaincus que le risque est maîtrisé, dissipé, envolé, disions-nous hier.
L’opération magique a consisté à réduire le risque à des bestioles statistiques, mathématiques, comme la volatilité.
Dans les marchés haussiers, il est préférable de rester pleinement investi quoi qu’il advienne… car si on sort, on perd, on a un manque à gagner !
Gérer le risque, ce n’est plus ni se mettre cash ni ajuster la composition de son portefeuille ; non, désormais, c’est acheter des assurances. Le plus gros vendeur d’assurance, c’est la Reserve fédérale par son put Greenspan et son put Powell, énoncé comme tel en septembre dernier. Ils ont fait du dumping sur le prix des assurances.
Et si les assurances sont bon marché puisque le marché est haussier alors on fait le pari implicite qu’il en sera toujours ainsi.
Le risque ne fait plus peur
Dans un marché haussier depuis longtemps, on fait aussi le pari qu’il en sera toujours ainsi – et que se passe-t-il ? Les assurances contre la baisse-quasi-exclue deviennent très très bon marché…
… Et comme elles ne montent jamais, que se passe-t-il ? Des petits malins considèrent qu’il en sera toujours ainsi ; ils vendent à découvert les primes d’assurances et ils les encaissent au point de s’en faire un revenu régulier.
Dans les marchés haussiers pendant très longtemps, le risque ne fait plus peur. Certains s’assurent très bon marché et d‘autres se font une rente en vendant ces assurances, des options et autres dérivés.
Finalement, non seulement on ne craint plus le risque mais les assurances contre le risque ne sont plus à leur prix. Il y a à la fois illusion qu’il n’y a plus de risque mais aussi illusion répandue que l’on s’est assuré contre le risque bon marché.
Mise en place d’une boucle
La non prise en compte des risques garantit des flux puissants et ininterrompus vers les marchés à risque. Cette non prise en compte crédibilise l’idée que les actifs financiers sont aussi bons que de la monnaie et qu’ils rapportent un peu plus ; ils établissent l’équivalence entre l’univers des actifs financiers et l’univers monétaire.
Le marché haussier fonctionne ainsi dans un monde imaginaire, validant les perceptions illusoires de fondamentaux solides et de conditions de marché saines.
Les risques sont minimisés, la complaisance étant renforcée par des assurances et des stratégies de couverture des risques facilement disponibles.
Tout fonctionne miraculeusement jusqu’à ce que ce que cela cesse de fonctionner !
Impossibilité
Ce que presque personne ne sait, c’est qu’il est impossible pour le marché, pris dans son ensemble, de s’assurer et donc de se délester du risque. Il est impossible pour le « marché » de se décharger du risque.
Posez-vous la question cruciale : qui a les moyens de « prendre l’autre côté » d’une transaction de couverture risque ? L‘« assurance » de/du marché est une fausse assurance – et c’est pour cela qu’elle semble si peu coûteuse. Elle est bidon. Personne n’a le capital ou les réserves pour y faire face.
Lorsque le risque se matérialise (blocage économique, incertitude aiguë, peur), ceux qui ont vendu une assurance de marché se précipitent pour vendre des instruments sous-jacents (contrats à terme, actions, ETF, etc.) afin de couvrir dynamiquement leur exposition aux risques.
Il n’y pas de vraie assurance. Il n’y a que de la couverture en dynamique, c’est-à-dire la couverture obtenue en vendant des instruments qui reportent le risque sur le marché !
Dernier recours
Compte tenu de la situation spéculative extrême des marchés, les ventes produites par la mise en jeu des assurances en dynamique déclenchent rapidement l’illiquidité, la dislocation et la panique. Ceci explique que les autorités monétaires, assureurs de dernier ressort par la planche à billets, la fassent jouer tout de suite, de plus en plus vite, de plus en plus gros, pour éviter les boules de neige.
L’assureur de dernier recours, on ne vous le dit pas c’est… la planche à billets, la destruction de la monnaie.
La Fed et les autres banques centrales sont condamnées à élargir leurs achats de soutien pour inclure les obligations d’entreprises, des actions, les ETF et, sûrement, à un moment donné, les dérivés.
Il n’y a plus de limites à la hausse des prix des actifs, il n’y a plus de limites aux masses de papier qui naviguent sur l’océan des liquidités… mais il n’y a plus de limites non plus aux interventions qu’il faudra mettre en œuvre lors du prochain chaos.
L’élection du 3 novembre aux Etats-Unis pourrait bien être l’occasion de ce chaos.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]