La Chronique Agora

Des trous de mémoire mauvais pour nos impôts

L’étourderie semble être un phénomène plus assumé que subi pour nos dirigeants. Comme nos politiciens de carrière ne s’assistent que rarement pour se remémorer leurs oublis, tentons de les aider.

J’espère que vous n’avez pas raté cette heureuse nouvelle tombée début février : Gérald Darmanin renonce (temporairement) à la mairie de Tourcoing et reste donc au gouvernement, hourra ! Voilà de quoi réjouir les contribuables de France et de Navarre !

Le ministre de l’Action et des Comptes publics ne rappelait-il pas en effet fin novembre :

Avec ce début d’année glacial (il fait même tellement froid que l’autre jour, j’ai croisé un socialiste qui avait les mains dans ses propres poches), vous vous disiez peut-être que Gérald Darmanin allait sans doute conserver la même frilosité vis-à-vis de toute augmentation de la fiscalité…

Raté ! Depuis cette déclaration ferme et musclée, notre ministre s’est mis à penser à bien d’autres choses, et sa nouvelle idée vous réjouira peut-être un peu moins que la précédente.

Alors certes, techniquement, baisser le plafond global des niches fiscales (10 000 €, ou 18 000 € pour les investissements outre-mer et/ou dans le cinéma) ou passer ces dernières sous conditions de ressources, cela n’est pas créer un nouvel impôt. Mais il n’y a pas besoin d’être docteur en sciences politiques comme Thomas Guénolé pour comprendre que cela revient à une hausse de la fiscalité.

En novembre, on pouvait rêver d’un Gérald Darmanin proposant de supprimer des niches fiscales tout en baissant le niveau des impôts. Mais nous sommes en France et, à défaut de construire une nouvelle usine fiscale, un ministre du Budget se doit au moins de jardiner en posant du barbelé autour des niches. Pourquoi faire simple quand on peut faire alambiqué ?

Il reste cependant un espoir. Oui, car voyez-vous, Gérald Darmanin, la dernière fois qu’il avait pris un engagement (au sujet du non-cumul des mandats), avait bien fini par le tenir, mais il avait tout de même fallu attendre… un an et demi pour qu’il mette ses actes en accord avec sa parole.

Chérir les causes dont on déplore les effets

Le président n’aide pas vraiment son ministre puisqu’Emmanuel Macron trouve que cela serait une « très bonne » idée de « réguler » certaines plus-values immobilières, comme on l’apprenait début février. Rappel : « réguler », dans la bouche d’un politicien français, voici ce que ça veut dire :

Raison invoquée par le président : le fait que les propriétaires « n’ont pas travaillé pour ça » (la plus-value) constitue « une injustice ». Mais dans ce cas, pourquoi diable arrêter ce raisonnement à l’immobilier et ne pas l’étendre à toute plus-value, quelle que soit son origine ? Actions de sociétés, obligations d’Etat, ou que sais-je encore… Il faudrait aussi que l’Etat renonce à faire son beurre sur ceux qui espèrent ne plus jamais avoir besoin de travailler de leur vie et songe à fermer la Française des Jeux.

Contrairement à ce que raconte le président, qu’elle tienne de l’investissement ou du jeu, une plus-value n’est pas injuste par principe : elle constitue une récompense du risque porté par l’investisseur/joueur, lequel peut également essuyer une moins-value de 100%.

Le marché immobilier comme l’explique Vincent Bénard, est l’un des secteurs les parmi les plus réglementés qui soient. L’évolution des prix sur ce marché dépend avant tout des actions menées par l’Etat.

Sans même évoquer le fait qu’il contraint la BCE à maintenir des taux d’intérêt artificiellement bas de part son incapacité à dégager le moindre excédent budgétaire, l’Etat est en effet le responsable numéro un de la flambée continue des prix sur le marché de l’immobilier.

Notez que la responsabilité étatique dans l’évolution des prix sur ce secteur vaut à la hausse mais également à la baisse. C’est en particulier le cas dans certains quartiers où l’Etat n’assure plus depuis belle lurette la sécurité des habitants, laissant les propriétaires avec leurs seuls yeux pour pleurer… et leur bulletin de vote pour témoigner de leur écœurement.

Diminuer la dépense publique : reparlons-en l’année prochaine

Pendant ce temps-là, dans le bureau voisin de celui de Gérald Darmanin, Bruno Le Maire a lui aussi des idées. Enfin si on veut. Début décembre, le ministre de l’Economie et des Finances nous expliquait exactement la même chose que le ministre du Budget, sauf que lui avait « pris une décision » :

Le budget 2019 a été dument ausculté par le président du mouvement Objectif France, l’entrepreneur Rafik Smati.

A la décharge du ministre, il est vrai que certains de ses collègues se donnent tellement de mal pour distordre la réalité qu’ on a vite fait de perdre le nord.

Heureusement, certains veillent et n’hésitent pas à rappeler la différence entre la baisse et le ralentissement de la hausse à ceux qui se croient « trop intelligent, trop subtile » (sic).

La nuance serait-elle trop subtile pour notre ministre énarque ?

Personne ne nous l’avait promis, mais la France est triple championne du monde !

L’OCDE nous apprenait mi-janvier que l’on a encore gagné une coupe du monde :

La France championne du monde de la pression fiscale (46,2% du PIB), de la dépense publique (56,6% du PIB) et maintenant de la dépense sociale (31,2% du PIB) : combien d’étoiles sur le maillot d’Emmanuel Macron d’ici la fin de son mandat ?

 

Il est vrai que les trois performances sont liées.

Lié aussi, semble-t-il, le chômage.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile