La Chronique Agora

Des dettes extraordinairement populaires (2)

Oubliez les banques centrales ; leur rôle est si évident ! Mais pensez à la Nouvelle Ere inaugurée dans les 80 — grâce à la révolution concoctée par Mme Thatcher et M. Reagan. Ils apportèrent une nouvelle idée : on pouvait déchaîner le capitalisme… et il servirait l’homme avec autant d’obéissance qu’un cocker spaniel. Nous ne nions pas qu’il y avait un grain de vérité dans cela. Mais ce n’était pas aussi vrai qu’on le pensait — surtout sous la nouvelle forme, si grotesque.

Où trouve-t-on, dans le capitalisme, l’idée qu’on peut dépenser plus qu’on ne gagne ? Où, dans la vision d’Adam Smith, se cache l’idée que les étrangers subventionneront votre niveau de vie — indéfiniment ? Où, dans le concept de "laisser faire", trouve-t-on la notion que les banques centrales empêcheront les corrections en contrôlant le prix de la monnaie ? Qu’est-il arrivé à tout le sturm und drang ? Où est la "destruction créative" de Schumpeter ?

Les nouveaux capitalistes offraient la création sans la destruction… la résurrection sans la crucifixion ! Ils proposaient non seulement d’exposer d’inoffensifs investisseurs à leurs mauvaises idées… mais également de ressusciter des booms avant qu’ils n’expirent, et de mettre fin aux corrections avant que quoi que ce soit ait été corrigé.

Ce n’était pas là le capitalisme de nos grands-parents. Les anciens s’en méfiaient… ils savaient que le marché libre était dangereux et imprévisible. L’ancien capitalisme était une jungle… avec des crocs acérés et des griffes tranchantes. Il fallait se tenir à l’affût. Le nouveau capitalisme est un zoo ; tous les fauves dangereux sont censés être derrière les barreaux. C’est presque trop beau.

La culture du zoo-capitalisme s’est répandue à tous les niveaux de la société. Au sommet, on avait une telle confiance dans ces doctrines qu’on a réduit les taux d’imposition… dans l’idée qu’une augmentation du capitalisme augmenterait aussi la base fiscale (malheureusement, les dépenses ont grimpé plus vite). Mais ne vous inquiétez pas : "les déficits, ça ne compte pas", a déclaré Dick Cheney. En d’autres termes, l’économie capitaliste dynamique se tirera toute seule de tous les problèmes.

A la base aussi, les gens ont été victimes des mêmes illusions. Les ménages ont emprunté et dépensé de l’argent qu’ils n’avaient pas encore gagné. Pourquoi pas ? Leurs maisons, leurs actions et leurs revenus grimperaient éternellement, non ? Et l’épargne ? Qui a besoin d’épargne quand on vit dans l’économie la plus forte, la plus flexible, la plus mondialisée, la plus avancée technologiquement parlant et la plus éclairée en termes fiscaux de toute l’histoire ?

C’est bien là le problème avec l’être humain. Pour commencer, il fait. Ensuite, il en fait trop. Son progrès le force à reculer. Chaque bénédiction devient une malédiction… et à chaque révolution, il finit par monter à l’échafaud.

Meilleures salutations,

Bill Bonner
Pour la Chronique Agora

(*) Bill Bonner est le fondateur et président d’Agora Publishing, maison-mère des Publications Agora aux Etats-Unis. Auteur de la lettre e-mail quotidienne The Daily Reckoning (450 000 lecteurs), il intervient dans La Chronique Agora, directement inspirée du Daily Reckoning. Il est également l’auteur des livres "L’inéluctable faillite de l’économie américaine" et "L’Empire des Dettes".

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