Les allocations versées par le gouvernement français durant la crise du Covid-19 en ont aidé certains… mais leur coût est faramineux – et elles sont peut-être le signe avant-coureur d’un phénomène beaucoup plus profond.
La période de confinement n’a pas été vécue de la même façon par tous les Français. Certains ont continué à travailler – peut-être même davantage qu’avant, comme le personnel des urgences médicales débordé par l’afflux de malades.
D’autres se la sont coulé douce, payés à ne rien faire comme certains fonctionnaires dont l’absence a été flagrante dans les bureaux de Poste et autres administrations où le téléphone sonnait dans le vide.
Entre les deux, une multitude de situations disparates, plus ou moins faciles à vivre… et des conditions particulièrement difficiles pour tous ces indépendants privés d’activité ou ces salariés licenciés, même si ces derniers semblent être peu nombreux du fait du chômage partiel.
Le chômage partiel, antichambre du revenu universel ?
Rappelons que le chômage partiel est un dispositif déjà ancien, destiné à prévenir les licenciements économiques. L’employeur qui connaît des difficultés demande à l’Etat de prendre en charge tout ou partie du coût de la rémunération de ses salariés. Face à l’ampleur de la crise sanitaire liée au Covid-19, le gouvernement français a étendu le dispositif pour, se targue-t-il, « doter la France du système le plus protecteur d’Europe ».
Les salariés placés en activité partielle continuent d’être rémunérés par leur employeur, sous forme d’une indemnité d’activité partielle couvrant 70% de leur rémunération brute, soit environ 84% du net. Les employeurs demandent ensuite le remboursement de cette somme à l’Agence de services et de paiement (ASP).
Selon le ministère du Travail, le chômage partiel touchait à la mi-mai près de 13 millions de salariés, soit 65% de l’ensemble de la population salariée française. Une des directions du ministère chargée des études et statistiques (DARES) estime que seules 70% des entreprises ayant fait des demandes utiliseraient le dispositif.
Par conséquent, les salariés en chômage partiel seraient plutôt 8,6 millions. Cela ne représente « plus » que 44% de la population salariée.
Malgré son ampleur et son coût faramineux – estimé par Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie, à 24 milliards d’euros pour huit millions de salariés – tous les travailleurs ne sont pas éligibles au dispositif.
Pour éviter que des personnes sans activité passent au travers du filet de l’indemnisation, des voix s’élèvent, à l’instar d’un Jean-Eric Hyafil, auteur d’un ouvrage sur le revenu de base, dans Libération le 9 avril 2020, pour réclamer la mise en place d’un revenu universel « distribué à tous les résidents adultes de façon universelle, inconditionnelle et individuelle », et « cumulable avec les revenus du travail, du capital et de remplacement ».
Dix-neuf présidents socialistes de départements ont également pris la plume, dans Le Journal du Dimanche le 11 avril, pour demander la généralisation d’un revenu de base, tout comme l’ancien ministre de François Hollande, Benoît Hamon dans Le Monde du 16 avril.
Qu’il est doux de ne rien faire !
Alors que de nombreux Français, entrepreneurs ou salariés, se demandent quand ils pourront de nouveau se remettre au travail, retrousser leurs manches, mettre un coup de collier… d’autres préfèrent leur mettre des bâtons dans les roues.
Le président du MEDEF, Geoffroy Roux de Bézieux, a suggéré mi-avril qu’il faudrait peut-être travailler plus à l’issue du confinement si la machine économique repartait, et donc abandonner quelques jours de RTT ou de congés.
« Indécent », « déplacé » se sont écriés en chœur les syndicats. Même Bruno Le Maire a trouvé que c’était là une « drôle d’idée ». Devant le tollé, le patron des patrons a remisé l’idée au fond du tiroir de son bureau.
Pour convaincre que cette voie ne devait définitivement pas être suivie, la CGT s’est empressée de mettre l’usine Renault de Sandouville en berne et de maintenir fermés les entrepôts d’Amazon avec la complicité des tribunaux.
C’est à se demander, comme le fait Jean-Philippe Delsol, le président de l’IREF, si les Français veulent encore travailler. Et l’avocat de mettre en évidence que Macron, aidé du coronavirus, est en train d’achever ce que Martine Aubry avait commencé avec les 35 heures.
Les Français piaffent de pouvoir sortir de chez eux, mais pas pour travailler. Bien au contraire, pour se retrouver sur la plage, au bord de la Seine, dans les parcs jardins pour prendre l’apéro et pique-niquer.
Pendant ce temps, ou plus exactement avant la crise, la pénurie de main d’œuvre bat son plein. Selon l’INSEE, la proportion d’entreprises connaissant des difficultés pour recruter est passée de 10% en 2016 à 20% fin 2019. Elle a doublé en trois ans.
Que le débat sur l’opportunité d’instaurer un revenu universel resurgisse au moment où l’activité est au plus bas est symptomatique d’une mentalité d’assistés.
Tous dépendants de l’Etat et… de plus en plus pauvres
Les critiques envers le revenu universel sont nombreuses. Au premier rang se trouve la question de son universalité.
Est-il vraiment pertinent de verser la même somme au chômeur en fin de droits qu’à Bernard Arnault ? Dans un pays hostile aux riches comme la France, une telle situation est-elle vraiment envisageable ? Et quel est l’intérêt d’imposer des individus pour ensuite leur reverser une allocation, sinon de perdre de l’argent dans l’usine à gaz qui sera chargée de la répartition ?
Deuxième critique : le revenu universel ne peut que nous rendre encore plus dépendant de l’Etat qui veillera sur nous du berceau à la tombe. Ne serait-ce pas tomber définitivement dans le collectivisme ? Quelles seront les limites de cet Etat ? Comment les citoyens pourront-ils vraiment critiquer et contrôler la main qui les nourrit ?
Troisième critique : le revenu universel n’est pas moral. Il signifie, en effet, que le seul fait d’exister donne droit à un revenu financé par les autres. Et, parallèlement, que le seul fait de travailler (et donc de payer des impôts) oblige à financer un revenu à d’autres. Travailler gratuitement et obligatoirement pour quelqu’un d’autre, n’est-ce pas la définition même de l’esclavage ?
Quatrième critique : le revenu universel est un appel à la paresse. Pourquoi faire des efforts, travailler plus, si je perçois par ailleurs un pécule à ne rien faire ? Pourquoi tenter d’être plus productif, plus efficace pour gagner davantage, si c’est pour payer encore plus d’impôts qui iront entretenir les plus fainéants ?
Indéniablement, le revenu de base ne peut que réduire la production de biens et de services, et donc augmenter la pauvreté. Une progression de la pauvreté qui demandera à son tour une hausse du revenu universel. La spirale est véritablement infernale.
Cinquième critique, celle du coût de ce revenu universel. Pendant la campagne présidentielle de 2017, certains ont évoqué un montant de 750 € par mois. Par de quoi vivre, mais de quoi être effrayé par le faramineux montant que cela pourrait représenter pour 50 millions de Français majeurs…
… Mais comme le disait François Hollande, « ce n’est pas cher, c’est l’Etat qui paye ». Que l’ancien chef de l’Etat ait tenu ou non de tels propos, peu importe, tellement cette idée est ancrée chez nombre de nos concitoyens. Le revenu universel ne ferait qu’accroître l’illusion fiscale dans laquelle nous baignons. Comme s’il n’y avait pas quelqu’un qui payait au final.
Alors, qui va payer ?
Souvent, les promoteurs de ce dispositif défendent l’idée que le coût serait nul car le revenu universel remplacerait toutes les aides et allocations existantes. Sauf que tous les Français ne sont pas aujourd’hui allocataires. Alors si tous bénéficient du revenu de base, les dépenses publiques ne pourront qu’augmenter – mais, comme nous l’avons vu, la France se sera appauvrie par la faute de ce dispositif, les recettes publiques se seront amoindries.
Il y a alors fort à parier qu’on se tournera vers les épargnants, ceux qui, prévoyants, ont dépensé moins qu’ils n’ont gagné pour préparer leurs vieux jours. Ceux-là seront maudits. Car pourquoi détenir un patrimoine alors que l’Etat pourvoit désormais à tout ?
Des voix se sont fait entendre ces jours derniers en faveur du rétablissement de l’ISF. Tout ce que la gauche compte de donneurs de leçons – et il y en a énormément – a pris la parole pour réclamer que l’on prenne l’argent chez les « riches » pour relancer l’économie, réduire la fracture sociale, financer les mesures mises en place pendant la crise, rétablir l’industrie nationale, etc.
Même dans la majorité présidentielle, on se demande s’il ne faudrait revenir sur la « flat tax ». Des jours bien sombres pour les épargnants s’annoncent.
Vers la guerre civile ?
Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, a déclaré que « si on ne commence pas par faire payer les riches, ce sera la Révolution » !
Mais une des solutions pour apaiser le peuple, le revenu universel, ne conduit-elle pas, elle aussi, à la guerre civile ?
Car comment croire un instant que cette allocation universelle ne suive pas une pente toujours ascendante ? Il faudra la revaloriser, puis faire en sorte qu’elle permette à chaque bénéficiaire de pouvoir vivre la vie qu’il désire, y compris de ne pas travailler si c’est son choix ?
Comment penser un seul instant que ceux qui payent pour cette allocation ne finissent pas par demander des comptes aux bénéficiaires ? Supporteront-ils que leur argent durement gagné soit dépensé pour jouer aux courses, partir en vacances, ou ne plus travailler ?