La Chronique Agora

Le dernier président honnête à la Fed

Paul Volcker, ancien président de la Fed, est décédé. Quel bilan tirer de son action… et aurait-il eu des regrets ?

Paul Adolph Volcker : RIP.

Nous avons appris cette semaine que Paul Volcker, président de la Réserve fédérale durant les années Carter-Reagan, était décédé.

RIP Paul Volcker, le dernier président de la Fed honnête

Quel dommage. Nous venions de décider de le contacter dans l’espoir d’arranger une conférence privée – comme nous l’avons fait avec l’ancien président de la Fed Alan Greenspan il y a quelques années.

Nous voulions savoir ce qu’il pensait vraiment… de la Fed actuelle, des taux négatifs, de la dette incontrôlée. Surtout, nous voulions savoir s’il avait des regrets…

… sur le lancement du système d’argent gratuit en 1971…

… et de l’avoir sauvé en 1980.

Il est désormais trop tard. Les morts se taisent. Il ne nous reste plus que son action publique – comme tout le monde.

Alors regardons cela… et offrons à la fois un hommage et un avertissement : même les meilleurs fonctionnaires peuvent faire un beau gâchis.

Faire ce que l’on dit

Volcker a été le dernier président honnête de la Fed. Il disait ce qu’il pensait. Il faisait ce qu’il disait qu’il allait faire. Pas de charabia sur les « cibles d’inflation », l’« effet richesse » ou le fait que l’économie « se porte bien ».

Lorsque Volcker disait quelque chose, il le pensait. Lorsqu’il s’est engagé à mettre fin à la stagflation, en 1980, les investisseurs auraient dû lui prêter attention.

Mais à l’époque, même nous n’y croyions pas. Cela faisait sept ans que nous travaillions à Washington, et nous avions déjà intégré l’esprit de la dégénérescence DC-esque. Lorsqu’un fonctionnaire affirmait quelque chose, nous supposions que c’était un mensonge. Et lorsqu’il niait officiellement quelque chose, nous savions que c’était vrai.

L’inflation des prix à la consommation avait déjà dépassé les 10% aux Etats-Unis ; nous étions d’avis qu’elle continuerait d’augmenter. L’or avait grimpé à 800 $ l’once – 21 fois son prix de 1971. Les commentateurs du moment, comme Howard Ruff, prédisaient qu’il continuerait son envolée… jusqu’à 5 000 $, peut-être.

Une fois qu’une spirale inflationniste est enclenchée, on ne peut pas l’arrêter – c’est du moins ce qu’on pensait dans les cercles conservateurs/partisans de l’école autrichienne.

En retirant l’or du système dollar, Milton Friedman, Paul Volcker et l’administration Nixon avaient ouvert les portes de l’enfer. C’était désormais « l’inflation ou la mort ».

Soit les autorités continuaient leurs politiques de crédit facile et de dépenses élevées… soit l’économie subirait une récession, ce qui serait politiquement inacceptable.

« Sauvés » par la Fed

C’est du moins ce que nous pensions… mais nous ne connaissions pas Paul Volcker. Et notre raisonnement ne tenait pas compte d’un « sauvetage » orchestré par le président de la Fed.

En janvier 1980, alors que le nouveau système de devise fiduciaire comptait près d’une décennie d’existence, les actions étaient calomniées partout… et on pouvait acheter toutes les 30 valeurs du Dow pour seulement 1,3 once d’or. Quant aux obligations US, on les appelait des « certificats de confiscation garantie ».

Volcker avait juré de retourner la situation, de vaincre l’inflation. Il administra aux investisseurs le « traitement de choc Volcker », plaçant le taux directeur de la Fed à 20%. Cela fonctionna. L’inflation telle que mesurée par l’Indice des prix à la consommation (IPC) dépassait les 13% en 1980. Trois ans plus tard, elle était inférieure à 4%.

Les investisseurs ont été lents à la détente, toutefois. Le Dow était aux alentours des 850 points en janvier 1980. Si les investisseurs avaient su ce qui allaient arriver, ils auraient fait tapis… faisant grimper rapidement les prix des actions. Au lieu de cela, ils ont traîné et flâné, incertains de la marche à suivre.

En dollars nominaux post-1971, le Dow était à environ 850 points en juillet 1982. Il a fallu près de deux ans avant que le marché boursier entame sa hausse historique.

(L’ancienne monnaie, quant à elle, avait immédiatement vu le changement. En juillet 1982, les actions avaient déjà grimpé de 75% en dollars pré-1971, à 35 $ par once d’or.)

Attaqué de toutes parts

Les investisseurs avaient de bonnes raisons d’hésiter. En 1981, le choc Volcker avait créé la pire récession depuis la Grande dépression.

Imaginez-vous ce qu’il se passerait aujourd’hui si la Fed mettait son taux directeur à 20%… et que les acheteurs immobiliers se retrouvaient à payer 18% sur leurs crédits ?

Volcker fut attaqué aussi bien par les démocrates que par les républicains. On brûla son effigie sur les marches du Capitole. Ted Kennedy proposa d’abolir la Fed. Il semblait que le président Reagan aurait pu craquer à tout moment et le virer.

Mais Reagan soutint Volcker. Et Volcker n’hésita pas. C’était « l’inflation ou la mort » pour l’économie. Il ne la laissa pas simplement mourir – il lui appuya un oreiller sur le visage.

Volcker avait une bonne raison de vouloir la fin de la stagflation : il en était partiellement responsable.

De Business Insider :

« Durant son temps au gouvernement, Volcker avait été sous-secrétaire aux Affaires internationales. Dans ce rôle, Volcker avait contribué à sortir les Etats-Unis de l’étalon-or, ce qui avait redéfini le système monétaire international. »

Volcker avait aidé à construire le nouveau système monétaire, en d’autres termes. En 1980, le monstre avait déjà fait à l’économie américaine plus ou moins ce que les Japonais avaient fait à Nankin. Le nouveau système du dollar papier était en ruines… et Volcker était la seule personne capable de le sauver.

Il fit ce qu’il avait dit qu’il ferait. C’était bien dommage, là aussi. Car nous voyons à présent que Volcker menait une bataille qui aurait dû être perdue, non gagnée.

En rétablissant la pseudo-intégrité du système fiduciaire, Volcker a en réalité planté le décor d’un désastre encore plus grand.

Fin de partie

Avait-il des doutes ? Oui. Dès 1994, Volcker déclarait :

 « [S]i l’objectif principal est la stabilité des prix, nous avons fait mieux avec l’étalon-or du XIXème siècle et des banques centrales passives, avec des caisses d’émissions monétaires ou même avec les ’banques libres’. »

Un quart de siècle plus tard, c’était la fin de partie pour Paul A. Volcker. En jetant un dernier coup d’œil au tableau de scores, il a dû voir une belle victoire.

Nous nous demandons pourtant… a-t-il fini par regretter son rôle – que ce soit dans l’établissement de l’argent facile en 1971… ou le sauvetage du système en 1980 ?

Nous ne le saurons jamais. Mais même si Volcker ne l’a pas regretté, ce sera sûrement le cas pour nous.

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