La Chronique Agora

La dépendance de l’Europe au gaz russe

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Nick Saycec

La dépendance vis-à-vis de la Russie pourrait s’amoindrir, laissant la Russie sans atout dans son jeu.

▪ On dit que la dépendance de l’Ukraine et de l’Europe vis-à-vis du gaz russe est ce qui donne à la Russie son immunité politique. Personne ne souhaitant risquer de voir la Russie interrompre ses livraisons de gaz, la semi-invasion de la Crimée est admise. Mais si les Américains lèvent les restrictions à l’exportation du gaz naturel produit dans leurs champs gaziers en plein développement, ils pourraient en envoyer un peu en Europe. Cela signifie que la dépendance vis-à-vis de la Russie pourrait s’amoindrir, laissant la Russie sans atout dans son jeu. L’Europe pourrait alors oser affronter la Russie.

Naturellement, il faudrait plusieurs années pour mettre en place les infrastructures et commencer à livrer des quantités importantes de gaz vers l’Europe. Sans parler des coûts. Toutefois, les Européens comme les Américains en ont assez de l’impunité dont jouit la Russie. Les Russes ont réduit leurs exportations de gaz vers l’Ukraine en 2006 et 2009, le problème du gaz n’est donc pas nouveau. Et c’est un problème qui pourrait durer encore longtemps si personne ne fournit de source de gaz alternative.

Fred Upton, président de l’American House Energy and Commerce Committee, souhaite qu’Obama mette un coup d’accélérateur sur la production gazière le plus rapidement possible : "le processus d’autorisation des exportations de GNL par le département de l’Energie met inutilement nos alliés à la merci de Vladimir Poutine".

Mieux vaut entendre ça que ce qu’affirment les républicains : "Les exigences de la Constitution selon lesquelles seul le Congrès peut déclarer la guerre met inutilement nos alliés à la merci de Vladimir Poutine". Mais ce n’est toujours pas l’idéal. Un recours aux ressources serait encore mieux qu’un recours à la violence. Cela pourrait compenser la dépendance de l’Europe vis-à-vis de la Russie et permettre aux alliés à lancer une guerre froide avec des atouts. Obama pourrait encore remporter un Prix Nobel de la Paix, contrairement à Poutine, qui a peu de chances de le gagner même si sa candidature est proposée.

▪ Une situation qui dépasse la Crimée
Naturellement, les compagnies de gaz naturel opérant aux Etats-Unis sont ravies. Vendre du gaz au prix du marché international pourrait plus que doubler leurs bénéfices, même si les prix s’ajusteraient sans doute à la hausse de l’offre. Dan Denning, qui suit l’histoire du gaz américain depuis plusieurs années, estime qu’en ouvrant leur marché du gaz, les Américains pourraient rejouer une sorte de pont aérien de ravitaillement comme celui qui alimentait le secteur ouest de Berlin. Mais il se montre sceptique quant à son fonctionnement selon une planification opportune du fait des infrastructures que cela exige.

Sur le terrain, la situation ne se détend pas, malgré le supposé recul militaire de Poutine rapporté par les médias. La marine russe a sabordé un de ses vieux navires de guerre posté près d’un port ukrainien pour bloquer la marine ukrainienne. Le parlement de Crimée a voté un rattachement à la Russie, enjoignant aux soldats ukrainiens stationnés le long de ses frontières soit de rentrer chez eux soit de devenir Russes. Un bon nombre est parti voir ailleurs.

Il s’agit du message que l’Occident envoie aux pays qui ont des désaccords territoriaux.

Selon les penseurs géopolitiques, ce qui se joue ici va au-delà de la situation en Crimée. Il s’agit du message que l’Occident envoie aux pays qui ont des désaccords territoriaux : les ambitions de la Chine et le nationalisme japonais viennent à l’esprit. La réaction des gouvernements de la planète est donc essentielle.

Espérons que ce ne sera rien d’autre qu’un coup de vent.

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