La Chronique Agora

Dennis Hastert, pendu par sa propre corde

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▪ Imaginez notre allégresse ! "Pendu par sa propre corde" — c’est le titre que nous donnerions à cette histoire. Alan Brownfeld nous en dit plus :

"Nous savons désormais que J. Dennis Hastert, qui a été pendant huit ans président de la Chambre des Représentants [aux Etats-Unis], versait à un ancien étudiant des centaines de milliers de dollars afin que ce dernier ne révèle pas qu’Hastert avait sexuellement abusé de lui des décennies auparavant. Selon le New York Times, cette information est devenue publique grâce à ‘deux personnes briefées durant une enquête du FBI’.

Les procureurs fédéraux ont annoncé l’inculpation d’Hastert à la fin mai, suite aux affirmations selon lesquelles il aurait fait des retraits en espèces se montant à 1,7 million de dollars afin d’éviter d’être repéré par les banques. Les autorités fédérales l’ont également accusé de leur mentir quant à l’utilisation de ces retraits".

Nous nous posons une question : comment un ancien professeur de lycée ayant tenu un poste élu entre 1981 et 2007 peut-il quitter le Congrès avec une fortune estimée entre quatre et dix-sept millions de dollars ? Lorsqu’Hastert est entré au Congrès en 1987, selon les estimations, son patrimoine se montait au mieux à 270 000 $. Les chiffres montrent qu’il a été le bénéficiaire d’accords fonciers lucratifs pendant son mandat au Congrès ; depuis qu’il a quitté son poste, il a gagné plus de deux millions de dollars par an comme lobbyiste — influençant ses anciens collègues.

John Fund se rappelle :

"Denny Hastert venait parfois au Wall Street Journal où je travaillais lorsqu’il était président. C’était un partisan absolument conventionnel et banal du status quo ; son idée d’une réforme était d’écraser quiconque perturbait la manière habituelle de fonctionner du Congrès".

Mais tandis que tout le monde casse du sucre sur le dos du pédophile présumé/politicien corrompu… aujourd’hui, nous allons prendre son parti

La manière habituelle de fonctionner à Washington est, bien entendu, corrompue

La manière habituelle de fonctionner à Washington est, bien entendu, corrompue. Elle est conçue pour protéger le status quo parce que c’est le quo qui a le status… et l’argent. C’est ainsi que des gens comme Hastert, Newt Gingrich et les Clinton ont empoché autant d’argent — en favorisant le tissage de liens étroits entre le capitalisme de copinage et les politiciens… pour travailler ensemble, pogne dans la pogne, à tenter d’empêcher l’avenir de se produire.

▪ Tout de même…
… Il y a quelque chose d’un peu satisfaisant dans le fait qu’Hastert a lui-même tissé la corde pour se pendre. Pendant qu’il était au Congrès, Hastert a approuvé et favorisé des lois qui rendaient de plus en plus difficile de conduire ses propres affaires financières de manière libre et privée. Il n’a pas été inculpé pour avoir abusé d’un mineur, ni pour corruption ou fraude. Au lieu de ça, les autorités l’ont arrêté pour avoir arrangé des transactions bancaires de manière à ne pas avoir à les déclarer aux autorités fédérales.

Le problème, c’est que le noeud coulant se resserre sur nous tous.

Un ami à Paris nous en parle :

"Quand j’ai atterri au Royaume-Uni la semaine dernière, ma banque américaine a fort ‘aimablement’ gelé ma carte bancaire parce qu’ils se sont dit que ce n’était pas moi qui l’utilisais.

Si je n’avais pas eu un peu d’argent en poche me permettant d’accéder à une zone wi-fi pour pouvoir les appeler sur Skype (ma carte SIM ne fonctionnait pas au Royaume-Uni non plus), j’aurais été coincé.

Et ça même pas une semaine après avoir reçu une lettre de notre banque française déclarant qu’ils ne pouvaient plus s’occuper de notre compte-chèques parce qu’ils ne sont pas ‘enregistrés auprès de la SEC’."

En Suisse, notre banque — avec qui nous sommes depuis des années — vient elle aussi de nous mettre dehors.

"Ce n’est pas une question de fiscalité. Nous savons que vous payez vos impôts [comment le savaient-ils ?]. C’est simplement que nous ne souhaitons plus travailler avec des clients américains. Les coûts réglementaires sont trop élevés".

Pas de problème. Nous pouvons changer de banque. Mais attendez. Peut-être que ça aussi est contre la loi.

▪ A qui le tour ?
Le système est tellement trafiqué que les autorités peuvent s’attaquer à n’importe qui — même à l’un des trafiquants. Il y a tant de paperasserie à remplir, tant de réglementations crétines à surveiller, tant de règles dont vous pensez probablement qu’elles ne s’appliquent pas à vous que c’est inévitable — vous passerez la majeure de votre vie en ayant enfreint une loi ou une autre.

Ce qui compte, c’est la sur-criminalisation : transformer des actes banals et inoffensifs en délits majeurs

Ted Bauman, de la Sovereign Society :

"[…] ce qui compte, c’est la sur-criminalisation : transformer des actes banals et inoffensifs en délits majeurs. Par exemple l’employé postal qui a survolé la pelouse du Capitole en gyrocoptère pour protester contre le rôle corrompu de l’argent dans la politique US risque jusqu’à neuf ans de prisons pour plusieurs chefs d’inculpation. Trois restaurateurs américains ont été condamnés à huit ans de prison pour avoir ‘importé des queues de homard ayant la mauvaise taille et conditionnées en sacs plastiques transparents au lieu de cartons’, ce qui violait une loi hondurienne dont ils ignoraient jusqu’à l’existence, et le Lacey Act. Des gens ont été mis en prison pour avoir simulé des congés maladie et s’être perdus dans des parcs fédéraux.

Le juge d’appel fédéral Alex Kozinski a écrit un essai intitulé ‘Vous êtes (probablement) un criminel fédéral’. Il y énumère de nombreux exemples de statuts fédéraux si absurdes […] que personne ayant le moindre sens de la justice ne les utiliserait. En fait, si toutes ces lois étaient appliquées telles qu’elles sont écrites, ‘toute tentative de rechercher tous les criminels concernerait des millions de gens’.

Mais la sélectivité est précisément le principe de bon nombre de ces lois. Comme le souligne l’avocat-journaliste en croisade Glenn Greenwald, ‘lorsque tout — même des transgressions mineures — peut se muer en délit grave, cela donne aux autorités judiciaires le pouvoir de punir qui elles veulent".

Pour des raisons qui nous sont inconnues… elles ont choisi Hastert cette semaine. A qui le tour ensuite ?

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